La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/12/2022 | FRANCE | N°22NT02261

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 décembre 2022, 22NT02261


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 27 juin 2022 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de le transférer aux autorités lituaniennes et de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 2203310 du 4 juillet 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à M. D... une attestation de demande d'asile et un formulaire de demand

e d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédur...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 27 juin 2022 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de le transférer aux autorités lituaniennes et de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 2203310 du 4 juillet 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à M. D... une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juillet et 10 novembre 2022, sous le n° 22NT02261, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 2022 ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de M. D....

Il soutient que, sur le fondement d'un résultat " Visabio ", la requête aux fins de transfert était soumise à une obligation de saisine dans un délai de trois mois au regard de l'article 21 du règlement " Dublin " et non pas de deux mois comme jugé par la magistrate désignée par le tribunal administratif de Rennes.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 et 10 novembre 2022, M. D..., représenté par Me Le Bihan, conclut au rejet de la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les moyens du préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés ;

- la requête aux fins de prise en charge adressées aux autorités lituaniennes ne faisait pas état de la présence régulière en France de sa sœur, qui a obtenu le statut de réfugié ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; le préfet a également entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du même règlement ;

- la décision d'assignation à résidence doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision de transfert.

II. Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2022, sous le n° 22NT02266, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 4 juillet 2022 en application des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement litigieux risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables en rendant la France irrémédiablement responsable de la demande d'asile de M. D..., alors que le juge administratif ne pouvait qu'enjoindre au réexamen de sa situation administrative ;

- il existe un doute sérieux sur le moyen retenu par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes fondé sur un délai de deux mois au lieu de trois mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, M. D..., représenté par Me Le Bihan, conclut au rejet de la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision 14 novembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement européen (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., ressortissant azerbaïdjanais né le 15 décembre 1987, est entré en France le 2 janvier 2022 et y a sollicité l'asile, le 17 janvier 2022. La consultation du fichier Visabio a révélé qu'il était en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois, délivré par les autorités lituaniennes. Par deux arrêtés du 27 juin 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de transférer M. D... aux autorités lituaniennes et de l'assigner à résidence. Par les requêtes susvisées, le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel et demande la suspension de l'exécution du jugement du 4 juillet 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés et lui a enjoint de délivrer à M. D... une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

2. Les deux requêtes susvisées étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour se prononcer par un même arrêt.

3. Aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la requête à fin de prise en charge de M. D... adressée aux autorités lituaniennes fait suite à un résultat positif provenant, non pas de la base Eurodac, mais de la base " Visabio ", indiquant qu'il s'était vu délivrer un visa de court séjour par les autorités lituaniennes, valable jusqu'au 10 janvier 2022 donc périmé depuis moins de six mois. Ainsi, le second alinéa des dispositions précitées n'était pas applicable en l'espèce et la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale de M. D... incombait à la France à l'expiration d'un délai de trois mois, et non de deux mois, à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

5. Il ressort des pièces produites par le préfet d'Ille-et-Vilaine que la demande adressée aux autorités lituaniennes, le 1er avril 2022, est intervenue dans le délai de trois mois suivant la date d'enregistrement de la demande d'asile de M. D..., le 17 janvier 2022. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté. Dès lors, le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondée sur ce moyen pour annuler les arrêtés contestés du 27 juin 2022.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Rennes.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les arrêtés contestés ont été signés par Mme E... A..., cheffe du bureau de l'asile de la préfecture d'Ille-et-Vilaine. Celle-ci disposait d'une délégation de signature, accordée par un arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 13 mai 2022 régulièrement publié, le même jour, au recueil des actes administratifs de l'État dans le département, à l'effet de signer notamment les arrêtés de transfert relevant de la procédure " Dublin III " et les arrêtés d'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre, le 17 janvier 2022, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion d'un entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, dont le contenu lui a été expliqué avec l'aide d'un interprète en langue azéri, qu'il a reconnu lire et comprendre. Par ailleurs, il a indiqué au terme de son entretien en préfecture, également conduit avec l'assistance d'un interprète en langue azéri et dont il a confirmé avoir compris tous les termes, que l'information sur les règlements communautaires lui a été remise et qu'il avait compris la procédure engagée à son encontre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

11. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. D... qu'il a bénéficié le 17 janvier 2022, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Aucun élément du dossier ne permet d'établir que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, ni qu'il n'aurait pas été effectué dans des conditions assurant sa confidentialité. En outre, cet entretien a été conduit avec l'assistance d'un interprète en langue azéri, que M. D... a reconnu lire et comprendre. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. M. D... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités lituaniennes mais les documents qu'il a produit à l'appui de ces affirmations, issus de l'organisation non gouvernementale Amnesty International, ne permettent pas de tenir pour établi qu'il serait lui-même exposé à un risque sérieux de ne pas être traité par ces autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Lituanie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les autres éléments présentés ne permettent pas d'établir qu'il se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France, alors notamment qu'il n'avait fait aucune déclaration à cet égard lors de son entretien. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26juin 2013 et que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait méconnu l'article 3 du même règlement et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent qu'être écartés.

14. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des accusés de réception générés par l'application DubliNet, que contrairement à ce que soutient M. D..., les autorités lituaniennes ont bien été saisies d'une demande de prise en charge de l'intéressé formulée par les autorités françaises le 1er avril 2022, exposant la nature et les motifs de la requête et les dispositions du règlement UE n°604/2013 sur lesquelles elle se fondait. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le règlement d'exécution de la Commission du 30 janvier 2014, dont l'article 2 concerne au surplus les reprises en charge et non les prises en charge, aurait été méconnu. En outre, si M. D... soutient que la requête aux fins de prise en charge adressées aux autorités lituaniennes ne faisait pas état de la présence régulière en France de sa sœur, il ne précise pas sur le fondement de quelles dispositions une telle information s'imposait aux autorités françaises. Le moyen ainsi soulevé est insuffisamment précis pour permettre d'en apprécier la portée.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) / g) "membres de la famille", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national,/ - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, / - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve (...) ".

16. M. D... fait état de la présence en France de sa sœur, en situation régulière. Néanmoins, en application de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les membres de la fratrie majeurs ne constituent pas un membre de la famille du demandeur d'asile au sens des dispositions de ce même règlement. En outre, il n'établit aucunement ses allégations par la seule production d'une carte de résident d'une ressortissante de nationalité azerbaïdjanaise ne portant pas le même nom que lui et alors qu'au cours de son entretien il avait déclaré ne pas avoir de famille en France. Par ailleurs, s'il se prévaut de la présence en France de son épouse et de leurs enfants, celle-ci est dans la même situation administrative que lui, ne réside en France que depuis janvier 2022 et n'y justifie d'aucune attache particulière. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. En septième et dernier lieu, il ressort de tout ce qui précède que l'arrête contesté portant transfert de M. D... n'est pas illégal. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du même jour assignant l'intéressé à résidence doit être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de transfert n'est pas fondé et doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés contestés, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à M. D... une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 900 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions de première instance de M. D..., y compris celles à fin d'injonction et présentées au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. D... au titre des frais de procès.

19. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel du préfet d'Ille-et-Vilaine contre le jugement du 4 juillet 2022. Par suite, les conclusions de la requête n° 22NT02266 aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22NT02266.

Article 2 : Le jugement n° 2203310 du 4 juillet 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de

Rennes est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. B... D..., à Me Le Bihan et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.

Le rapporteur,

S. C...

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 22NT02261, 22NT02266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02261
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-02;22nt02261 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award