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07/02/2020 | FRANCE | N°19NT02886

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 février 2020, 19NT02886


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un refus de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900236 du 21 mars 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2019 M. E..., représenté par Me B..., demande à l

a cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2019 du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un refus de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900236 du 21 mars 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2019 M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2019 du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 21 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour " visiteur " valable un an ou à défaut un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente, en ce que la délégation de signature consentie à cette dernière serait excessivement imprécise et couvrirait un champ trop large ;

- cette décision a été paraphée et non signée, ce qui rend son auteur incompétent ;

- elle est insuffisamment motivée ; le préfet n'a pas expliqué les raisons pour lesquelles il n'a pas procédé au renouvellement de son titre de séjour visiteur ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée vis à vis de l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur son état de santé ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- il est protégé contre une mesure d'éloignement par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée alors qu'il bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation ;

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle l'expose au risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2020 le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant marocain, déclare être entré en France en juillet 2003. Il s'est vu délivrer en juillet 2004 un titre de séjour " visiteur " dont il a obtenu à plusieurs reprises le renouvellement, jusqu'en 2017. M. E... a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de son état de santé. Alors que sa demande était toujours en cours d'instruction, son avocat a sollicité, le 31 octobre 2018, la délivrance d'une carte de séjour " visiteur ". Le préfet d'Indre et Loire, par un arrêté du 21 décembre 2018, a refusé de faite droit aux demandes de l'intéressé, en assortissant sa décision d'une obligation de quitter le territoire et en fixant la destination de son pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des pièces produites par l'administration, que le signataire de la décision litigieuse, secrétaire général de la préfecture, disposait d'une délégation de signature régulièrement établie et publiée, l'autorisant à signer " - les arrêtés, décisions et actes pris sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", délégation dont le champ était ainsi suffisamment précisé. A supposer même que l'arrêté préfectoral en litige puisse être regardé comme revêtu d'un simple paraphe, et non d'une signature, celle-ci, apposée au-dessus de l'indication des nom et qualité de son auteur, permettait ainsi d'identifier sans difficulté ce dernier. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire ne peut ainsi, comme l'a jugé à juste titre le tribunal administratif, qu'être écarté.

3. Contrairement à ce qui est allégué, en deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du préfet se limite à reprendre les termes de l'avis de la commission du titre de séjour lors de son examen de la situation de M. E.... La décision du préfet, suffisamment détaillée en ce qui concerne son appréciation des circonstances de fait attachées au cas du requérant, qui révèle un examen personnalisé de la situation de ce dernier, est ainsi accompagnée d'une motivation suffisante.

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Indre et Loire se serait estimé lié par l'avis de la commission du titre de séjour ayant examiné en octobre 2018 le dossier de M. E....

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. E... un titre de séjour sur le fondement de son état de santé, le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration. Si M. E... indique avoir communiqué au préfet à plusieurs reprises des documents médicaux relatifs à l'évolution de son état de santé, notamment plusieurs comptes-rendus d'opérations chirurgicales, remontant pour l'essentiel à 2017, sans que le préfet en fasse état dans sa décision, une telle circonstance apparaît sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que la demande de titre de séjour de l'intéressé a été instruite conformément à la procédure particulière régissant l'instruction des demandes de titres de séjour présentées sur le fondement de l'état de santé de l'étranger, qui impose en particulier à ce dernier de constituer un dossier médical complet. M. E..., qui se borne à soutenir qu'il ne pourrait pas bénéficier dans son pays des soins que son état de santé requiert, se limite toutefois à produire une convocation à une visite médicale de suite et ne démontre par les éléments qu'il apporte ni être encore engagé dans un programme de soins non parvenu à son terme ni ne pouvoir bénéficier, comme indiqué dans l'avis du collège des médecins de l'OFII, d'un traitement approprié dans son pays.

7. En cinquième lieu, si M. E... soutient que sa situation relève des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce que son cas répond à des considérations humanitaires et se justifie au regard des motifs exceptionnels, son état de santé et notamment le fait qu'il ait eu à subir de nombreuses opérations chirurgicales au cours de l'année 2017 n'apparaît pas de nature justifier qu'il lui soit délivré un titre de séjour sur ce fondement. Le préfet n'était pas davantage tenu d'exposer les motifs pour lesquels il n'a pas entendu mettre en oeuvre son pouvoir de régularisation.

8. En dernier lieu, si M. E... soutient que la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'un détournement de pouvoir, ces moyens, alors même que l'intéressé ne fait pas l'objet d'une mesure d'expulsion, sont dépourvus des précisions suffisantes permettent d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

9. En premier lieu, il ne ressort des pièces du dossier ni que le préfet d'Indre et Loire se soit cru en situation de compétence lié pour prendre la décision contestée après avoir refusé le séjour à M. E..., ni qu'il se soit cru lié par l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII.

10. Le requérant ne peut, en second lieu, faute d'établir l'illégalité du refus de titre de séjour dont il fait l'objet, exciper de cette illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire qui lui est également faite.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Si M. E... soutient que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne produit aucun élément de nature à laisser supposer que la mesure d'éloignement dont il fait l'objet aurait pour conséquence, ainsi qu'il l'allègue sans apporter d'éléments probants au soutien de cette argumentation, de l'exposer au risque de subir de mauvais traitements, auxquels s'assimileraient les conséquences d'une absence de soins appropriés en cas de retour dans son pays d'origine. Alors que le préfet s'est fondé sur un avis du collège des médecins de l'OFII concluant que l'intéressé pouvait effectivement bénéficier des soins que son état de santé requiert dans son pays d'origine, celui-ci n'apporte aucun élément concret de nature à remettre en cause le bien-fondé d'un tel avis. La seule circonstance qu'il devait se rendre en janvier 2019 à une consultation médicale est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, et les différents comptes rendus d'hospitalisations produits par l'intéressé ne démontrent en rien en quoi, alors qu'il a déjà été opéré à plusieurs reprises en France, il ne pourrait pas bénéficier dans son pays d'origine des soins ou des traitements de suite que son état requiert. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- Mme F..., présidente assesseure,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 février 2020.

Le rapporteur

A. A...

Le président

I. PerrotLe greffier

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19NT02886 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02886
Date de la décision : 07/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ATTALI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-07;19nt02886 ?
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