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22/11/2022 | FRANCE | N°21NT02018

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 novembre 2022, 21NT02018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E..., M. D... E... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant de délivrer à M. D... E... et Mme C... E... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2100559 du 17 juin 2021, le tr

ibunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E..., M. D... E... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant de délivrer à M. D... E... et Mme C... E... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2100559 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021, M. A... E..., M. D... E... et Mme C... E..., représentés par Me Touglo, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 juin 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai de vingt jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation ; l'identité et le lien de filiation des demandeurs sont établis par les actes d'état civil produits ; les demandeurs peuvent bénéficier du droit au regroupement familial en application des articles L. 314-11 et L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... E..., M. D... E... et Mme C... E... tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant de délivrer aux enfants D... E... et C... E... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial. M. A... E..., M. D... E... et Mme C... E... relèvent appel de ce jugement.

2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code, alors en vigueur : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 411-1 du même code, alors en vigueur : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " En vertu de l'article L. 411-2 du même code, alors en vigueur : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Si la venue en France de ressortissants étrangers a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire use du pouvoir qui lui appartient de refuser leur entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.

3. D'autre part, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.

5. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité des demandeurs de visa, et partant leur lien familial à l'égard de M. A... E..., n'étaient pas établis.

6. A l'appui des demandes de visa présentées pour les enfants D... et C..., ont été produits deux versions de deux jugements supplétifs n°2072 et 2073, ainsi que les actes de naissance n°s 475 et 476 dressés les 21 février 2001 et 22 avril 2003 pris en transcription de ces jugements. Pour remettre en cause le caractère probant de ces documents, le ministre de l'intérieur relève que les différentes versions des jugements supplétifs comportent des contradictions et des incohérences, dès lors qu'ils mentionnent des dates de lecture différentes et, s'agissant de l'enfant D..., une date de naissance différente, et que la levée d'acte effectuée auprès des autorités locales de la commune de Bamako (centre principal de Missira) a révélé que l'acte de naissance n° 476 Reg 10 de Mme C... E... correspondait à une tierce personne. Par ailleurs les requérants, qui n'apportent aucune explication précise et circonstanciée sur la multiplicité des actes présentés, ne produisent aucun élément susceptible d'établir l'existence du lien de filiation par la possession d'état. Dans ces conditions, et eu égard aux nombreuses anomalies démontrant le caractère frauduleux des jugements produits, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans faire une inexacte application des dispositions précitées, rejeter la demande de visa litigieuse au motif que l'identité et le lien de filiation des enfants D... et C... à l'égard de M. A... E... n'étaient pas établis.

7. En second lieu, le lien de filiation n'étant pas établi, ainsi qu'il vient d'être dit, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du tribunal judiciaire de Bobigny, que M. A... E..., M. D... E... et Mme C... E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... E..., M. D... E... et Mme C... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., M. D... E..., Mme C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2022.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT02018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02018
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL AEQUAE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-22;21nt02018 ?
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