La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2022 | FRANCE | N°21NT02058

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 novembre 2022, 21NT02058


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 juillet 2020 des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française.

Par un jugement n° 2100058 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a r

ejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 juillet 2020 des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française.

Par un jugement n° 2100058 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet et 24 août 2021, M. A... D..., représenté par Me Denisselle, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer le visa sollicité dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a méconnu le principe du contradictoire ; le mémoire du ministre enregistré le 4 juin 2021 ne lui a pas été communiqué ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de la réalité de l'intention matrimoniale ; il ne représente aucune menace pour l'ordre public ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention internationale des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... est un ressortissant tunisien né le 28 mai 1986 à Zarzis (Tunisie). Il a épousé le 9 avril 2016 Mme B... E..., ressortissante française, et a sollicité un visa d'entrée en France auprès des autorités consulaires françaises à Tunis en qualité de conjoint de français. Par une décision du 28 juillet 2020, cette dernière autorité a rejeté sa demande. M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision consulaire. Par un jugement du 28 juin 2021, le tribunal administratif a rejeté la demande. M. D... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ".

3. Il ressort des pièces de la procédure que, par une ordonnance du 4 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée, devant le tribunal, au 28 avril 2021. Le mémoire en défense du ministre de l'intérieur, enregistré au greffe du tribunal le 4 juin 2021, soit après la clôture de l'instruction, ne contient ni l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, ni l'exposé d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devait relever d'office. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges n'ont pas tenu compte de ce mémoire, qui a été visé sans pour autant être analysé par le jugement attaqué, pour fonder la solution retenue. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu par les premiers juges.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, désormais repris à l'article L. 312-3 du même code : " Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de français qu'en cas de fraude, d'annulation de mariage ou menace à l'ordre public (...) ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.

5. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer le visa sollicité la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, d'une part, sur le caractère complaisant du mariage, conclu à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur, et d'autre part, sur ce que la présence en France de M. D... constituerait une menace pour l'ordre public.

6. Il est constant que M. D... a été condamné, pour des faits de tentative de vol en réunion et d'enlèvement, vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, aggravé par une autre circonstance et soustraction à l'exécution d'un obligation de quitter le territoire français, à une peine de deux mois d'emprisonnement par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 5 novembre 2012, et à une peine d'un an d'emprisonnement, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans, par un arrêt du 11 septembre 2013 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Dans ces conditions, eu égard à la nature, à la gravité et au caractère relativement récent des faits commis par M. D..., et en dépit de ce que l'intéressé n'aurait fait l'objet d'aucune condamnation entre 2013 et 2017, date à laquelle il est retourné en Tunisie, la commission de recours n'a pas inexactement appliqué les dispositions citées au point 4 en estimant que sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.

7. En second lieu, compte tenu de la menace pour l'ordre public qui résulterait de la présence de M. D... en France et alors qu'il n'est pas établi ni même allégué que son épouse serait dans l'impossibilité de lui rendre visite en Tunisie, la décision attaquée n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit du requérant à mener une vie privée et familiale normale, tel qu'il est garanti par les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2022.

Le rapporteur,

A. C...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT02058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02058
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : HERMARY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-22;21nt02058 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award