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17/09/2021 | FRANCE | N°20NT03342

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 septembre 2021, 20NT03342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2019 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de renvoi son pays d'origine, l'Egypte, ou tout pays dans lequel il peut être légalement admissible.

Par un jugement n° 1904065 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 octobre 2020 M. C... E..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2019 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de renvoi son pays d'origine, l'Egypte, ou tout pays dans lequel il peut être légalement admissible.

Par un jugement n° 1904065 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 octobre 2020 M. C... E..., représenté par Me Attali, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 14 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention vie privée et familiale, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, de l'enjoindre à réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision et sur celui tiré de l'incompétence négative de l'auteur de la décision ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'incompétence en raison du caractère vague, général et imprécis de l'arrêté de délégation de signature consentie à son auteur et dès lors qu'elle est revêtue d'un paraphe interdit par les arrêtés du 17 Ventôse an X ;

- elle est insuffisamment motivée en droit et fait ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- le préfet d'Indre-et-Loire s'est crue à tort lié par le précédent refus de titre de séjour pris en 2017 ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet, qui se fonde uniquement sur le refus de titre de séjour, n'a pas fait usage de son pouvoir d'appréciation ;

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant égyptien né le 3 janvier 1988, a déclaré être entré en 2014 en France, où il s'est marié le 8 novembre 2014 avec Mme B... D..., ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 13 avril 2025. Le 29 décembre 2014, il a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français qu'il a exécutée. Il est de nouveau entré sur le territoire français le 11 octobre 2015 sous couvert d'un passeport et d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes, valable jusqu'au 27 juillet 2017. Il a sollicité, le 30 janvier 2017, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet d'Indre-et-Loire a pris à son encontre, le 9 mai 2017, un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. M. E..., qui n'a pas exécuté cet arrêté, s'est maintenu sur le territoire et a à nouveau sollicité, le 22 mars 2019, la régularisation de sa situation administrative et la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 14 octobre 2019, le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 juillet 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. E... s'est marié le 8 novembre 2014 à Tours avec une ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence algérien de dix ans valable jusqu'au 13 avril 2025. De cette union sont nés trois enfants les 25 avril 2014,

13 juillet 2015 et 26 mai 2018. Il résulte des pièces du dossier que le requérant réside avec son épouse et ses enfants à F.... Si le requérant a été séparé de son épouse entre le

20 mars 2015 et le 13 novembre 2015, cette séparation n'est que la conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 29 décembre 2014 et à laquelle l'intéressé a obtempéré. Si le couple a connu, par ailleurs, une séparation de fait entre le 1er mai 2016 et le 9 octobre 2016, il résulte du document intitulé " historique allocataire conjoint ", établi par la caisse d'allocations familiales Touraine concernant la situation de Mme B... E..., que la vie maritale a repris à compter du 10 octobre 2016. L'administration n'établit pas que la communauté de vie aurait été, depuis, interrompue jusqu'à l'intervention de la décision contestée. Au demeurant, un troisième enfant du couple est né, comme il a été précisé ci-dessus, le 26 mai 2018, de nature à établir l'intensité des liens unissant le couple. Il résulte des mêmes pièces du dossier, notamment des factures délivrées par l'établissement scolaire fréquenté par les deux premiers enfants et de l'attestation émise par un médecin généraliste que M. E... participe à l'éducation et à l'entretien de ses enfants. A..., compte tenu de sa situation administrative, M. E... n'était pas autorisé à travailler en France, de sorte qu'il ne peut justifier de revenus propres, il est constant qu'il a suivi un stage en formation " " préparation à l'installation " en juillet 2018 puis s'est déclaré

micro-entrepreneur pour une activité de peinture décoration à compter de ce même mois, témoignant de sa volonté d'insertion dans la société française. Dans ces circonstances spécifiques, le préfet d'Indre-et-Loire, en refusant de délivrer au requérant un titre de séjour, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise, en méconnaissance des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. E... est fondé à en demander l'annulation.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué et sur les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte:

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ". Et l'article L. 911-3 du même code dispose que: " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

6. L'exécution du présent arrêt, qui annule la décision de refus de séjour du 14 octobre 2019, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, implique nécessairement, eu égard aux motifs du présent arrêt, et dès lors qu'il n'est fait état d'aucun changement dans les circonstances de droit et de fait concernant la situation de l'intéressé, la délivrance au requérant d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à M. E... ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Attali dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1904065 du tribunal administratif d'Orléans du 16 juillet 2020 et l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 14 octobre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à M. E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le versement de la somme de 1 200 euros à Me Attali est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 17 septembre 2021.

Le rapporteur

M. L'hirondel

La présidente

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20NT03342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03342
Date de la décision : 17/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : ATTALI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-17;20nt03342 ?
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