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28/06/2022 | FRANCE | N°21NT02353

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 28 juin 2022, 21NT02353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 2108240 du 27 juillet 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 16 juillet 2021 portant assignation à résidenc

e, a rejeté le surplus de la demande et a mis la somme de 1000 euros à la charge de l'Eta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 2108240 du 27 juillet 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 16 juillet 2021 portant assignation à résidence, a rejeté le surplus de la demande et a mis la somme de 1000 euros à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2021, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 juillet 2021 dans la mesure de l'annulation prononcée et de la somme de 1000 euros mise à la charge de l'Etat ;

2°) de rejeter la demande présentée devant ce tribunal par M. C... en tant qu'elle est dirigée contre l'arrêté du 16 juillet 2021 l'assignant à résidence.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a estimé que son arrêté du 16 juillet 2021 portant assignation à résidence de M. C... était entaché d'une insuffisance de motivation ; cet arrêté énonce les considérations de fait et de droit concernant M. C... qui ont servi de fondement à la mesure d'assignation prise à son encontre ;

- s'agissant des autres moyens présentés par M. C... devant le premier juge qui ne sont pas davantage fondés, il s'en remet aux observations formulées dans son mémoire du 22 juillet 2021 ;

- l'arrêté du 16 juillet 2021 portant assignation à résidence de M. C... étant légal, l'Etat ne peut être condamné à verser au conseil de l'intéressé la somme de 1000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2021, M. C..., représenté par Me Arnal demande à la cour :

- de rejeter la requête du préfet de Maine-et-Loire et de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 juillet 2021 en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé de le transférer aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

- d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 de transfert aux autorités espagnoles du préfet de Maine-et-Loire ;

- d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de soixante-douze heures à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qui devra être versée à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant guinéen né le 15 février 2003, est entré irrégulièrement en France le 2 mai 2021, selon ses déclarations. Le 5 mai 2021, sa demande d'asile a été enregistrée au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé des empreintes digitales de l'intéressé a fait apparaître que celles-ci avaient été enregistrées en Espagne le 9 septembre 2020, à la suite du franchissement irrégulier de la frontière espagnole. Saisies par les autorités françaises le 10 mai 2021, ces autorités ont, le 12 mai 2021, accepté par un accord explicite de reprendre en charge l'intéressé. Par deux arrêtés du 16 juillet 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer M. C... aux autorités espagnoles et de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. M. C... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

2. Par un jugement du 27 juillet 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 16 juillet 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant d'assigner à résidence M. C..., a rejeté le surplus de la demande et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Cette annulation a été prononcée aux motifs que l'arrêté du 16 juillet 2021 décidant le transfert était entaché d'une insuffisance de motivation en fait. Le préfet de Maine-et-Loire relève appel de ce jugement. M. C..., quant à lui, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 16 juillet 2021 portant transfert aux autorités espagnoles et présente des conclusions aux fins d'injonction.

Sur l'appel du préfet de Maine-et-Loire :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 573-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 peut être assigné à résidence selon les modalités prévues aux articles L. 751-2 à L. 751-7. " et aux termes de l'article L. 751-2 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. / Lorsqu'un Etat requis a refusé de prendre en charge ou de reprendre en charge l'étranger, il est immédiatement mis fin à l'assignation à résidence édictée en application du présent article, sauf si une demande de réexamen est adressée à cet Etat dans les plus brefs délais ou si un autre Etat peut être requis. / En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. (...) ".

4. L'arrêté en date du 16 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a assigné à résidence M. C... vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 751-2 et L. 751-4. Il se réfère au fait que l'intéressé fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités espagnoles et qu'il est nécessaire de s'assurer de sa disponibilité pour répondre aux convocations de l'administration réalisées dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de transfert. Par ailleurs, alors qu'il est constant que M. C... n'était pas en mesure de rejoindre immédiatement l'Espagne mais qu'il présentait des garanties de représentation effectives en l'absence de titre de transport pour son voyage, l'arrêté contesté rappelle expressément que l'intéressé est domicilié auprès de l'association Huda Adoma 40 de Montrevault. L'administration n'avait pas à donner davantage de précisions sur les éléments l'ayant conduit à estimer que l'exécution de l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles présentait une perspective raisonnable. Enfin, le choix pour l'administration de retenir la durée de quarante-cinq jours, durée d'ailleurs renouvelable trois fois et qui est prévue par les dispositions combinées des articles L. 751-4 et L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables, ne requiert pas de motivation spécifique. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort, qu'en retenant le motif tiré de l'insuffisance de motivation en fait, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 16 juillet 2021 assignant à résidence M. C....

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens développés en première instance par M. C... contre cet arrêté.

Sur les autres moyens présentés par M. C... tirés des vices propres de l'arrêté d'assignation à résidence :

6. En premier lieu, par un arrêté SG/MPCC n° 2021-039 du 1er juin 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le lendemain et versé aux débats de première instance, le préfet de Maine-et-Loire a - article 2 de cet arrêté - accordé à Mme F... B..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers à la préfecture de Maine-et-Loire, " et en cas d'absence ou d'empêchement à la cheffe du pôle régional Dublin ", une délégation lui permettant de signer notamment les décisions de remise aux autorités en application du règlement dit " Dublin III " et les assignations à résidence. L'article 7 de cet arrêté précise que la délégation de signature prévue à l'article 2 est donnée en cas d'absence ou d'empêchement du chef de pôle Dublin à son adjointe. Il ressort des pièces du dossier que c'est cette dernière qui a signé, ainsi qu'elle était régulièrement habilitée à le faire, l'arrêté d'assignation contesté. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en cause doit être écarté comme manquant en fait.

7. En second lieu, l'arrêté en date du 16 juillet 2021 d'assignation à résidence de M. C... n'a, contrairement à ce qu'il soutient, pas été pris pour s'assurer de sa disponibilité mais est intervenu, ainsi que cet arrêté le rappelle expressément, sur le fondement de l'arrêté du même jour décidant de son transfert aux autorités espagnoles et sur la circonstance qu'il ne pouvait quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeurait une perspective raisonnable. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignation à résidence de l'intéressé, dont le caractère disproportionné n'est pas démontré, procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et méconnaîtrait son droit au respect de sa liberté individuelle garanti par l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958. Par suite, la décision portant assignation à résidence n'est pas entachée d'une erreur de droit et ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le moyen présenté par M. C... tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 16 juillet 2021 portant transfert aux autorités espagnoles :

8. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 16 juillet 2021 portant transfert aux autorités espagnoles doit être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et mentionne que M. C... a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 2 mai 2021, qu'il a présenté une demande d'asile à la préfecture de la Loire-Atlantique le 5 mai 2021, que la consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que ses empreintes avaient été enregistrées en Espagne le 9 septembre 2020, à la suite du franchissement irrégulier de la frontière espagnole et, que les autorités espagnoles, saisies le 10 mai 2021 d'une requête en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ont explicitement donné leur accord à la prise en charge de l'intéressé le 12 mai 2021. Par ailleurs, l'arrêté contesté fait état d'éléments quant à la situation personnelle et familiale de M. C..., notamment qu'il est célibataire et isolé en France, qu'il a pu bénéficier d'une prise en charge médicale en Espagne pour des problèmes dentaires, qu'il ne fait pas état d'autres problèmes de santé et que, dans ces conditions, il ne présente pas de particulière vulnérabilité. Enfin, l'arrêté relève que les autorités espagnoles n'ont pas sollicité la suspension de l'application du règlement en lien avec la situation sanitaire et que les frontières sont ouvertes. Ainsi, l'arrêté contesté énonce de façon suffisante les motifs de droit et les considérations de fait qui lui servent de fondement. Le moyen sera écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

12. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre, le 5 mai 2021, jour de l'enregistrement de sa demande d'asile au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique et lors de son entretien individuel, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014,, et qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions citées au point 4. Ces documents ont été remis au requérant en français et ont été traduits en langue peul, par l'intermédiaire d'un interprète, à l'occasion de l'entretien individuel dont il a bénéficié le même jour. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux aurait dû l'être dès son passage dans la structure de pré-accueil qui l'avait accueillie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien a lieu dans les conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien (...) ". Il résulte de ces dispositions que les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par les dispositions de l'article 4 du même règlement.

14. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien individuel de M. C..., qui s'est déroulé le 5 mai 2021, a été mené avec le concours d'un interprète par un agent titulaire de la préfecture habilité qui a apposé ses initiales en fin de compte-rendu. Un tel agent est réputé qualifié en vertu du droit national au sens des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013. Il n'est, par ailleurs, pas établi que l'entretien n'aurait pas eu lieu dans le respect des garanties posées par ces mêmes dispositions. La circonstance, à cet égard, que le recours à l'interprète a eu lieu par voie téléphonique, demeure sans incidence dès lors qu'il est établi que M. C... a reconnu en fin de compte-rendu d'entretien, qu'il a signé sans émettre aucune réserve, avoir compris les informations qui lui ont été communiquées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

15. En cinquième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté, lus au regard de l'ensemble des pièces du dossier, que si l'administration ne semble pas avoir pris en compte certains éléments relatifs au parcours de migration de l'intéressé, elle a cependant examiné les circonstances de droit et de fait déterminantes pour l'examen de son dossier. Le moyen tiré de l'erreur de droit résultant d'un défaut d'examen particulier doit par suite être écarté.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

18. L'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit ainsi être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Pour renverser cette présomption, M. C... se prévaut de différents rapports et études qui permettraient de caractériser, selon lui, des défaillances systémiques en Espagne dans le traitement des demandes d'asile. Toutefois, ces éléments se révèlent datés de plusieurs années, et aucune pièce n'est apportée quant à l'évolution des situations exposées dans ces documents. Par ailleurs, si ces éléments sont de nature à caractériser des défaillances, le caractère systémique de celles-ci n'est pas démontré. Les informations rapportées quant à des pratiques de refoulement dans un périmètre frontalier, notamment à Ceuta et Melilla, ne permettent pas d'apprécier globalement la situation des demandeurs d'asile durant le temps de la procédure d'examen. M. C... n'établit pas l'existence de défaillances en Espagne qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Ainsi, les circonstances invoquées par M. C... ne suffisent pas à établir que le préfet de Maine-et-Loire aurait ainsi méconnu les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 précité du règlement (UE) du 26 juin 2013.

19. En septième lieu, en vertu de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ".

20. Pour soutenir que la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles serait intervenue en violation de ces dispositions, M. C... fait état de son parcours d'asile qu'il a effectué en qualité de mineur isolé qui le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Toutefois, cette seule circonstance, qui n'est au demeurant pas explicitée, ne permet pas d'établir que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

21. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'arrêté portant transfert de M. C... aux autorités espagnoles n'est pas entaché d'illégalité. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cet arrêté à l'encontre de l'arrêté l'assignant à résidence.

Sur les conclusions de M. C... :

22. M. C... dans son mémoire présenté le 27 octobre 2021 demande à la cour, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 juillet 2021 en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 16 juillet 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant de le transférer aux autorités espagnoles. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 21 qu'aucun des moyens dirigés contre cet arrêté n'est fondé. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

23. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a prononcé l'annulation de son arrêté du 16 juillet 2021 assignant M. C... à résidence et mis à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre des frais d'instance et, d'autre part, que les conclusions d'appel présentées par M. C... doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions d'injonction.

Sur les frais d'instance :

24. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que doivent être rejetées les conclusions de M. C..., qui succombe dans la présente espèce, qui tendent au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2108240 du tribunal administratif de Nantes du 27 juillet 2021 est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2021 assignant à résidence M. C....

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. G... C....

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2022.

Le rapporteur

O. CoiffetLe président

O. GASPON

La greffière,

I. PETTONLe rapporteur

O. CoiffetLe président

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT02353 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02353
Date de la décision : 28/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : ARNAL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-28;21nt02353 ?
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