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12/01/2021 | FRANCE | N°19NT04316

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 janvier 2021, 19NT04316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision, notifiée le 14 juin 2018, par laquelle l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée pour Mme C... F... au titre de la réunification familiale.

Par un jug

ement no 1902510 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision, notifiée le 14 juin 2018, par laquelle l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée pour Mme C... F... au titre de la réunification familiale.

Par un jugement no 1902510 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 novembre 2019 et 20 juillet 2020, M. G..., représenté par Me Vérité, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité par Mme F... ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au profit de Me Vérité en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

Par une décision du 28 octobre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. G... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- et les observations de Me Vérité, représentant M. G....

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 4 avril 1985, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 13 janvier 2017. Mme C... F..., qui se présente comme sa concubine, a saisi l'autorité consulaire française à Kinshasa d'une demande de visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale. Par décision du 14 juin 2018, l'autorité consulaire a refusé de délivrer le visa sollicité. Le silence gardé pendant deux mois sur le recours formé contre cette décision auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France a fait naître une décision implicite de rejet. M. H... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort du mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur en première instance que le refus de visa contesté est fondé, d'une part, sur l'absence d'une vie commune suffisamment stable et continue avant l'introduction de la demande d'asile de M. H... en France, et, d'autre part, sur l'absence de preuve de l'identité de Mme F....

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / (...). / II. - (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. H... produit un jugement du tribunal de paix de Kinshasa Ngaliema du 28 février 2018 autorisant l'enregistrement tardif dans les registres d'état civil de la commune de Kintambo du mariage coutumier célébré en famille le 25 février 2010 entre M. H... et Mme F.... Il n'est cependant pas établi ni même allégué que ce mariage coutumier célébré en 2010 aurait été transcrit sur les registres de l'état civil de la République démocratique du Congo. Dès lors, Mme F... ne peut être regardée comme l'épouse du requérant, mais tout au plus comme sa concubine. Il est vrai, à cet égard, que M. H... a mentionné, dans sa demande d'asile enregistrée le 7 septembre 2015, Mme C... F... comme étant sa concubine actuelle, ainsi qu'un enfant né le 28 avril 2014 d'une union avec une autre femme. Le requérant justifie en outre, par les documents relatifs à son mariage coutumier et par diverses photographies, avoir eu une relation de concubinage avec Mme C... F... entre 2010 et 2013. Si M. H... soutient qu'il a ensuite été séparé involontairement de Mme C... F... à compter de son interpellation le 10 mars 2013, suivie de vingt mois de détention à la prison de Makala, il est constant que de son union avec une autre femme est née une fille le 28 avril 2014. En outre, M. H... ne fournit aucun élément ni explication quant à ses liens avec Mme C... F... entre sa sortie de prison, en novembre 2014 selon ses allégations, et son arrivée en France le 17 juin 2015. Enfin, l'ensemble des autres pièces au dossier sont relatives à des échanges qu'il a eus avec Mme C... F... après son entrée en France et, pour l'essentiel, après que le statut de réfugié lui a été reconnu. Dès lors, c'est par une exacte application de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que M. H... ne justifiait pas d'une vie commune suffisamment stable et continue avec Mme F... avant l'introduction de la demande d'asile du requérant en France.

5. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle s'était fondée uniquement sur ce motif.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. H... ne justifie pas d'une vie commune suffisamment stable et continue avant l'introduction de sa demande d'asile en France avec Mme F..., qui a toujours vécu dans son pays d'origine. Par ailleurs, les pièces versées au dossier sont lacunaires en ce qui concerne les liens qu'aurait conservés le requérant avec Mme F... entre son arrivée en France en juin 2015 et le milieu de l'année 2017. Dans ces conditions, en dépit des justificatifs de transferts d'argent et d'échanges téléphoniques à compter de l'été 2017 entre le requérant et Mme F..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, celle-ci aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant. Elle n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui confirme le rejet par le tribunal administratif de la demande d'annulation présentée par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. G... demande au profit de Me Vérité.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G..., à Me B... Vérité et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président-assesseur,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2021.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLe président,

T. Célérier

Le greffier,

C. Goy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT04316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04316
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : VERITE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-12;19nt04316 ?
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