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04/02/2020 | FRANCE | N°18NT03959

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 04 février 2020, 18NT03959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2017 du président de l'université de Tours refusant l'imputabilité au service d'un accident survenu le 9 février 2015 et d'enjoindre au président de l'université de Tours de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 9 février 2015 et d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposent en termes de versement des rappels de traitement.

Par un jugement N°1800153 du 18 septembre 2018, le tri

bunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 19 décembre 2017 et a rejeté le s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2017 du président de l'université de Tours refusant l'imputabilité au service d'un accident survenu le 9 février 2015 et d'enjoindre au président de l'université de Tours de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 9 février 2015 et d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposent en termes de versement des rappels de traitement.

Par un jugement N°1800153 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 19 décembre 2017 et a rejeté le surplus des conclusions de Mme C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 novembre 2018, le 31 mai, le 7 juin et le 10 juin 2019, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 18 septembre 2018 en tant qu'il ne qualifie pas d'accident de service l'évènement du 9 février 2015 et qu'il rejette ses conclusions tendant à enjoindre au président de l'université de Tours de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 9 février 2015 et d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposent en terme de versement des rappels de traitement ;

2°) d'enjoindre au président de l'université de Tours de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 9 février 2015 et d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposent en terme de versement des rappels de traitement, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Tours la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une dénaturation de ses demandes et de la décision attaquée en ce qu'il refuse de tirer les conséquences du constat qu'elle a bien été victime d'un accident le 9 février 2015 ;

- le tribunal a statué ultra-petita en procédant à la requalification de la décision attaquée, un refus de reconnaitre ledit accident comme imputable au service, en refus d'imputabilité d'une maladie au service ;

- elle est fondée à demander l'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 février 2015 ;

- le jugement du tribunal est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il n'a pas fait une correcte application de l'article 911-2 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2019, le président de l'université de Tours conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la requérante à verser à l'université de Tours la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du

18 septembre 2018 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a annulé son arrêté du

19 septembre 2017 et au rejet, dans cette mesure, de la demande de Mme C....

Il soutient :

- à titre principal, que les conclusions dirigées contre un jugement, qui, par son dispositif, fait intégralement droit aux conclusions de la demande de première instance sont irrecevables et ce quels que soient les motifs retenus par le premier juge, quand bien même la chose jugée serait défavorable au requérant ;

- à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

L'instruction a été close au 5 juillet 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire a été enregistré pour Mme C... le 20 décembre 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. François Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me E..., représentant Mme C... et les observations de

Me D..., représentant l'université de Tours.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été nommée maître de conférences stagiaire en 1998 à l'université de Tours, avant d'être titularisée en 2000, en qualité de maître de conférences en

sociologie - démographie. A la suite d'un incident survenu avec un étudiant le 9 février 2015, l'intéressée a été placée en congé de maladie ordinaire, puis en congé de longue maladie à compter du 9 février 2015. Elle a demandé à université de Tours, le 20 octobre 2016, que soit reconnue l'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 février 2015. Par un premier arrêté du 26 avril 2017, le président de l'université de Tours a rejeté cette demande. A la suite de la suspension de cet arrêté par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, le président de l'université de Tours, après avoir diligenté une nouvelle expertise et après avoir saisi la commission de réforme, a pris un nouvel arrêté le 19 décembre 2017 refusant de reconnaître, à nouveau, son accident comme imputable au service. Mme C... a saisi le tribunal administratif d'Orléans pour demander l'annulation de l'arrêté le 19 décembre 2017. Par sa requête visée

ci-dessus, Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du

18 septembre 2018 ayant fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté le

19 décembre 2017, en tant qu'il ne qualifie pas d'accident de service l'évènement du 9 février 2015 et qu'il rejette ses conclusions formulées à titre principal tendant à enjoindre au président de l'université de Tours de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 9 février 2015.

Sur la recevabilité de l'appel principal :

2. Le tribunal administratif d'Orléans a été saisi par Mme C... de conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2017 du président de l'université de Tours refusant l'imputabilité au service d'un accident survenu le 9 février 2015. Le jugement attaqué a annulé l'arrêté du 19 décembre 2017. Dès lors, quels que soient les motifs retenus par les premiers juges, Mme C... est sans intérêt et partant sans qualité pour contester sur ce point le jugement attaqué. Par suite, les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 18 septembre 2018, en tant qu'il a annulé l'arrêté du 19 décembre 2017, sont irrecevables.

Sur la recevabilité de l'appel incident :

3. Par son appel incident, l'université de Tours conteste le bien-fondé du jugement du 18 septembre 2018 en ce qu'il a annulé l'arrêté du 19 décembre 2017 du président de l'université de Tours. Dès lors que les conclusions de l'appel principal tendant à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il a annulé l'arrêté du 19 décembre 2017 sont irrecevables, l'appel incident de l'université de Tours est lui-même irrecevable.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'injonction de la demande formulées à titre principal :

4. Le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir juge fondé l'un quelconque des moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d'ordre public qu'il relève d'office suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée. Il en résulte que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l'excès de pouvoir n'est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé.

5. La portée de la chose jugée et les conséquences qui s'attachent à l'annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir diffèrent toutefois selon la substance du motif qui est le support nécessaire de l'annulation. C'est en particulier le cas selon que le motif retenu implique ou non que l'autorité administrative prenne, en exécution de la chose jugée et sous réserve d'un changement des circonstances, une décision dans un sens déterminé. Il est, à cet égard, loisible au requérant d'assortir ses conclusions à fin d'annulation de conclusions à fin d'injonction, tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ou à ce qu'il lui enjoigne de reprendre une décision dans un délai déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code.

6. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911 2 du même code.

7. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.

8. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée. En statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.

9. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par l'université sur ce point ne peut qu'être écartée.

Sur le bien-fondé du rejet par le tribunal des conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... :

10. D'une part, aux termes des dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction alors applicable : " (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. ".

11. D'autre part, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'agression verbale dont a été victime Mme C... est intervenue alors qu'elle était en service, prodiguant un cours de travaux dirigés de sociologie. La matérialité de l'évènement est établie par des courriels de collègues de l'intéressée des 9, 10, et 16 février 2015, qui, bien que n'ayant pas assisté à l'évènement en question, font état d'un incident le 9 février 2015 avec un élève, d'" échanges difficiles avec certains étudiants de L2 ", de ce que : " les étudiants de 2e année leur ont fait part d'un problème rencontré lors de ce TD et qu'ils étaient particulièrement ennuyés et ne comprenaient pas pourquoi ils t'avaient blessée (...) ". Le docteur Pasquet a diagnostiqué le 11 février 2015 un " burn out " secondaire à un choc psychologique. Si cette décompensation névrotique a pu être favorisée par une pathologie préexistante, en l'occurrence un état anxio-dépressif, celle-ci s'inscrivait dans un état d'épuisement professionnel reconnu par le docteur Simier, psychiatre et médecin spécialiste agrée et le médecin traitant l'intéressée, ainsi qu'il ressort des certificats et rapports médicaux produits. Dès lors, en l'espèce, cette décompensation est imputable au service, aucune circonstance particulière au dossier ne permettant de détacher cet événement du service.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à demander l'annulation du jugement du 18 septembre 2018 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à enjoindre à titre principal au président de l'université de Tours de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 9 février 2015 et d'en tirer toutes les conséquences sur son droit à traitement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au président de l'université de Tours de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 9 février 2015 de Mme C... et d'en tirer toutes les conséquences sur le droit à traitement de l'intéressée, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Tours la somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige. Mme C... ne justifiant d'aucun dépens dans le cadre de la présente instance, les conclusions tendant à mettre à la charge de l'université de Tours les entiers dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint au président de l'université de Tours de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 9 février 2015 de Mme C... et d'en tirer toutes les conséquences sur le droit à traitement de l'intéressée, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 18 septembre 2018 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'université de Tours versera la somme de 1 500 euros à Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'appel incident de l'université de Tours et le surplus des conclusions de la requête de Mme C... sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au président de l'université de Tours.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2020, où siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2020.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'Innovation en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT03959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03959
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CHANLAIR

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-04;18nt03959 ?
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