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03/02/2023 | FRANCE | N°22NT02188

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 février 2023, 22NT02188


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2020 du préfet des Côtes d'Armor lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2003978 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Beguin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 mai

2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 22 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor, à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2020 du préfet des Côtes d'Armor lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2003978 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Beguin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 mai 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 22 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger ;

- aucun texte n'impose à un étranger la possession cumulée d'un passeport et d'un acte de naissance ;

- le préfet a estimé à tort que les justificatifs de son état civil étaient dépourvus de force probante.

La requête a été communiquée le 28 juillet 2022 au préfet des Côtes-d'Armor qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen se disant né le 1er mai 2001 et entré irrégulièrement en France en octobre 2017, a été recueilli à titre provisoire par la mission mineurs non accompagnés du département des Côtes-d'Armor avant de se voir refuser une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance de ce département par une décision du 19 janvier 2018. L'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 7 août 2019 sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 janvier 2020, le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en sa rédaction alors applicable : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

4. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A..., le préfet des Côtes-d'Armor, se fondant notamment sur un avis défavorable formulé par la direction zonale de la police aux frontières, a dénié toute force probante aux actes d'état civil et à la carte d'identité consulaire produits par l'intéressé.

5. Toutefois, les irrégularités supposées affecter le jugement supplétif n° 822/TPI/FAR/2018 tenant lieu d'acte de naissance rendu le 29 novembre 2018 par le tribunal de première instance de Faranah et l'extrait d'acte de transcription de ce jugement, le 8 janvier 2019 sous le n° 706, au registre d'état civil du même lieu, en tant que ces actes contreviendraient aux articles 179 et 196 du code civil guinéen prohibant l'inscription des dates en chiffres sur les actes d'état civil pour l'un et prévoyant l'inscription des âges, professions et domiciles des parents sur les actes de naissance pour l'autre, ainsi qu'à l'article 555 du code de procédure civile, administrative et économique guinéen qui impose la mention d'une formule exécutoire sur les décisions de justice ne font pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations que contiennent ces actes, alors que le préfet n'invoque aucun caractère frauduleux à l'encontre du jugement supplétif précité. Il en va de même de la circonstance, à la supposer établie, que ces actes n'auraient pas été valablement légalisés. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant justifié de son état-civil et de sa nationalité, comme l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en rejetant la demande de titre de séjour de l'intéressé au motif qu'il ne justifiait pas de son état civil par des documents probants, le préfet des Côtes-d'Armor a méconnu les dispositions précitées de l'article 47 du code civil ainsi que celles de l'article R. 313-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté portant refus de titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le préfet des Côtes-d'Armor a décidé le 19 février 2022 de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant". Dès lors, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer un tel titre de séjour ou de réexaminer sa demande de titre de séjour sont sans objet.

Sur les frais liés au litige :

8. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à

Me Beguin dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 mai 2022 et la décision du préfet des Côtes d'Armor du 22 janvier 2020 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me Beguin la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT021882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02188
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BEGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-03;22nt02188 ?
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