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21/01/2022 | FRANCE | N°21NT01073

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 janvier 2022, 21NT01073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision de la préfète d'Ille-et-Vilaine du 19 août 2019 portant refus de titre de séjour.

Par un jugement no 1905366 du 12 octobre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2021, M. A..., représenté par Me Le Bihan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2020 du tribunal administratif de Renne

s ;

2°) d'annuler cette décision du 19 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision de la préfète d'Ille-et-Vilaine du 19 août 2019 portant refus de titre de séjour.

Par un jugement no 1905366 du 12 octobre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2021, M. A..., représenté par Me Le Bihan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2020 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler cette décision du 19 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisant de sa demande ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où il n'a pas été mis en mesure d'apporter des éléments complémentaires utiles concernant l'authenticité de ses actes d'état civil ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et méconnaît les articles R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 47 du code civil ;

- elle méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée le 17 septembre 2021 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

9 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, en avril 2017. Il a été pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance par le département d'Ille-et-Vilaine, à compter du 17 mai 2017. Il a sollicité, le 20 novembre 2018, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 19 août 2019, la préfète d'Ille-et-Vilaine a rejeté cette demande. Par un jugement du 12 octobre 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Rennes, a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, d'une part : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du même code, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

4. Il ressort des pièces du dossier que les services de la direction zonale de la police aux frontières ont formulé un avis défavorable s'agissant de la régularité du jugement supplétif d'acte de naissance et de l'extrait du registre de l'état civil produits par M. A... pour justifier de son état civil et que le préfet s'est fondé sur les irrégularités relevées par ces services pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité.

5. D'une part, au recto du jugement supplétif d'acte de naissance et de l'extrait d'acte de naissance apparaissent bien la signature et le tampon d'une attachée consulaire de l'ambassade de Guinée en France, de sorte qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les documents d'état civil ne seraient pas légalisés même si n'y figure pas la signature du Consul de Guinée en France lui-même. D'autre part, l'administration a relevé pour écarter le caractère probant des documents d'état civil en cause, la mention de la date de naissance en chiffres et non en lettres en méconnaissance de l'article 179 du code civil guinéen, l'absence de formule exécutoire dans le jugement en méconnaissance de l'article 555 du code de procédure civil guinéen, ainsi qu'une non-conformité aux articles 183 et 196 qui prévoient la mention sur les actes de naissance de l'âge, de la profession et du domicile des parents. Toutefois, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux. Or, les irrégularités ainsi relevées par l'administration ne permettent pas d'établir le caractère frauduleux du jugement supplétif d'acte de naissance de l'intéressé. Ce jugement, dont les mentions sont les mêmes que celles qui figurent sur l'acte de naissance, permet dès lors, d'établir l'état civil et la nationalité de ce dernier, comme l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en rejetant la demande de titre de séjour de M. A... au motif qu'il ne justifiait pas de son état civil par des documents probants, la préfète d'Ille-et-Vilaine a méconnu les dispositions précitées de l'article 47 du code civil ainsi que celles de l'article R. 313-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

7. L'exécution du présent jugement implique nécessairement mais seulement que le préfet d'Ille-et-Vilaine réexamine la demande d'admission au séjour de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et le munisse, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 novembre 2020 et la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 27 août 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la demande d'admission au séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Salin une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2022.

Le rapporteur

X. Catroux

Le président

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT010732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01073
Date de la décision : 21/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-21;21nt01073 ?
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