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04/02/2022 | FRANCE | N°21NT03106

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 février 2022, 21NT03106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités maltaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2108154 du 27 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 novembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités maltaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2108154 du 27 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Arnal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 16 juillet 2021 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de soixante-douze heures à compter de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de transfert aux autorités maltaises :

- elle est insuffisamment motivée en droit, faute de mentionner le critère retenu par les autorités françaises pour désigner l'Italie comme Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ; elle est insuffisamment motivée en fait, compte tenu notamment de son caractère stéréotypé ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen personnalisé de sa situation au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et méconnaît l'article 3 de ce règlement ainsi que de l'article L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il existe à Malte des risques de défaillances systémiques de la procédure d'asile ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée, faute de mentionner les circonstances précises conduisant le préfet à considérer que son éloignement demeure une perspective raisonnable et que le requérant est dans l'impossibilité de quitter le territoire français et de regagner son pays d'origine ou de se rendre dans un autre pays ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités maltaises ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 573-2 et L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet ne justifie pas de ce que son éloignement demeure une perspective raisonnable et qu'il est dans l'impossibilité de quitter immédiatement le territoire français ; le préfet s'est fondé sur un critère non prévu par la loi en voulant s'assurer de la disponibilité du requérant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... A... ne sont pas fondés.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Guéguen, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... A..., né le 5 mai 1997, de nationalité tchadienne, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 28 avril 2021 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 4 mai 2021. Constatant que M. B... A... avait déposé une première demande d'asile à Malte le 13 octobre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a saisi ces autorités, le 7 mai 2021, d'une demande de reprise en charge de M. B... A... sur le fondement du b) de l'article 18.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités maltaises ayant formulé, le 14 mai 2021, un accord explicite à cette reprise en charge, le préfet de Maine-et-Loire a, par un arrêté du 16 juillet 2021 décidé le transfert de l'intéressé aux autorités maltaises et pris un arrêté d'assignation à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois. M. B... A... relève appel du jugement du 27 juillet 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités maltaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur l'étendue du litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle a été notifié à l'administration le jugement par lequel le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

3. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer M. C... B... A... vers Malte a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 27 juillet 2021, du jugement attaqué. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date de la présente ordonnance. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... A... relatives à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités maltaises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités maltaises :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". En application de ces dispositions, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

6. En l'espèce, l'arrêté contesté mentionne que le requérant a présenté une demande d'asile à la préfecture de la Loire-Atlantique le 4 mai 2021, que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont fait apparaître qu'il avait précédemment déposé, le 13 octobre 2020 une première demande de protection internationale auprès des autorités maltaises, que ses empreintes ont été relevées par ces mêmes autorités le jour même de sa première demande de protection internationale et qu'en l'absence d'élément permettant de désigner un autre Etat membre comme responsable en application des critères prévus aux articles 7 à 15 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités maltaises, qui ont fait connaître leur accord explicite le 14 mai 2021, doivent être regardées comme responsables de la demande d'asile de M. B... A.... L'arrêté contesté, qui vise les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comporte par ailleurs des informations sur la situation personnelle et familiale de M. B... A..., notamment sur son veuvage et sa paternité d'un enfant mineur résidant au Tchad, ainsi que sur les problèmes de santé dont il a déclaré souffrir, en raison d'un index mal formé. Cet arrêté contient enfin l'appréciation portée par le préfet de Maine-et-Loire sur l'absence de gravité des problèmes de santé de M. B... A..., sur la stabilité de cet état de santé depuis son entrée sur le territoire français et sur l'absence de vulnérabilité particulière de l'intéressé susceptible de remettre en cause l'application du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, et alors même que l'arrêté en litige ne mentionne pas que l'intéressé a traversé l'Italie au cours de l'année 2021 avant d'entrer en France, il doit être regardé comme suffisamment motivé en fait et en droit.

7. En deuxième lieu, il ressort de la teneur de l'arrêté contesté que le préfet de Maine-et-Loire a mentionné que M. B... A... avait déclaré être veuf, avoir un enfant mineur résidant au Tchad et qu'aucun membre de sa famille ne résidait sur le territoire français. Il a également relevé que l'intéressé avait fait état de problèmes de santé résultant d'un index mal formé sans présenter de justificatifs médicaux sur une éventuelle pathologie, que ses problèmes de santé n'avaient pas constitué un obstacle à ses déplacements précédents en France et en Europe, qu'il n'établissait pas que son état de santé se serait dégradé depuis son arrivée sur le territoire français, enfin qu'il ne présentait ainsi aucune vulnérabilité particulière remettant en cause l'application du règlement (UE) n° 604/2013. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas examiné la possibilité, prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, d'instruire la demande d'asile présentée et relevant de la compétence d'un autre Etat, en considération d'éléments tenant à la situation personnelle du requérant, aux défaillances systémiques éventuelles dans la procédure d'asile et aux conditions d'accueil dans le pays désigné par la décision de transfert. Dans ces conditions, le moyen tiré par le requérant du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale, notamment au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ".

9. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

10. M. B... A... soutient que les conditions d'accueil des demandeurs d'asile par les autorités maltaises, qui les soumettent à un régime de détention et à des conditions de vie très difficiles, méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Toutefois, Malte est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption est réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, M. B... A... n'établit pas par les documents à caractère général qu'il produit ou invoque, notamment des articles de presse datés de l'année 2019, une lettre de la commissaire aux droits de l'homme du conseil de l'Europe du 5 mai 2020 et un rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 10 mars 2021, l'existence à Malte de défaillances telles qu'elles constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que la propre demande d'asile de M. B... A..., lorsqu'il sera transféré, ne serait pas traitée par les autorités maltaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que l'article L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni que la décision de transfert serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement.

En ce qui concerne les moyens propres à l'arrêté d'assignation à résidence :

11. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 10, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté de transfert de M. B... A... aux autorités maltaises doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. (...) / En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable (...) ". Et aux termes de l'article L. 732-1 du même code, rendu applicable, par l'article L. 751-4, aux assignations à résidence prises sur le fondement de l'article L. 751-2 : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ".

13. L'arrêté contesté, contrairement à ce qui est soutenu, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement permettant à l'intéressé de connaître, à sa seule lecture, les raisons pour lesquelles il fait l'objet d'une assignation à résidence. Ainsi, l'arrêté précise que M. B... A... répond aux conditions de l'article L.751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles permettent à l'autorité administrative de prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire, mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable. Il vise notamment les articles L. 751-2 et L. 751-4 du code et énonce que l'intéressé fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités maltaises, qu'il est nécessaire de s'assurer de sa disponibilité pour répondre aux convocations de l'administration réalisées dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de transfert et que l'intéressé dispose d'une adresse domiciliaire en Loire-Atlantique. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation manque en fait et doit être écarté.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie (...) ". Selon l'article R. 733-1, applicable en vertu de l'article R. 751-4 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger (...) définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".

15. M. B... A... soutient que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet ne justifie pas de ce que son éloignement demeure une perspective raisonnable et qu'il est dans l'impossibilité de quitter immédiatement le territoire français. Toutefois, cet arrêté, qui se fonde sur la circonstance que M. B... A... fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités maltaises mais qu'il justifie, par son adresse domiciliaire, de garanties de représentation suffisantes, c'est-à-dire d'une disponibilité suffisante, satisfait aux conditions prévues à l'article L. 751-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et apparaît adapté, nécessaire et proportionné à la finalité qu'il poursuit. Par ailleurs, le requérant ne fait état d'aucune contrainte particulière l'empêchant de satisfaire à cette obligation d'assignation à résidence le temps nécessaire à la mise à exécution de son transfert, soit dans un délai de quarante-cinq jours renouvelable trois fois, ni n'invoque l'existence d'une activité qui pourrait être spécialement affectée par cette sujétion. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit entachant la décision en litige doit également être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence..

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. B... A..., le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... A... au profit de son avocate sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... A... aux fins d'annulation de la décision du préfet de Maine-et-Loire du 16 juillet 2021 portant transfert auprès des autorités maltaises.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A..., à Me Arnal et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUÉGUEN

Le président,

L. LAINÉ La greffière,

S. LEVANT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03106
Date de la décision : 04/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : ARNAL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-04;21nt03106 ?
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