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11/03/2022 | FRANCE | N°21NT03521

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 11 mars 2022, 21NT03521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2111279 du 13 octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nante

s a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire comp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2111279 du 13 octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 14 décembre 2021 et le 16 février 2022, Mme B..., représentée par Me Arnal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 30 septembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de 72 heures à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

sur la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal administratif mentionne qu'elle aurait été représentée par Me Béarnais, alors que Me Arnal est le seul avocat à être intervenu durant la procédure de première instance ;

- le tribunal a omis d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a omis d'examiner l'erreur de droit commise par le préfet dans sa décision d'assignation à résidence, le motif tiré de sa disponibilité ne pouvant légalement fonder une telle décision prise sur le fondement de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

en ce qui concerne la décision de transfert aux autorités allemandes :

- elle n'est pas suffisamment motivée au regard de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'administration ne démontre pas la nécessité d'avoir recours aux services d'un interprète par la voie téléphonique ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dans la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, en violation des articles 3 et 7 à 15 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ; elle risque d'être renvoyée en Ethiopie en cas de remise aux autorités allemandes et n'a plus de contacts avec sa famille depuis sa fuite d'Ethiopie ; elle justifie de sa vulnérabilité en raison de son jeune âge et de situation de femme isolée ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de transfert ;

- elle est entachée d'erreur de droit, le préfet fondant sa décision sur la disponibilité de la requérante et non sur les motifs cumulés prévus à l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- et les observations de Me Arnal, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante éthiopienne née le 14 octobre 1999, déclare être entrée irrégulièrement en France le 30 août 2021. Le 2 septembre 2021, elle a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé qu'elle avait déposé une première demande d'asile en Suisse, le 8 décembre 2017, puis deux demandes d'asile en Allemagne, les 23 avril 2018 et 16 avril 2019, le préfet a saisi les autorités suisses d'une demande de reprise en charge de Mme B..., qu'elles ont déclinée au motif que, les autorités allemandes ne les ayant pas saisies d'une demande de reprise en charge, la responsabilité de la demande d'asile de l'intéressée leur avait été transférée. Les autorités allemandes ont expressément consenti à la reprise en charge de Mme B..., le 6 septembre 2021. Par deux arrêtés du 30 septembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, de remettre Mme B... aux autorités allemandes et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de la Loire-Atlantique. Mme B... relève appel du jugement du 13 octobre 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Comme le relève Mme B..., le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui était invoqué dans sa requête enregistrée le 7 octobre 2021 et n'était pas inopérant. Le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé comme entaché de l'omission d'examiner ce moyen, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres irrégularités invoquées à l'encontre de ce jugement.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité des arrêtés du préfet de Maine-et-Loire :

En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités allemandes :

4. En premier lieu, la décision de transfert comporte un exposé suffisamment précis des considérations de fait et de droit permettant l'appréciation de la situation de Mme B... et il y a lieu en conséquence d'écarter le moyen tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : / a) le demandeur a pris la fuite ; ou / b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Aux termes de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : " 1. Les États membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / 3. Les États membres veillent à ce que le personnel de l'autorité responsable de la détermination visée au paragraphe 1 soit dûment formé (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

6. Il ressort des mentions figurant sur le formulaire signé par Mme B... qu'elle a bénéficié le 2 septembre 2021, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cet entretien s'est tenu en langue amharique, qu'elle a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète. Il n'est pas établi que l'intéressée n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées, avec le concours de cet interprète, et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, notamment au regard des mentions pré-remplies figurant dans ce document qu'elle a signé. Enfin, il ressort de ce document que Mme B... a pu faire état de son parcours migratoire, de sa situation personnelle et familiale et de son état de santé et qu'elle a été invitée à présenter des observations. Elle a en outre, toujours assistée d'un interprète, signé le document et certifié sur l'honneur l'exactitude des renseignements la concernant et il n'est pas établi qu'elle aurait procédé à cette signature et à cette certification sans en avoir mesuré la portée. Enfin, Mme B... ne saurait utilement se prévaloir de ce que les services de l'interprète ont été fournis par téléphone sans que le préfet n'en justifie la nécessité, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les modalités techniques du déroulement de l'entretien ne l'ont manifestement pas privée de la garantie liée au bénéfice d'un interprète. Dès lors, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen (...) ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui comprend les articles 7 à 15, fixe les critères de détermination de l'Etat responsable et leur hiérarchie. L'article 7 de ce chapitre prévoit que : " La détermination de l'Etat responsable en application des critères énoncés dans ce chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où l'étranger a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre ". Les articles 8 à 15 quant à eux énoncent les critères à partir de l'une des huit sortes de situations dans laquelle un demandeur d'asile peut s'être trouvé. L'article 13 du même règlement énonce ainsi que : " 1. Lorsqu'il est établi (...) que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi (...) que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / Si le demandeur a séjourné dans plusieurs États membres pendant des périodes d'au moins cinq mois, l'État membre du dernier séjour est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. ". Et l'article 18 du même règlement, relatif aux obligations de l'Etat membre responsable, dispose que : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre (...) ; / c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers (...) qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre (...) ; / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers (...) dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre (...) ".

8. Il résulte des dispositions de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, relatif à la hiérarchie des critères de détermination de l'Etat responsable, que la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date. Il résulte également de la combinaison des dispositions précitées que, lorsqu'une nouvelle demande de protection internationale a été présentée dans un autre État membre, l'État membre responsable est en principe, en application du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement susvisé, l'État membre qui a été reconnu responsable lors de la première demande d'asile, en application des critères énoncés au chapitre III. A défaut, l'État membre responsable est celui auprès duquel la première demande de protection internationale a été introduite, en application du paragraphe 2 de l'article 3 du même règlement, ou qui s'est reconnu comme responsable en application des dispositions de l'article 17 du règlement susvisé relatif aux clauses discrétionnaires.

9. Il s'ensuit que les critères de détermination de l'Etat membre responsable prévus au chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, notamment ceux prévus à son article 13, ne sont susceptibles de s'appliquer que lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente une demande d'asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l'un ou l'autre des Etats membres. En revanche, les dispositions de ce chapitre III ne trouvent pas à s'appliquer lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente une demande d'asile dans un Etat membre après avoir déposé une demande d'asile dans un autre Etat membre, quelle que soit l'issue ou l'état d'avancement de cette demande.

10. Il ressort des pièces du dossier que la détermination de l'Etat responsable de l'instruction de la demande d'asile de Mme B... a été effectuée le 2 septembre 2021, lors du dépôt de sa demande d'asile auprès du préfet de la Loire-Atlantique, et qu'à cette date, les autorités suisses ont expressément décliné leur responsabilité au motif que les autorités allemandes, saisies postérieurement d'une demande d'asile par l'intéressée et ne leur ayant pas adressé de demande de reprise en charge, devaient être regardées comme ayant reconnu leur responsabilité dans cette demande d'asile. Les autorités allemandes ont d'ailleurs expressément consenti à la reprise en charge de Mme B... le 6 septembre 2021, de sorte que l'Allemagne doit être regardée comme l'Etat responsable de la demande d'asile de la requérante en application des dispositions précitées du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dans ces conditions, la décision de transfert litigieuse du 30 septembre 2021, fondée sur la circonstance que la responsabilité de la Suisse, pays de la première demande d'asile de Mme B..., a été postérieurement transférée aux autorités allemandes, n'est pas entachée d'une erreur de droit dans la détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile.

11. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ". Et aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée aux autorités françaises, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

12. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

13. Si Mme B... soutient qu'en cas d'exécution de la décision de transfert en litige, il existe un risque de renvoi par ricochet en Ethiopie, l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire contesté n'a toutefois ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressée vers l'Ethiopie, mais seulement de prononcer son transfert en Allemagne. Par ailleurs, l'intéressée ne démontre pas faire l'objet à ce jour d'une mesure d'éloignement devenue définitive prise à son encontre par les autorités allemandes. Elle ne démontre pas davantage qu'elle ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités allemandes tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Ethiopie ni que les autorités allemandes n'évalueront pas les risques de traitements inhumains ou dégradants auxquels elle serait éventuellement exposée en cas de renvoi dans son pays d'origine.

14. En outre, l'Allemagne est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption est réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, Mme B... n'établit ni même n'allègue l'existence en Allemagne de défaillances telles qu'elles constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités allemandes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, et alors même que la requérante se prévaut de sa vulnérabilité liée à son jeune âge et à sa condition de femme isolée, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait, en ne faisant pas application de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de Mme B... aux autorités allemandes doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

16. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 15, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté portant transfert de Mme B... aux autorités allemandes doit être écarté.

17. En second lieu, l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, dispose que : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. (...) / En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. ". Aux termes de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie (...) ". Selon l'article R. 733-1, applicable en vertu de l'article R. 751-4 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger (...) définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".

18. Mme B... soutient que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet fonde sa décision sur un autre motif, tiré de la disponibilité de la requérante, que ceux prévus par la loi, à savoir la perspective raisonnable de son éloignement et l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de quitter immédiatement le territoire français. Toutefois, cet arrêté, qui se fonde sur la circonstance que Mme B... fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités allemandes mais qu'elle justifie, par son adresse domiciliaire, de garanties de représentation suffisantes, c'est-à-dire d'une disponibilité suffisante, satisfait aux conditions prévues à l'article L. 751-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et apparaît adapté, nécessaire et proportionné à la finalité qu'il poursuit. Par ailleurs, la requérante ne fait état d'aucune contrainte particulière l'empêchant de satisfaire à cette obligation d'assignation à résidence le temps nécessaire à la mise à exécution de son transfert, soit dans un délai de quarante-cinq jours renouvelable trois fois, ni n'invoque l'existence d'une activité qui pourrait être spécialement affectée par cette sujétion. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit entachant la décision en litige doit également être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme B...(/nom)(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Arnal et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 22 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUEGUEN Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03521


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03521
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : ARNAL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-11;21nt03521 ?
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