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25/11/2022 | FRANCE | N°22NT01197

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 25 novembre 2022, 22NT01197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 juin 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100463 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 avr

il et 27 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Arnal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 juin 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100463 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 avril et 27 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Arnal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas suffisamment motivée, méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée et est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien, né le 1er février 1973 et irrégulièrement entré en France le 12 octobre 2016, a formé une demande d'asile, qui a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 29 mars 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 20 mai 2019. Il a sollicité le 19 juin 2019 la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " pour raisons médicales, sur le fondement des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 5 juin 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de délivrer ce titre de séjour et pris à l'encontre de l'intéressé des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai. M. C... relève appel du jugement du 23 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision contestée comporte le visa des dispositions dont il est fait application, fait état de la situation personnelle de M. C..., notamment du rejet de sa demande d'asile, de sa situation familiale et des éléments sur lesquels le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé pour estimer que les soins rendus nécessaires par son état de santé étaient disponibles en Algérie et de ce que l'intéressé n'apporte aucun élément permettant d'établir l'existence de risques en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision comporte ainsi la mention des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit (...) : 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens pour la mise en œuvre des stipulations précitées : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Selon l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office (...) transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Par un avis du 27 mars 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui a entendu lever le secret médical en cours d'instance, souffre d'une lombosciatique nécessitant un acte chirurgical et d'une schizophrénie nécessitant un suivi psychiatrique. Pour démontrer l'absence d'offre de soins psychiatriques en Algérie, M. C... a versé un message d'une industrie pharmaceutique datant du 27 octobre 2020 selon lequel le Xeplion, médicament neuroleptique, bien qu'enregistré dans ce pays, n'y est pas encore commercialisé. Toutefois, le certificat médical du 5 décembre 2019 versé également par M. C... mentionne que, pour son suivi psychiatrique, il lui été prescrit en France le médicament appelé " Rispordine 2 mg". Ce traitement médicamenteux et le suivi psychiatrique que l'état de santé de M. C... rend nécessaires sont disponibles en Algérie dès lors qu'il figure sur une liste des médicaments remboursables par la sécurité sociale algérienne en vertu d'un arrêté ministériel du 10 janvier 2016 publié au journal officiel de la République algérienne du 24 février 2016. Si, par ailleurs, le requérant soutient qu'il ne pourra pas, en toute hypothèse, disposer d'un traitement effectif en Algérie dans la mesure où les troubles dont il souffre y trouvent leur origine compte tenu des persécutions qu'il a subies de la part des autorités algériennes, il ne produit aucun élément quant à la nature des événements traumatiques incriminés. Au surplus, sa demande d'asile a été rejetée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

7. En troisième lieu, l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet de la Loire-Atlantique en mentionnant dans son arrêté le fait qu'il a quitté l'Algérie en 2009 à l'âge de 43 ans est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté.

8. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En vertu des dispositions alors inscrites à l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'elle est fondée, comme en l'espèce, sur les dispositions alors mentionnées au 3° de ce même I, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. C... est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de l'intéressé doit être écarté.

10. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2022.

Le président,

J.-E. B...

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

A. Penhoat

La greffière,

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

22NT0119702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01197
Date de la décision : 25/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ARNAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-25;22nt01197 ?
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