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09/07/2021 | FRANCE | N°20NT02519

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Chambres réunies, 09 juillet 2021, 20NT02519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté leur recours formé contre la décision de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo rejetant leurs demandes respectives de visa de long séjour.

Par un jugement n° 1913387 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2020 et le 25 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté leur recours formé contre la décision de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo rejetant leurs demandes respectives de visa de long séjour.

Par un jugement n° 1913387 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2020 et le 25 janvier 2021, les consorts B..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de leur délivrer les visas sollicités, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'actes de naissance dressés en 2016 soit au cours de l'année d'intervention des jugements supplétifs qu'ils transcrivent ;

- la compétence du tribunal de grande instance ne saurait être contestée ;

- le jugement du 24 juin 2016 est un jugement de garde et non un jugement supplétif d'acte de naissance de sorte qu'aucune fraude n'est caractérisée ;

- le caractère frauduleux des jugements supplétifs du 13 septembre 2016 n'est ni démontré ni même allégué ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que ses pièces jointes ne présentent pas un intitulé conforme à l'inventaire ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et notamment son article R. 222-29-1.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., ressortissante congolaise née le 3 juin 2000 et M. C... B..., ressortissant congolais né le 17 février 1999, ont sollicité la délivrance de visas de long séjour en vue de rejoindre M. G... B..., ressortissant congolais résidant régulièrement en France et ayant obtenu le 23 juillet 2018 une autorisation de regroupement familial pour ses deux enfants. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté leur recours formé contre les refus de visa opposés par l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo. Les consorts B... relèvent appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. Les dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative exigent des parties, lorsqu'elles joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, d'en établir simultanément un inventaire détaillé. L'article R. 414-1 du même code dispose : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat (...) la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. / (...) ". Aux termes des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 414-3 de ce code, dans leur rédaction applicable au litige : " Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. ". En vertu de l'article R. 811-13 du code de justice administrative, ces dispositions sont applicables à l'introduction de l'instance devant le juge d'appel.

3. Ces dispositions relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. Elles organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé. Cet inventaire doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite.

4. Eu égard à la finalité mentionnée au point précédent, ces dispositions imposent de désigner chaque pièce dans l'application Télérecours au moins par le numéro d'ordre qui lui est attribué par l'inventaire détaillé, que ce soit dans l'intitulé du signet la répertoriant dans le cas de son intégration dans un fichier unique global comprenant plusieurs pièces ou dans l'intitulé du fichier qui lui est consacré dans le cas où celui-ci ne comprend qu'une seule pièce. Dès lors, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.

5. La requête d'appel introduite par les consorts B... au moyen de l'application informatique dédiée prévue à l'article R. 414-1 du code de justice administrative était accompagnée de pièces jointes transmises sous la forme de fichiers distincts. Si l'intitulé de ces fichiers n'était pas conforme à l'inventaire détaillé joint à la requête, les requérants ont, le 31 mai 2021, régularisé leur requête en produisant, au moyen de l'application informatique évoquée précédemment, les mêmes pièces, présentées cette fois suivant les modalités définies par les dispositions précitées, notamment, selon une désignation conforme à celle figurant à l'inventaire. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur et tirée de la méconnaissance de ces dispositions doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de lien conjugal ou de lien de filiation entre le demandeur de visa et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.

7. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

8. M. C... B... et Mme D... B... versent aux débats deux jugements supplétifs d'acte de naissance, intervenus à l'issue d'une audience du 13 septembre 2016, par lesquels le tribunal de grande instance de Kinshasa / Gombe a ordonné la transcription dans les registres de l'état civil de leurs naissances, survenues respectivement le 17 février 1999 et le 3 juin 2000, de l'union de Monsieur B... G... et de Mme F.... Si le ministre de l'intérieur soutient que le tribunal de grande instance de Kinshasa / Gombe n'était, au regard du droit congolais, plus compétent en 2016, pour se prononcer sur l'état civil d'enfants mineurs et donc pour rendre ces jugements, la circonstance, à la supposer avérée et qu'il revient aux autorités judiciaires locales d'apprécier, que cette juridiction se serait méprise sur sa compétence ne permet pas, par elle-même, d'établir le caractère frauduleux de ces jugements supplétifs, qui n'est pas autrement démontré par le ministre. Dans ces conditions, le lien de filiation de M. C... B... et de Mme D... B... à l'égard de M. G... B... doit être tenu pour établi par ces jugements. Par suite, le ministre de l'intérieur ne peut utilement soutenir, d'une part, que les actes de naissance dressés le 29 septembre 2016 et transcrivant ces jugements supplétifs du 13 septembre 2016 seraient entachés d'anomalies remettant en cause leur valeur probante et, d'autre part, que les actes de naissance établis le 12 octobre 2018 l'ont été sur le fondement d'un jugement en date du 24 juin 2016 qui n'est pas un jugement supplétif mais un jugement portant sur la garde. Dès lors, en confirmant les refus de visa opposés aux requérants, au motif, invoqué par le ministre dans ses écritures de première instance et d'appel, que le lien de filiation allégué à l'appui de leur demande n'était pas établi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'illégalité.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que les consorts B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Eu égard au motif d'annulation sur lequel le présent arrêt est fondé et alors que le ministre de l'intérieur n'invoque aucun autre motif d'ordre public, son exécution implique nécessairement que des visas de long séjour soient délivrés à Mme D... B... et à M. C... B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérants d'une somme globale de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 juin 2020 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D... B... et à M. C... B... un visa de long séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : l'Etat versera à Mme D... B... et M. C... B... la somme globale de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Couvert-Castéra, président de la cour,

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2021.

La rapporteure,

K. E...

Le président de la cour,

O. COUVERT-CASTÉRALa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20NT02519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Chambres réunies
Numéro d'arrêt : 20NT02519
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : MANIA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;20nt02519 ?
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