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22/03/2022 | FRANCE | N°21NT00721

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 mars 2022, 21NT00721


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 10 juillet 2019 de l'autorité consulaire française à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) refusant de délivrer à M. B... C... un visa de long séjour demandé en qualité de membre de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2006633 du 28 janvier 2021, le tribunal a

dministratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours cont...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 10 juillet 2019 de l'autorité consulaire française à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) refusant de délivrer à M. B... C... un visa de long séjour demandé en qualité de membre de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2006633 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par Mme D....

Il soutient que :

- la procédure applicable à M. C... est celle du regroupement familial et non celle de la réunification familiale ;

- les premiers juges ont commis une erreur dans l'appréciation de la réalité de la relation de concubinage entre Mme D... et le demandeur de visa.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2021, Mme A... D..., représentée par Me Chaumette, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chaumette de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le ministre de l'intérieur n'est fondé.

Par une décision du 1er avril 2021, le bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes a maintenu de plein droit l'aide juridictionnelle totale accordée à Mme D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- et les observations de Me Drouet, substituant Me Chaumette, pour Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 10 juillet 2019 de l'autorité consulaire française à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) refusant de délivrer à M. B... C... un visa de long séjour demandé en qualité de membre de famille de réfugié et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à l'intéressé le visa demandé dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I.-Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; (...) ".

3. En réponse à une demande de communication des motifs de sa décision implicite, la commission de recours a indiqué à Mme D... avoir fondé sa décision sur ce que le demandeur de visa n'entrait pas dans le cadre du droit à réunification familiale prévu par les dispositions de l'article L. 752-1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le mariage ayant été célébré postérieurement à la date d'introduction de la demande d'asile.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France en 2004 et a obtenu le statut de réfugié le 23 février 2005 par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressée a épousé M. C..., le demandeur de visa, le 20 novembre 2009 après une relation de concubinage ayant débuté en 1984. Dès lors que dans son recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, Mme D... avait fait état de ces éléments, la demande de visa devait être regardée comme fondée sur les dispositions précitées du 2° de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par suite, la commission de recours a commis une erreur de droit en se fondant, pour opposer le refus de visa attaqué, sur les dispositions du 1° du même article.

5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. Le ministre de l'intérieur soutient que si la requérante soutient que sa relation de concubinage avec le demandeur de visa date de 1984 et n'a pas cessé, elle ne l'établit pas.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a divorcé en 1984, date à laquelle sa relation avec M. C... a débuté. La requérante produit de nombreuses photographies du couple prises à partir de 1986, un courrier daté du 12 juin 1996 adressé aux intéressés ainsi que plusieurs attestations circonstanciées de travailleurs sociaux ayant assisté Mme D... dans ses démarches en France pour obtenir l'asile puis un logement, et des justificatifs de voyages entre la France et l'Allemagne, témoignant ainsi de l'existence de la relation de concubinage avant le mariage en 2009. La relation de concubinage entre Mme D... et M. C... est dès lors établie et existait tant à la date d'introduction de la demande d'asile de Mme D... qu'à la date de la décision contestée. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la substitution de motif demandée par le ministre.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme D..., la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.

Sur les frais liés au litige :

9. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Chaumette de la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Chaumette une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente assesseure,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

J. FRANCFORT Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00721
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CHAUMETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-22;21nt00721 ?
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