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07/04/2023 | FRANCE | N°22NT01511

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 avril 2023, 22NT01511


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 17 janvier 2022 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2200322 du 2 février 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Le Bihan, dema

nde à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 février 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 17 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 17 janvier 2022 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2200322 du 2 février 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Le Bihan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 février 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 17 janvier 2022 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de transfert litigieuse méconnaît l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et l'article 2 du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- elle manque de base légale faute de justification de la décision implicite d'acceptation des autorités italiennes alléguée ;

- en prenant cette décision, le préfet d'Ille-et-Vilaine a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et méconnu l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision d'assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence de celle de la décision de transfert ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mai et 6 juillet 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne, née le 19 mars 1995, est entrée en France le 1er août 2021 et a sollicité l'asile, le 30 août 2021. Par des arrêtés du 17 janvier 2022 le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence. Mme A... relève appel du jugement du 2 février 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. (...) ". L'article 2 du règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 précise qu'" une requête aux fins de reprise en charge est présentée à l'aide du formulaire type dont le modèle figure à l'annexe III, exposant la nature et les motifs des requêtes et les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil sur lesquelles elle se fonde ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la prise en charge de Mme C... les autorités italiennes résulte de la correspondance de ses empreintes digitales relevées en France avec celles issues du fichier européen " Eurodac ". Dans ces conditions, la circonstance mise en avant par la requérante que la consultation du fichier Eurodac par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne pouvait servir de fondement à la demande de sa prise en charge dans la mesure où la consultation de ce fichier n'a pas permis d'obtenir de photographie de sa personne est sans influence sur la régularité de la procédure de sa prise en charge par les autorités italiennes. En outre, les dispositions invoquées par Mme A... de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 2 du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 n'imposaient pas la prise en compte d'une telle photographie dans la procédure de prise en charge. Mme A... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la décision de transfert méconnaît l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 2 du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014.

4. En deuxième lieu, le préfet d'Ille-et-Vilaine a versé au dossier le formulaire de demande de prise en charge de Mme A... qu'il a adressé aux autorités italiennes le 19 octobre 2021 ainsi que son accusé de réception. Par suite, le moyen tiré de que la décision de transfert litigieuse manquerait de base légale faute de justification de la décision implicite d'acceptation des autorités italiennes alléguée doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. Mme A... fait état de ce qu'elle est parent isolé et qu'elle souffre de graves problèmes de santé. Toutefois, il n'est pas allégué que sa fille, née le 5 décembre 2015, serait particulièrement vulnérable et il ne ressort pas du compte-rendu de sa consultation médicale du 16 novembre 2021 ou de son hospitalisation du 17 au 20 décembre 2021 que son état de santé faisait obstacle à son transfert en Italie. Par ailleurs, elle ne peut utilement se prévaloir du compte rendu de la consultation du 18 janvier 2022 qui est postérieur à la date de la décision de transfert litigieuse et qui en tout état de cause ne permet pas d'établir que le traitement et les soins dont elle a besoin ne seraient pas disponibles en Italie. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision de transfert litigieuse serait contraire à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

7. En quatrième lieu, l'illégalité de la décision de transfert n'étant pas établie, Mme A... n'est pas fondée à s'en prévaloir pour demander l'annulation par voie de conséquence de la décision l'assignant à résidence.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile (...) ".

9. Les éléments médicaux invoqués par Mme A... ne sont pas de nature à établir que la mesure d'assignation à résidence, dont le caractère disproportionné n'est pas démontré, procèderait d'une erreur d'appréciation de la situation de l'intéressée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Le Bihan et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT01511


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01511
Date de la décision : 07/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-07;22nt01511 ?
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