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07/02/2023 | FRANCE | N°22NT00468

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 07 février 2023, 22NT00468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 13 août 2020 par laquelle la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Normandie a prononcé son licenciement pour refus de transfert.

Par un jugement n° 2001948 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 17 février, 15 et 29 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Bra

nd, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 décem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 13 août 2020 par laquelle la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Normandie a prononcé son licenciement pour refus de transfert.

Par un jugement n° 2001948 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 17 février, 15 et 29 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Brand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 décembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 13 août 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la CCI de Normandie le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de répondre précisément à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de son moyen tiré de l'illégalité de la délibération du 17 avril 2020 ;

- son employeur n'était plus la CCIT de ... mais la CCIR de Normandie, or les actifs permettant l'exploitation du centre de formation des apprentis n'ont jamais été transférés à cette dernière, de sorte qu'il ne pouvait être décidé de transférer son contrat de travail à la société de droit privé ... ;

- la CCIR de Normandie devait prendre une délibération permettant le transfert des contrats de travail de son personnel à la société de droit privé ... ; la délibération de son assemblée générale du 17 avril 2020 est inexistante et ne constitue qu'un avis ; elle ne concerne que le transfert des actifs et de l'activité de l'... mais pas le transfert de son propre personnel à la société ..., qui constitue une décision distincte et détachable ; il n'est pas établi que cette délibération, qui est entachée d'illégalité, ait été adoptée dans les formes prévues par le règlement intérieur de la CCIR de Normandie ; aucune décision de la CCI Normandie ne peut en effet être prise en dehors de son assemblée générale ; de plus, l'avis rendu par la CCI de Normandie a précédé la délibération de la CCI de ... alors qu'il aurait dû être rendu sur la base de cette délibération ; enfin, et en tout état de cause, aucune des CCI n'a décidé de rompre le contrat des agents consulaires concernés en cas de refus de transfert ;

- le contrat le contrat de droit privé qui lui a été proposé ne reprend pas les éléments essentiels de son précédent contrat ainsi que l'exigent les dispositions de l'article L. 712-11-1 du code de commerce ; il prévoit que ses fonctions seront " évolutives ", l'employeur se réservant ainsi la possibilité de les modifier y compris en créant de nouvelles filières alors que la simple évolution du salarié sur son poste de travail est prévue par l'article L. 6321-1 du code du travail ; certains salariés se sont vus proposer des rémunérations inférieures à celles qu'ils percevaient ; la durée du travail de l'ensemble des agents, qui bénéficiaient de 27 jours de congés payés, de congés d'ancienneté et d'une dispense de service de 5,6 semaines, a été modifiée ; le nombre de leurs congés annuels a été fortement réduit dès lors que la période de dispense a été supprimée, ce qui impacte nécessairement leur durée de travail, qui augmente ; la suppression des périodes de dispenses de services a produit une modification importante de la durée du travail ; son refus d'accepter le transfert de son contrat était dès lors légitime ;

- la procédure de licenciement est entachée d'irrégularité ; elle a été initiée avant l'expiration du délai de réflexion d'un mois prévu à l'article D. 712-11-2 du code de commerce qui lui avait été laissé, de sorte qu'elle ne pouvait revenir sur son refus ; le courrier lui laissant ce délai d'un mois ne précisait pas les conséquences d'un éventuel refus ; son entretien préalable ne s'est pas déroulé dans des conditions conformes aux dispositions légales et réglementaires ; le délai de quinze jours ouvrés prévu à l'article D. 712-11-2 du code de commerce n'a pas été respecté dès lors qu'elle a été convoquée durant la période des congés d'été et qu'elle était elle-même en congé ; elle n'a ainsi pas pu être assistée par la personne de son choix ; au surplus, il ne lui a pas été demandé de confirmer son refus et de discuter des éléments qui justifiaient ce choix, de sorte qu'elle a été privée d'une garantie essentielle, celle de pouvoir modifier sa décision ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée quant aux recherches de reclassement menées par la CCI ; sa lettre de licenciement ne précise pas le périmètre au sein duquel les recherches de reclassement ont été menées et n'indique pas les postes disponibles susceptibles de lui être proposés ; elle ne justifie pas de l'impossibilité de maintenir le lien contractuel qui les unissait ;

- la CCI n'a pas respecté l'obligation de recherche de reclassement à laquelle elle était tenue.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2022, et un mémoire enregistré le 12 janvier 2023 -non communiqué-, la chambre de commerce et d'industrie de Normandie, représentée par Me Gillet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 ;

- la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ;

- le décret n° 2019-1317 du 9 décembre 2019 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements consulaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Carluis, substituant Me Gillet, représentant la chambre de commerce et d'industrie de Normandie.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été engagée, à compter du 2 septembre 1996, par la chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCIT) de ... pour exercer des fonctions d'enseignante - professeur ... - au sein de l'institut consulaire d'enseignement professionnel-centre de formation des apprentis (...), dont la CCI détenait les actifs. L'intéressée, qui relevait du statut des personnels administratifs des CCI, a été titularisée dans ses fonctions à compter du 1er septembre 1999. A compter du 1er janvier 2013, en application des dispositions de l'article 40 de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, son contrat de travail a été transféré à la CCI régionale (CCIR) de Basse Normandie, laquelle est devenue au 1er janvier 2016, la CCIR de Normandie. Par une délibération du 17 avril 2020, l'assemblée générale de la CCIT de ..., sur avis conforme de la CCIR de Normandie, employeur de Mme A..., a décidé du transfert de l'activité et des personnels de ... vers une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), dénommée ..., dont elle est l'unique associée. Mme A..., qui a refusé le transfert de son contrat de travail à cette société de droit privé, a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement. L'intéressée a saisi le tribunal administratif de ... d'une demande tendant à l'annulation de la décision du président de la CCIR de Normandie du 13 août 2020 prononçant son licenciement pour refus de transfert. Elle relève appel du jugement du 17 décembre 2021 rejetant sa requête.

Sur la légalité de la décision contestée :

2. Aux termes de l'article L. 712-11-1 du code de commerce : " Sans préjudice des dispositions législatives particulières, lorsqu'une personne de droit privé ou de droit public reprend tout ou partie de l'activité d'une chambre de commerce et d'industrie, quelle que soit la qualification juridique de la transformation de ladite activité, elle propose aux agents de droit public employés par cette chambre pour l'exercice de cette activité un contrat de droit privé ou un engagement de droit public. / Le contrat de travail ou l'engagement proposé reprend les éléments essentiels du contrat ou de l'engagement dont l'agent de droit public est titulaire, en particulier ceux qui concernent la rémunération. Les services accomplis au sein de la chambre de commerce et d'industrie sont assimilés à des services accomplis au sein de la personne privée ou publique d'accueil. / En cas de refus de l'agent public d'accepter le contrat ou l'engagement, la chambre de commerce et d'industrie employeur applique, selon des modalités prévues par décret, les dispositions relatives à la rupture de la relation de travail prévues par le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie mentionné à l'article 1er de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers.".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 27 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : " Les agents ont droit chaque année à vingt-sept jours ouvrés, les jours dits de fractionnement étant inclus. / De plus, le Président, après accord de la Commission Paritaire Régionale, peut faire bénéficier chaque agent de jours de congés payés supplémentaires en fonction de son ancienneté dans les services des CCI, avec un maximum de six jours. (...) ". Selon les termes de l'article 48-6 bis du même statut : " Outre les congés payés visés à l'article 27 du statut, les enseignants bénéficient de dispenses de service dont la durée et la répartition dans l'année sont déterminées en Commission Paritaire Régionale. / Toutefois, les dispositions actuellement en vigueur en matière de congés payés, visés à l'article 27 et de dispenses de service visées à l'article 48-6 bis, demeurent applicables. Leur adaptation éventuelle ne peut être décidée que dans le cadre des dispositions arrêtées dans les articles 48-8 et 48-9. ". Aux termes de l'article 48-8 du même statut : " Les Commissions Paritaires Locales des Compagnies Consulaires qui gèrent des services de formation et d'enseignement sont chargées de définir dans leur règlement intérieur visé à l'article 11 du présent statut : (...) / 2. Les dispositions relatives aux dispenses de service en l'absence de cours ; (...) ". Enfin, à défaut de dispositions relatives aux congés et absences des personnels enseignants dans le règlement intérieur de la CCIR de Normandie adopté le 17 novembre 2017, les dispositions du règlement intérieur de la CCIT de ... modifié en dernier lieu le 14 juin 2011 par la commission paritaire locale conformément aux articles 48-8 et 48-9 du statut des personnels, prévoient, afin d'adapter localement les modalités de dispense de service pour les enseignants, que " les enseignants de ... bénéficient de 5,6 semaines de dispenses de service à prendre selon un calendrier défini préalablement par la direction de ... ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de contrôler que les conditions légales de la rupture de la relation de travail prévues par l'article L. 712-11-1 du code de commerce, laquelle fait l'objet de la décision contestée, sont remplies, notamment la reprise, dans le contrat de droit privé proposé, des éléments essentiels du contrat ou de l'engagement dont l'agent de droit public est titulaire.

5. L'article 5 du projet de contrat de travail qui a été proposé à Mme A..., titularisée en qualité d'enseignante -ainsi qu'il a été dit au point 1 à compter du 1er septembre 1999-, en vue de son transfert à ... indique qu'elle bénéficiera de 27 jours de congés payés par an auxquels s'ajoutent 6 jours de congés au titre de son ancienneté. Selon l'article 27 du statut consolidé au 23 mai 2019 du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, applicable à l'intéressée, agent de droit public qui occupe un emploi permanent, les agents ont en effet droit chaque année à vingt-sept jours ouvrés de congés payés, jours dits de fractionnement inclus, auxquels le président peut ajouter jusqu'à 6 jours supplémentaires en fonction de l'ancienneté de l'agent. Toutefois, le projet de contrat de travail en cause ne fait état d'aucune proposition relative aux dispenses de service pour les enseignants, prévues par l'article 48-6 bis du statut adapté localement ainsi qu'indiqué ci-dessus. A cet égard, il ressort des termes de l'avenant à la lettre d'engagement statutaire du 29 novembre 2016 que Mme A... a été nommée au poste d'assistante pédagogique en référence à l'emploi national de " coordinateur " à compter du 1er janvier 2017 et qu'après des mentions d'actualisation de ses éléments de rémunération, il est indiqué que les autres dispositions du contrat de travail restent inchangées. Ainsi, l'intéressée doit être regardée comme bénéficiant toujours du système statutaire de la dispense en qualité d'enseignante au 7 juillet 2020, date à laquelle la société ... lui a soumis une proposition de contrat de droit privé. Dès lors, en s'abstenant de proposer à Mme A... toute dispense de service, la CCIR de Normandie n'a pas repris l'un des éléments essentiels du contrat ou de l'engagement dont cet agent de droit public était titulaire. Si elle fait à cet égard valoir que, durant la période d'application du système antérieur de dispenses, dont le calendrier était défini par la direction, les formateurs restaient à la disposition de l'établissement et que, depuis le mois de septembre 2020, ... " fonctionne avec des coupures pédagogiques, pendant lesquelles les formateurs peuvent prendre des congés ou bien travailler à domicile sur des activités de recherche, de préparation ", ces modalités ne sont pas équivalentes au système antérieur de dispense de service. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la proposition de contrat qui lui a été adressée ne reprenait pas l'un des éléments essentiels de son contrat de travail antérieur et qu'elle pouvait ainsi légitimement refuser de le signer sans que cela n'entraîne son licenciement.

6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, et notamment ceux portant sur la régularité du jugement attaqué, que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 août 2020 prononçant son licenciement pour refus de transfert de son contrat de travail à la société ....

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la CCI de région Normandie de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la CCI de région Normandie le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001948 du tribunal administratif de ... en date du 17 décembre 2021 ainsi que la décision du 13 août 2020 du président de la CCI de région de Normandie prononçant le licenciement de Mme A... sont annulés.

Article 2 : La CCI de région Normandie versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la CCI de région Normandie tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la chambre de commerce et d'industrie de région Normandie.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 février 2023.

Le rapporteur,

O. B...Le président,

O. GASPON

La greffière,

P. BONNIEU

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT00468 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00468
Date de la décision : 07/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : CABINET BRAND FAUTRAT ET LAMBINET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-07;22nt00468 ?
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