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18/12/2020 | FRANCE | N°20NT00702-20NT00713

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 20NT00702-20NT00713


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... et Mme A... E... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 6 mars 2019 par lesquels le préfet du Finistère a refusé de leur délivrer des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait obligation de remettre leur passeport et de se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Brest.

Par un jugement n°1903903, 1903908 du 17

octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... et Mme A... E... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 6 mars 2019 par lesquels le préfet du Finistère a refusé de leur délivrer des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait obligation de remettre leur passeport et de se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Brest.

Par un jugement n°1903903, 1903908 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I ) Par une requête enregistrée sous le numéro 20NT00702 le 26 février 2020 M. F..., représenté par Me Saglio, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2019 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas statué sur le moyen relatif à l'insuffisance de motivation de la décision contestée ;

- la décision contestée portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 de ce code, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision contestée fixant le pays de destination procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, la requête est devenue sans objet du fait de l'édiction d'un nouvel arrêté le 14 août 2020.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2020.

II - Par une requête enregistrée sous le numéro 20NT00713 le 26 février 2020 Mme F..., représentée par Me Saglio, demande à la cour :

1°) d'annuler le même jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2019 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Hormis le moyen tenant à la régularité du jugement attaqué, elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance n°20NT00702 visée ci-dessus.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, la requête est devenue sans objet du fait de l'édiction d'un nouvel arrêté le 14 août 2020.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Le Barbier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant géorgien né en 1971, et Mme E... épouse F..., ressortissante arménienne née en 1977, sont entrés irrégulièrement en France le 22 novembre 2011 selon leurs déclarations. Ils étaient accompagnés de leurs deux enfants mineurs G... et I..., nés en 2006 et 2010, Mme F... ayant ultérieurement donné naissance à deux autres enfants, B... et Roni, nés respectivement en 2014 et en 2015. Après avoir présenté deux fois des demandes d'asile puis deux fois des demandes de titre de séjour en qualité d'étrangers malades qui ont été rejetées, les intéressés ont de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cette fois. Par deux requêtes, enregistrées sous les numéros 20NT00702 et 20NT00713 et qu'il y a lieu de joindre, ils relèvent appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation des arrêtés du 6 mars 2019 par lesquels le préfet du Finistère a refusé de leur délivrer des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et les a astreints à remettre leurs passeports et à se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Brest.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions contestées les deux enfants aînés de M. et Mme F... vivaient en France depuis 8 ans et y étaient scolarisés respectivement depuis 2011 et 2012, G... étant alors inscrite en 5ème et I... en cours élémentaire 2ème année. Les deux plus jeunes enfants du couple, nés sur le territoire français, âgés respectivement de cinq et six ans et qui y ont toujours vécu, étaient également scolarisés à cette date. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce et eu égard à la durée du séjour de leurs parents en France ainsi qu'au lien très fort des enfants des requérants avec ce pays, dans lequel ils ont très essentiellement voire exclusivement vécu et où ils sont scolarisés et insérés, le préfet du Finistère a, en prenant les arrêtés contestés, méconnu l'intérêt supérieur des enfants de M. et Mme F... à demeurer en France, tel qu'il est garanti par les stipulations précitées du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, que M. et Mme F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. L'annulation des arrêtés du préfet du Finistère du 6 mars 2019 implique, eu égard à son motif, que des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " soient délivrés à M. F... et à Mme F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

6. M. F... et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme totale de 1 000 euros à payer à Me Saglio au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 1903903, 1903908 du tribunal administratif de Rennes du 17 octobre 2019 et les arrêtés du préfet du Finistère du 6 mars 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de délivrer à M. et Mme F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Saglio la somme totale de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. F... et de Mme F... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à Mme A... E... épouse F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

Le rapporteur

M. Le Barbier

Le président

I. PerrotLe greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 20NT00702, 20NT007132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00702-20NT00713
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SAGLIO

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-18;20nt00702.20nt00713 ?
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