La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2022 | FRANCE | N°21NT03033

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 29 novembre 2022, 21NT03033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a, par une requête enregistrée le 6 octobre 2021, demandé au tribunal administratif de Rennes, d'abord, d'annuler les arrêtés du 4 octobre 2021 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, ensuite, de lui permettre de présenter une demande d'asile dans le délai de quinze jours et enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au t

itre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a, par une requête enregistrée le 6 octobre 2021, demandé au tribunal administratif de Rennes, d'abord, d'annuler les arrêtés du 4 octobre 2021 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, ensuite, de lui permettre de présenter une demande d'asile dans le délai de quinze jours et enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour ledit conseil de renoncer à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 2105023 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2021 le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de Mme C....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu une erreur manifeste d'appréciation dans l'application, par l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes, de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Le Bihan conclut au non-lieu à statuer sur la décision de transfert, au rejet de la requête et demande que le somme de 1500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L761-1 du code justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement n° 201/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante ivoirienne, est entrée irrégulièrement en France le 23 avril 2021. Le 3 mai 2021, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture de police de Paris. La consultation du fichier EURODAC a toutefois révélé qu'elle avait, avant son arrivée en France, déjà sollicité l'asile auprès des autorités italiennes. Le 7 juin 2021, les autorités françaises ont saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de Mme C... sur le fondement du b du 1 de l'article 18 du règlement UE n° 604/2013. Cette demande a été implicitement acceptée par les autorités italiennes au terme du délai de deux semaines prévu au 2 de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013. Par deux arrêtés du 4 octobre 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné le transfert de Mme C... aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Mme C... a sollicité auprès du tribunal administratif de Rennes l'annulation de ces deux arrêtés. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 13 juin 2022 ayant annulé ces arrêtés.

Sur l'appel du préfet d'Ille-et-Vilaine :

2. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure de remise. Quel que soit le sens de la décision rendue par le premier juge, ce délai court à compter du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution.

4. Il ressort des pièces du dossier que le délai initial de six mois dont disposait le préfet d'Ille-et-Vilaine pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer Mme C... aux autorités italiennes a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 14 octobre 2021 rendu par ce dernier et n'a fait l'objet d'aucune prolongation. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de Mme C... sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation du jugement du 14 octobre 2021, en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2021 décidant le transfert de Mme C... aux autorités italiennes.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'assortit d'aucune précision ses moyens dirigés contre l'annulation prononcée par le tribunal administratif de cet arrêté.

Sur les frais d'instance :

6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Le Bihan de la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine dirigée contre le jugement du 14 octobre du tribunal administratif de Rennes en tant que celui-ci a annulé l'arrêté de transfert du 4 octobre 2021 aux autorités italiennes de Mme C....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à Me Le Bihan la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2022.

Le rapporteur,

T. B...Le président,

O. GASPON

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03033
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-29;21nt03033 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award