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15/02/2022 | FRANCE | N°21NT03283

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 15 février 2022, 21NT03283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... D... et Mme A... B... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 9 décembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, dirigé contre la décision du 10 septembre 2020 du consul général de France à Oran refusant de délivrer à M. D... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n°2103132 du 20 septembre

2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... D... et Mme A... B... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 9 décembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, dirigé contre la décision du 10 septembre 2020 du consul général de France à Oran refusant de délivrer à M. D... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n°2103132 du 20 septembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 novembre et 22 décembre 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Gommeaux, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité au regard de l'article R. 711-2 du code de justice administrative, dès lors que ni eux, ni leur avocat, n'ont été convoqués à l'audience du tribunal à laquelle leur affaire a été appelée ;

- le tribunal a renversé la charge de la preuve s'agissant de la fraude au mariage, qu'il incombe à l'administration de démontrer, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; le lien matrimonial a été maintenu malgré la distance et ils ont un projet de vie commune ;

- la décision contestée a été prise sans examen complet et sérieux ;

- elle porte une atteinte excessive à leur droit à la vie familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. Mme D... ne sont pas fondés, s'en remettant à son mémoire en défense devant le tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Francfort a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E... D..., ressortissant algérien, né le 29 août 1987 à Ghazaouet (Algérie), s'est marié le 14 avril 2019 avec Mme A... B..., ressortissante française née le 5 octobre 1972. Par un jugement du 20 septembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme D... tendant à l'annulation de la décision en date du 9 décembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 10 septembre 2020 du consul général de France à Oran refusant de délivrer à M. D... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. M. D... et Mme B... épouse D... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience (...) L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience "

3. Alors que leur affaire a été appelée à l'audience du 30 août 2021 du tribunal administratif de Nantes, il ne ressort pas des pièces de la procédure que les requérants en auraient été avertis, dans les conditions prévues par les dispositions précitées. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les requérants auraient été présents ou représentés à cette audience. Le jugement attaqué du 20 septembre 2021 est de ce fait entaché d'irrégularité et ne peut qu'être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande de M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité du refus de visa :

5. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et désormais repris à l'article L. 312-3 du même code : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public (...) ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.

6. Il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que M. D..., entré en Espagne avec un visa de court séjour, est ensuite entré en France sans en faire la déclaration, puis s'y est maintenu irrégulièrement, en travaillant sous couvert d'une fausse carte d'identité portugaise. Il a ensuite fait l'objet d'un arrêté du préfet du Nord en date du 12 mars 2019 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration du délai d'un an. Si les diverses attestations, comme d'ailleurs les propres déclarations de M. D..., ne permettent pas d'attester une vie commune de plus de quelques semaines au moment de la notification de la décision d'éloignement du 12 mars 2019, le ministre de l'intérieur, à qui incombe la démonstration de la fraude, ne rapporte pas la démonstration de ce que le projet de mariage serait postérieur à la notification de l'obligation de quitter le territoire. Par ailleurs les époux versent au dossier d'appel la copie d'échanges électroniques nombreux et continus, justifiant ainsi de la poursuite de leurs relations postérieurement à l'éloignement de M. D.... Le maintien des liens est encore attesté par le voyage effectué par Mme B... en Algérie en janvier 2020, qui lui a permis de rencontrer son mari avant que les conditions sanitaires ne perturbent les déplacements.

7. Dans ces conditions, l'administration ne pouvant être regardée comme apportant les éléments suffisant à démontrer le caractère complaisant du mariage contracté par M. et Mme D..., ces derniers sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. D.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de procéder à cette délivrance, sous réserve d'une évolution des circonstances de fait ou de droit, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... F... la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : La décision du 9 décembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de long séjour présentée par M. D... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... D... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme D... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... D... et Mme A... B... épouse D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.

Le président - rapporteur,

J. FRANCFORT

L'assessL'assesseure la plus ancienne dans dans le grade le plus élevé,

C. BUFFET Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03283
Date de la décision : 15/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-15;21nt03283 ?
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