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12/11/2020 | FRANCE | N°19NT01962

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 12 novembre 2020, 19NT01962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...'h a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions du 4 mars 2016, du 1er décembre 2016 et 6 décembre 2017 par lesquelles le ministre de la défense a refusé d'alimenter son compte épargne temps à hauteur de dix jours au titre de, respectivement, l'année 2015, l'année 2016 et l'année 2017.

Par un jugement nos 1602044, 1700665, 1800587 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te et un mémoire, enregistrés les 23 mai 2019 et 9 mars 2020, M. B...'h, représenté par Me C....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...'h a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions du 4 mars 2016, du 1er décembre 2016 et 6 décembre 2017 par lesquelles le ministre de la défense a refusé d'alimenter son compte épargne temps à hauteur de dix jours au titre de, respectivement, l'année 2015, l'année 2016 et l'année 2017.

Par un jugement nos 1602044, 1700665, 1800587 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mai 2019 et 9 mars 2020, M. B...'h, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à la ministre des armées de prendre une décision entraînant l'alimentation de son compte épargne temps à hauteur de dix jours par an au titre des années 2015, 2016 et 2017, sous astreinte de deux cents euros par jours de retard en l'absence d'exécution dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le tribunal n'a pas précisé les raisons pour lesquelles les agents publics en service ou absents pour cause de maladie se trouvaient placés dans une différence de situation objectivement appréciable ;

- les décisions ont été prises par une autorité incompétente dès lors que seul était compétent le directeur du centre ministériel de gestion ;

- les décisions sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'en imposant que vingt jours de congés annuels aient été effectivement pris pour alimenter le compte épargne temps, l'administration ajoute une condition non prévue par l'article 3 du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 ;

-l'interprétation que fait l'administration du texte méconnaît le principe d'égalité de traitement entre agents publics ; cette différence de traitement n'est justifiée ni par une différence objective de situation entre deux catégories de personnels ni par un motif d'intérêt général ;

- retenir l'état de santé pour refuser l'alimentation d'un compte épargne temps est discriminatoire, au regard de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus d'alimenter son compte épargne temps fondé sur son seul état de santé méconnaît l'article 6 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- elle s'en remet aux écritures produites en première instances ;

- les moyens soulevés par M. B...'h ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°2002-634 du 29 avril 2002 ;

- le décret n°2011-1864 du 12 décembre 2011 ;

- l'arrêté du 14 décembre 2011 relatif à l'application du décret n°2011-1864 du 12 décembre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...'h, ingénieur d'études et de fabrications au sein de la Direction Interarmées des réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information de la Défense de Brest, est en congé de maladie imputable au service à la suite d'un accident survenu le 12 novembre 2012. Il a sollicité l'alimentation de son compte épargne temps à hauteur de dix jours au titre des années 2015, 2016 et 2017. Par trois décisions des 4 mars 2016, du 1er décembre 2016 et 6 décembre 2017, le ministre des armées a refusé de faire droit à ces demandes. M. B...'h a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces décisions. Il relève appel du jugement par lequel ce tribunal, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre les agents publics, le tribunal administratif de Rennes a indiqué, au point 9 du jugement attaqué, qu'" un agent placé en congé de maladie ne se trouve pas, au regard de son droit à congés annuels et de la finalité de ce droit, dans une situation identique à celle d'un agent qui exerce de manière effective son activité. Il bénéficie par ailleurs d'un droit au report de ses congés annuels dans les conditions énoncées aux points 5 et 6. ". Il a ainsi mentionné, avec une précision suffisante, la raison pour laquelle il a estimé que l'agent placé en congé de maladie est dans une situation différente de celle d'un agent qui exerce son activité, du fait du caractère effectif de l'exercice des fonctions. Par suite, M. B...'h n'est pas fondé à soutenir que le jugement est irrégulier faute de motivation suffisante en réponse à ce moyen.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 12 décembre 2011 autorisant le ministre de la défense et des anciens combattants à déléguer certains de ses pouvoirs en matière d'administration et de gestion du personnel civil du ministère de la défense : " Dans les conditions et les limites fixées par le présent décret, le ministre de la défense peut déléguer, par arrêté, aux autorités mentionnées à l'article 2 tout ou partie de ses pouvoirs en matière d'administration et de gestion du personnel civil relevant de son département ministériel. ". En vertu de l'article 2 de ce même décret, peuvent notamment bénéficier des délégations des pouvoirs du ministre de la défense en matière d'administration et de gestion du personnel civil les directeurs des centres ministériels de gestion, pour le personnel civil des services n'appartenant pas à l'administration centrale, les commandants de formation administrative ou d'organismes administrés comme tels relevant de l'état-major des armées ou d'une armée et les commandants organiques territoriaux ainsi que les directeurs ou chefs des organismes n'appartenant pas à l'administration centrale du ministère de la défense, notamment les directeurs des organismes extérieurs de la direction générale de l'armement, du secrétariat général pour l'administration, et des services de soutien interarmées. L'arrêté du 14 décembre 2011 prévoit, en son article 1er, que " les directeurs des centres ministériels de gestion (...) reçoivent délégation des pouvoirs du ministre en matière d'administration et de gestion du personnel civil dans les matières énumérées au présent article. (...) A- Actes concernant les fonctionnaires de l'Etat / 1. (...) ingénieur d'études et de fabrications (...) 29. Utilisation des congés accumulés sur un compte épargne temps (...) " et, en son article 3, que : " Les autorités désignées à l'article 1er ainsi que les commandants de formation administrative ou d'organismes administrés comme tels relevant de l'état-major des armées ou d'une armée, les commandants organiques territoriaux, les directeurs ou chefs des organismes n'appartenant pas à l'administration centrale du ministère de la défense reçoivent délégation des pouvoirs du ministre dans les matières énumérées au présent article, pour le personnel civil placé sous leur autorité. / A-En ce qui concerne les fonctionnaires de l'Etat (...) 5. Congés annuels et exceptionnels ".

4. Les demandes présentées par M. B...'h ayant donné lieu aux décisions contestées portaient sur le versement de jours de congés sur le compte épargne temps qu'il avait ouvert en 2009 et non sur l'utilisation des congés accumulés sur ce compte épargne temps. Par suite, en application du 5 du A de l'article 3 de l'arrêté du 14 décembre 2011 relatif à l'application du décret n°2011-1864 du 12 décembre 2011, le directeur de la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information de Brest, titulaire d'une délégation de pouvoirs, était compétent pour les signer. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des actes manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Aux termes de l'article 3 du décret du 29 avril 2002 : " Le compte épargne-temps est alimenté par le report de jours de réduction du temps de travail et par le report de congés annuels, tels que prévus par le décret du 26 octobre 1984 susvisé, sans que le nombre de jours de congés pris dans l'année puisse être inférieur à 20.(...) ". Il résulte de ces dispositions que seuls peuvent être versés sur le compte épargne temps des jours de congés excédant le seuil des vingt jours de congés payés pris au cours de l'année. Par suite, c'est sans ajouter au texte de l'article 3 du décret du 29 avril 2002 ni fait une inexacte application de ce texte que l'administration a rejeté la demande de versement sur son compte épargne temps de M. B...'h, qui n'avait pas pris vingt jours de congés annuels au cours des années 2015, 2016 et 2017, à hauteur de dix jours pour chacune de ces années.

6. M. B...'h soutient que cette condition prive les agents placés en congé de maladie de la possibilité d'exercer leur droit à alimenter leur compte épargne temps dans des conditions équivalentes à celles des agents exerçant leurs fonctions, en méconnaissance du principe d'égalité de traitement des agents publics. Toutefois, un agent placé en congé de maladie, même en cas de congé imputable au service, n'est pas dans une situation analogue à celui qui exerce effectivement ses fonctions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.

7. Par ailleurs, si le requérant soutient que la règle ainsi posée méconnaît les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe de non-discrimination édicté par l'article 14 ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par la convention et ses protocoles additionnels. Dès lors, il appartient au requérant qui se prévaut de la violation de ce principe d'invoquer devant le juge administratif le droit ou la liberté dont la jouissance est, selon lui, affectée par la discrimination alléguée. Le requérant ne précise pas le droit ou la liberté qui serait méconnu et le moyen qu'il soulève sur ce point ne peut, par suite, qu'être écarté.

8. Enfin, aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. (...) ". Contrairement à ce que M. B...'h soutient, les refus qui lui ont été opposés ne sont pas fondés sur son seul état de santé mais sur la circonstance qu'il ne remplit pas la condition de vingt jours de congés annuels pris dans l'année. Par suite, le moyen tiré de la discrimination dont il ferait l'objet en méconnaissance de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 doit être écarté.

9. Il résulte de tout de ce qui précède que M. B...'h n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...'h est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...'h et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2020.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

O. GASPON

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°19NT01962

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01962
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : QUANTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-12;19nt01962 ?
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