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21/09/2021 | FRANCE | N°20NT03895

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 septembre 2021, 20NT03895


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de la transférer aux autorités espagnoles et l'arrêté du même jour de la même autorité l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à comp

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de la transférer aux autorités espagnoles et l'arrêté du même jour de la même autorité l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2003766 du 8 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2020, Mme C..., représentée par Me Le Bihan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant de son transfert aux autorités espagnoles ;

3°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant son assignation à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une attestation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) pour examen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision portant transfert aux autorités espagnoles méconnaît pour les mêmes raisons l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant transfert aux autorités espagnoles a été prise en méconnaissance de l'article 17 de ce règlement (UE) et est, en conséquence, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 17 mars 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme C... n'est fondé, informe la cour que la demande d'asile présentée par cette dernière va être instruite en France et justifie qu'elle est convoquée dans les services de la préfecture le 23 mars 2021.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2020.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante guinéenne, née le 20 septembre 2000, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 5 décembre 2019. Elle a présenté une demande d'asile le 17 février 2020 à la préfecture d'Ille-et-Vilaine. La consultation du fichier Eurodac a révélé que Mme C... avait franchi irrégulièrement les frontières espagnoles dans la période précédant les 12 mois du dépôt de sa première demande d'asile. Consécutivement à leur saisine par le préfet, le 26 mars 2020, les autorités espagnoles ont, le 1er avril 2020, donné leur accord à la reprise en charge de Mme C... en application de l'article 13-1 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013. Par deux arrêtés du 2 septembre 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de la transférer à ces autorités et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable dans le département d'Ille-et-Vilaine. Mme C... relève appel du jugement du 8 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :

2. Il ressort du mémoire présenté devant la cour le 17 mars 2021 par le préfet d'Ille-et-Vilaine que la demande d'asile présentée par Mme C... va être instruite en France, l'administration justifiant que l'intéressée est convoquée le 23 mars 2021, dans le cadre de cette procédure, par les services de la préfecture. Le litige ayant perdu son objet sur la question du transfert de l'intéressée aux autorités espagnoles, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation du jugement du 8 septembre 2020 qui a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 2 septembre 2020 portant transfert vers l'Espagne.

3. Toutefois, l'arrêté portant assignation à résidence de Mme C... ayant été exécuté, il y a lieu de se prononcer sur sa légalité.

Sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence :

4. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". L'article L. 742-5 du même code énonce que : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert dès la notification de cette décision (...) " Et d'autre part, aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. ".

5. L'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors que la mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable. Par ailleurs, si les décisions d'assignation à résidence prévues par les dispositions précitées de l'article L. 561-2 ne sont pas assimilables à des mesures privatives de liberté, elles doivent être, dans leur principe comme dans leurs modalités, adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent.

6. Mme C... soutient qu'en raison de la situation sanitaire prévalant en France et de sa grossesse, les dispositions des articles L. 561-2 et R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point précédent, ont été méconnues. Toutefois, au cas d'espèce, il ne ressort pas des éléments versés au dossier qu'en décidant, par l'arrêté du 2 septembre 2020, d'assigner à résidence la requérante, dont le terme de la grossesse était prévu pour la deuxième quinzaine du mois de novembre, et en lui imposant de se présenter le mardi et le mercredi à la gendarmerie distante de moins d'un kilomètre de son domicile, le préfet d'Ille-et-Vilaine a méconnu les dispositions de l'article L.561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que l'éloignement de l'intéressée demeurait à cette date une perspective raisonnable. Pour les mêmes motifs, la décision portant assignation à résidence, qui ne présente pas un caractère excessif et trop contraignant dans ses modalités, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En second lieu, pour le surplus, Mme C... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux ou d'une quelconque argumentation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 2 septembre 2020 décidant son assignation est suffisamment motivé en fait et en droit et n'est pas entaché d'un défaut d'examen de sa situation.

8. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que les conclusions de Mme C... dirigées contre l'arrêté l'assignant à résidence ne peuvent qu'être rejetées et qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté ces conclusions.

Sur les frais d'instance :

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que doivent être rejetées les conclusions de la requérante aux fins d'injonction et celles, dans les circonstances de l'espèce, tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 septembre 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités espagnoles.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. A..., président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2021.

Le rapporteur

O. A...Le président

O. GASPON

La greffière

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT03895 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03895
Date de la décision : 21/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-21;20nt03895 ?
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