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17/01/2020 | FRANCE | N°19NT02332

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 janvier 2020, 19NT02332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n°1900824 du 9 mai 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2019 M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce

jugement du 9 mai 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n°1900824 du 9 mai 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2019 M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 du préfet d'Indre-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, à défaut une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne le refus de séjour :

- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée, en ce qu'elle se limite à reprendre l'avis de la commission du titre de séjour et présente un caractère trop général ;

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure tenant à ce qu'elle a été prise sans consultation de la commission du titre de séjour, alors qu'il a présenté de nouveaux éléments ;

- la décision contestée est irrégulière en ce que le préfet s'est cru lié par l'avis de la commission du titre de séjour ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, la durée de son séjour en France constituant en elle-même une circonstance exceptionnelle ;

- la décision contestée est entachée de plusieurs erreurs de fait, notamment en ce qui concerne sa situation professionnelle, qui l'entachent d'irrégularité ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que sa demande reposant sur le fait qu'il disposait d'une promesse d'embauche, c'est vis-à-vis de cet élément particulier que le préfet devait examiner sa demande ;

en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit tenant à ce que le préfet n'était pas en situation de compétence liée du fait du refus de titre de séjour ;

- la décision contestée est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant du Bangladesh, a déclaré être entré irrégulièrement en France en 2005 à l'âge de 29 ans. Ses demandes tendant à ce que lui soit reconnu le statut

de réfugié ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides les

28 février 2006, 20 avril 2007 et 29 juillet 2009. Les recours formés à l'encontre de ces décisions ont été rejetés par la Cour nationale du droit d'asile les 13 octobre 2006, 12 janvier 2009 et 13 septembre 2010. Il a fait l'objet, en février 2007 et mars 2009, d'obligations de quitter le territoire, auxquelles il ne s'est pas conformé. Il a déposé en novembre 2016 une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou à titre subsidiaire, la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 22 décembre 2017, la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Bangladesh comme pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 1800539 du 24 mai 2018 devenu définitif, ce tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le 5 octobre 2018, le requérant a sollicité à nouveau son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 5 octobre 2018. Par un arrêté du 19 février 2019, le préfet d'Indre-et-Loire a refusé d'y faire droit et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français. M. D... relève appel du jugement du 9 mai 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le signataire de la décision litigieuse, secrétaire général de la préfecture, disposait d'une délégation de signature régulièrement établie et publiée, l'autorisant à signer " - les arrêtés, décisions et actes pris sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", délégation dont le champ était ainsi suffisamment précisé. A supposer même que l'arrêté préfectoral en litige puisse être regardé comme revêtu d'un simple paraphe, et non d'une signature, celle-ci, apposée au-dessus de l'indication du nom de son auteur, permettait ainsi d'identifier sans difficulté son auteur. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire ne peut ainsi qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, et contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du préfet se limite à reprendre les termes de l'avis de la commission du titre de séjour lors de son examen de la situation de M. D.... La décision du préfet, suffisamment détaillée en ce qui concerne son appréciation des circonstances de fait attachées au cas de M. D..., révélant ainsi un examen personnalisé de la situation de l'intéressé, est dès lors revêtue d'une motivation suffisante.

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Indre-et-Loire s'est cru lié par l'avis de la commission du titre de séjour ayant examiné en novembre 2017 le dossier de M. D....

5. En quatrième lieu, M. D..., alors même qu'il indique disposer désormais d'un nouveau contrat de travail, ne fait état d'aucun élément réellement nouveau par rapport à sa situation telle qu'elle se présentait lors de l'examen de son dossier par la commission du titre de séjour. Le contrat qu'il a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour ne présente pas de caractéristiques substantiellement différentes de ceux des emplois dont il a pu bénéficier par le passé et ne peut pas davantage être regardé, faute d'avoir été visé par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, d'une part, et de porter sur un emploi caractérisé par des difficultés particulières de recrutement, d'autre part, comme de nature à lui ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour. Aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation au préfet, dans un tel cadre, de saisir de nouveau la commission du titre de séjour du cas de M. D.... C'est ainsi à juste titre que le tribunal administratif, au point 4 de son jugement, a écarté le moyen tiré du vice de procédure dont aurait été entachée la décision litigieuse.

6. En cinquième lieu, si M. D... soutient que la décision litigieuse est irrégulière en raison des erreurs de fait relatives à sa situation personnelle qu'elle comporte, la circonstance à la supposer établie que le lieu de naissance de l'intéressé est erroné reste sans incidence sur la légalité de la décision contestée s'agissant d'un point aussi mineur. S'agissant de sa situation vis-à-vis de l'emploi et de ses ressources personnelles, il ressort des pièces du dossier que, même si l'intéressé occupait bien un emploi à la date de la décision contestée, il s'agissait d'un emploi à temps non complet, ne procurant que de faibles revenus à son titulaire et non visé par les services compétents en matière de travail et d'emplois. L'existence de cet élément, par suite, n'était pas de nature à remettre en cause l'analyse portée par le préfet sur la situation personnelle de M. D... et ses perspectives d'insertion à la société française. Cette erreur, par suite, ne peut être regardée comme entachant d'irrégularité la décision litigieuse.

7. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision de refus de titre de séjour attaquée : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

8. Il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national par l'autorité administrative, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

9. La circonstance que M. D... ait séjourné en France pendant plus de dix ans ne constitue pas, en elle-même, une considération humanitaire ni un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées. Si l'intéressé se prévaut d'un contrat de travail à temps non complet à durée indéterminée conclu en septembre 2018 sur un poste d'employé polyvalent dans une entreprise de restauration, il ne démontre ni qu'un tel emploi se caractériserait par des difficultés particulières de recrutement, ni qu'il ait été à l'origine de difficultés particulières en vue de le pourvoir. M. D... ne démontre pas davantage qu'un tel emploi serait en rapport avec sa formation ou son expérience professionnelle ni qu'il suffirait, par les revenus qu'il lui procure, à lui permettre d'accéder à une autonomie financière de nature à lui permettre de s'insérer à la société française. Ainsi les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste dont aurait été entachée la décision litigieuse doivent être écartés.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

10. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Indre-et- Loire s'est cru en situation de compétence liée pour prendre la décision contestée après avoir refusé le séjour à M. D....

11. En second lieu, faute d'établir l'illégalité du refus de séjour dont il a fait l'objet, le requérant ne peut exciper de celle-ci à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire qui lui est également faite.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Si M. D..., soutient que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne produit aucun élément de nature à laisser supposer qu'il serait personnellement exposé au risque de subir des mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

14. Le rejet des conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2019 du préfet d'Indre- et-Loire implique le rejet des conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 janvier 2020.

Le rapporteur

A. B...La présidente

N. F...Le greffier

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19NT02332 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02332
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ATTALI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-17;19nt02332 ?
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