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30/09/2022 | FRANCE | N°22NT00842

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 septembre 2022, 22NT00842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 5 février 2021 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2102990 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2022, M. C..., représenté par Me

Saglio, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 5 février 2021 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2102990 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2022, M. C..., représenté par Me Saglio, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 septembre 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 5 février 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

- compte tenu de l'impossibilité de bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article

6-7 de l'accord franco-algérien n'est pas fondé et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 22 novembre 2000 et entré en France le 1er novembre 2015 avec ses parents, a bénéficié d'un certificat de résidence algérien pour raisons médicales valable du 23 avril 2019 au 22 avril 2020. L'intéressé ayant sollicité le renouvellement de son titre de séjour, le préfet du Finistère, par un arrêté du 5 février 2021, a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. L'intéressé relève appel du jugement du 15 septembre 2021 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, applicable aux demandes de certificat de résidence formées par les ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Par son avis du 20 juillet 2020, que le préfet du Finistère s'est approprié, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé notamment que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, atteint d'une paralysie cérébrale de type quadriplégie spastique et dystonique des quatre membres faisant suite à une souffrance néonatale, bénéficie depuis le mois de janvier 2018 en France d'une prise en charge en qualité d'externe par l'institut d'éducation motrice Kerdulune de Landerneau et que son état nécessite, selon les certificats médicaux établis les 17 et 27 avril 2021 par deux médecins généralistes, des séances hebdomadaires de kinésithérapie et de psychomotricité, un suivi pluridisciplinaire en neurologie, orthopédie, rééducation fonctionnelle réalisable uniquement en établissement médico-social ou autre établissement adapté et d'une aide pour les actes de la vie quotidienne. Toutefois, ni ces documents ni les nouveaux certificats médicaux produits en appel par M. C..., faisant état notamment de mesures de surveillance spécialisée et établis par les mêmes médecins plus de sept mois après l'arrêté contesté, eu égard notamment aux termes dans lesquels ils sont rédigés, ne permettent d'établir l'impossibilité d'une prise en charge adaptée en Algérie à la date de cet arrêté. L'intéressé, qui s'est notamment vu reconnaître un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80% par la maison départementale des personnes handicapées du Finistère, ne peut à cet égard utilement se prévaloir de ce qu'il ne pourra disposer en Algérie d'un accompagnement médico-social de qualité équivalent à celui dont il bénéficie en France dès lors qu'il pourra avoir en Algérie un accès effectif à un traitement approprié à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. M. C... fait valoir qu'il réside depuis le mois de novembre 2015 en France, où il est entré avec ses parents peu avant ses quinze ans, que la prise en charge dont il a bénéficié au titre de son handicap lui a permis de réaliser des progrès substantiels sur les plans physique et social et de s'investir dans des activités éducatives, culturelles et sportives, qu'il est entouré de plusieurs membres collatéraux de sa famille, dont un oncle qui l'héberge avec ses parents et qu'un retour en Algérie impacterait sa mobilité et son autonomie. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 3 et de ce qu'il n'est pas contesté que ses parents se trouvent en situation irrégulière en France, le requérant, qui a été placé sous la curatelle de son père pour l'assister et le contrôler dans la gestion de sa personne, n'établit ni qu'il se trouverait isolé en Algérie, ni qu'il ne pourrait y bénéficier d'une prise en charge adaptée et du maintien de l'aide de ses proches dans la vie quotidienne. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. Si M. C... fait valoir que sa prise en charge en France lui a permis d'accomplir des progrès considérables en matière d'autonomie et soutient que le village dont sont originaires ses parents, qu'ils ont quitté plusieurs années auparavant n'est pas adapté à l'usage d'un fauteuil roulant, ces circonstances et allégations ne sont pas de nature, à elles seules et compte tenu des mêmes motifs exposés aux points 3 et 5, que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. Les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées par le présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devrait être annulée par voie de conséquence de cette annulation doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2022.

La rapporteure,

C. B... Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT008422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00842
Date de la décision : 30/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SAGLIO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-30;22nt00842 ?
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