La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2020 | FRANCE | N°20NT00352-20NT00353

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 novembre 2020, 20NT00352-20NT00353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 29 janvier 2019 du préfet du Finistère leur refusant la délivrance de titres de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et les obligeant à remettre leurs passeports et à se présenter une fois par semaine aux services de police.

Par un jugement nos 1903491, 1903492 du 30 septembre 2019 le tribunal administratif de Rennes

a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 29 janvier 2019 du préfet du Finistère leur refusant la délivrance de titres de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et les obligeant à remettre leurs passeports et à se présenter une fois par semaine aux services de police.

Par un jugement nos 1903491, 1903492 du 30 septembre 2019 le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le numéro 20NT00352 le 31 janvier 2020 Mme F..., représentée par Me Saglio, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2019 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de produire son entier dossier ;

4°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre séjour ou, à titre de subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 800 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas produit son entier dossier administratif devant les premiers juges, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- la décision contestée portant refus de titre de séjour, qui ne se prononce pas sur son droit au séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elle avait invoquées, est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- au vu de la situation de son époux, elle peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et st entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle s'en rapporte à ses écritures de première instance en ce qui concerne les décisions fixant la durée du délai de départ volontaire, l'obligeant à remettre son passeport et à se présenter une fois par semaine au commissariat.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le jugement attaqué n'est entaché ni d'omission à statuer ni de méconnaissance du principe du contradictoire et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2019.

II - Par une requête enregistrée sous le numéro 20NT00353 le 31 janvier 2020 M. E..., représenté par Me Saglio, demande à la cour :

1°) 'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2019 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de produire son entier dossier ;

4°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre séjour ou, à titre de subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il invoque les mêmes moyens que dans l'instance n°20NT00352 et soutient en outre que la décision contestée portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur de fait en ce qui concerne la disponibilité d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le jugement attaqué n'est entaché ni d'omission à statuer ni de méconnaissance du principe du contradictoire et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... et M. E..., ressortissants russes, ont fait l'objet de deux arrêtés du 29 janvier 2019 du préfet du Finistère leur refusant la délivrance de titres de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et les obligeant à remettre leurs passeports et à se présenter une fois par semaine aux services de police. Par des requêtes nos 20NT00352 et 20NT00353 qu'il y a lieu de joindre, Mme F... et M. E... relèvent appel du jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne Mme F... :

2. Il ressort des pièces du dossier et des mentions de l'arrêté contesté que Mme F... a présenté le 8 juillet 2016 auprès du préfet du Finistère une demande de titre de séjour, qu'elle a complétée notamment les 19 janvier 2017, 10 octobre 2017 et 19 avril 2018. L'intéressée produit la copie du courrier daté du 9 octobre 2017 qu'elle soutient avoir déposé en préfecture lors de son rendez-vous du 10 octobre 2017 et par lequel elle sollicitait son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ses affirmations, étayées d'une attestation précise et circonstanciée établie par un tiers l'ayant accompagnée dans la constitution de son dossier, ne sont pas sérieusement contredites par le préfet du Finistère, qui se borne à indiquer que Mme F... a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en qualité d'accompagnant d'étranger malade, sans fournir de précision sur le complément, non contesté, apporté le 10 octobre 2017 par l'intéressée à sa demande de titre de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, Mme F... doit être regardée comme justifiant avoir sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En s'abstenant d'examiner s'il pouvait être satisfait à la demande de l'intéressée au regard de ces dispositions, le préfet du Finistère a entaché d'illégalité sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme F.... Par suite, il y a lieu d'annuler cette décision ainsi que, par voie de conséquence, les décisions obligeant l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et l'obligeant à remettre son passeport et à se présenter une fois par semaine aux services de police.

En ce qui concerne M. E... :

S'agissant du refus de titre de séjour :

3. Par un avis du 6 septembre 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le requérant n'apporte, en appel, aucun élément nouveau permettant de remettre en cause cet avis. Dès lors le préfet a pu, sans méconnaitre les dispositions du 11° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rejeter la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée sur ce fondement.

4. Par ailleurs, M. E..., entré en France en 2012, n'a séjourné régulièrement en France que le temps d'instruction de sa demande d'asile puis lorsque des autorisations provisoires de séjour lui ont été accordées à raison de son état de santé. Comme l'ont relevé les premiers juges, il ne justifie pas, en dépit de ses activités associatives et de la scolarisation en France de ses enfants, d'une insertion particulière dans la société française. En outre il ne démontre ni que ces derniers ne pourraient être scolarisés en Russie ni qu'il serait dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

5. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

6. Compte tenu à la fois de l'annulation du refus de titre de séjour opposé à son épouse prononcée par le présent arrêt et de la présence sur le territoire national de ses trois enfants mineurs, l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. E... aurait nécessairement pour effet de séparer le requérant de sa cellule familiale. Par suite, cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit être annulée pour ce motif.

7. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire entraine celle de la décision fixant le pays de destination et de la décision obligeant l'intéressé à remettre son passeport et à se présenter une fois par semaine aux services de police.

8. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, que Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande, d'autre part, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixation du pays de renvoi et obligeant l'intéressé à remettre son passeport et à se présenter une fois par semaine aux services de police.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Eu égard au motif pour lequel elles ont été prononcées, les annulations prononcées

ci-dessus impliquent seulement que le préfet du Finistère, en application de l'article L 911-2 du code de justice administrative, réexamine la demande présentée par Mme F... et, dans cette attente, la munisse ainsi que son mari d'une autorisation provisoire de séjour dans les plus courts délais.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. Mme F... et M. E... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme globale de 1 000 euros à Me Saglio dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement nos 1903491, 1903492 du 30 septembre 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 29 janvier 2019 du préfet du Finistère pris à l'encontre de Mme F... et contre les décisions de même date portant à l'encontre de M. E... obligation de quitter le territoire, fixation du pays de destination et obligation de remettre son passeport et à se présenter une fois par semaine aux services de police.

Article 2 : L'arrêté n° 29-2019-055 du 29 janvier 2019 du préfet du Finistère pris à l'encontre de Mme F... est annulé.

Article 3 : L'arrêté n° 29-2019-054 du 29 janvier 2019 du préfet du Finistère pris à l'encontre de M. E... est annulé en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination.

Article 4 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de Mme F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour à M. E... et à Mme F....

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes nos 20NT00352 et 20NT00353 est rejeté.

Article 6 : L'Etat versera à Me Saglio la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.

Le rapporteur

C. Brisson

Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 20NT00352, 20NT003532


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00352-20NT00353
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SAGLIO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-06;20nt00352.20nt00353 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award