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14/04/2023 | FRANCE | N°21NT02139

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 avril 2023, 21NT02139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako (République du Mali) lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour, en qualité d'enfant étranger de ressortissant français.

Par un jugement n°2101418 du 19 juillet 2021, le tribunal administratif de Na

ntes a annulé la décision implicite de la commission de recours et a enjoint au minist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako (République du Mali) lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour, en qualité d'enfant étranger de ressortissant français.

Par un jugement n°2101418 du 19 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes et de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- M. B... A... n'ayant pas demandé la communication des motifs de la décision implicite contestée, il n'était pas fondé à se prévaloir de son caractère non motivé ;

- le caractère implicite de la décision de la commission de recours implique nécessairement qu'elle ne s'est pas réunie ; dès lors le moyen tiré d'un défaut d'examen est inopérant ;

- le caractère très tardif de la demande de visa présentée par M. B... A... par rapport à la date de sa naturalisation française de son père allégué, M. D... A..., fait peser un doute sérieux sur le lien de filiation allégué ;

- M. D... A... s'est déclaré, lors de sa demande de naturalisation en 2005, célibataire et sans enfant à charge ;

- l'acte de naissance présente une rature concernant le centre d'état-civil ; il n'est pas conforme à la loi locale en ce qu'il énonce un lien de filiation avec M. D... A... sans faire état d'une reconnaissance, alors que M. B... A... est né hors mariage ; l'acte de reconnaissance produit à l'instance comporte des mentions incohérentes ;

- les éléments apportés par M. B... A... ne sont pas suffisants pour établir une possession d'état ;

- la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à M. B... A..., qui n'a pas produit de mémoire en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 11 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant malien né le 12 octobre 2002, a demandé la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'enfant étranger de ressortissant français. Un refus lui a été opposé par les autorités consulaires françaises de Bamako (Mali). La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre ce refus par décision implicite intervenue à la suite de l'enregistrement du recours le 9 octobre 2020. Par un jugement du 19 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B... A..., cette décision implicite de la commission de recours. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...). ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. Il ressort du mémoire en défense du ministre de l'intérieur produit devant la cour que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. B... A... au motif que les documents produits à l'appui de la demande de visa ne permettaient pas d'établir son identité, ni la réalité du lien de filiation dont il se prévaut à l'égard de M. D... A..., ressortissant français.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de son identité et de son lien de filiation, M. B... A... a produit, à l'appui de sa demande de visa, une copie du volet n° 3 d'un extrait d'acte de naissance n° 32 établi le 21 octobre 2002 par un officier de l'état civil du centre secondaire de Troula. D'une part, contrairement à ce que soutient le ministre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'officier d'état-civil de ce centre secondaire aurait délivré une copie de l'acte de naissance sur la base d'un formulaire du centre principal de Gakoura. D'autre part, la circonstance que le nom de la commune d'établissement de cet acte a été complété de façon manuscrite ne lui retire pas sa valeur probante dès lors que le nom de la commune est celui figurant sur le tampon qui y est apposé. Si le ministre soutient également que cet acte n'est pas conforme aux dispositions des articles 160 et 155 du code des personnes et de la famille prévoyant respectivement que " l'identité des parents d'un enfant né hors mariage n'est indiquée que si ceux-ci le reconnaissent " et que " sont mentionnés en marge de l'acte précédemment dressé ou transcrit : - l'acte de reconnaissance d'un enfant né hors mariage ", il ressort des pièces produites en première instance que M. B... A..., qui est né hors mariage, a produit la copie d'un acte de reconnaissance dressé le 21 octobre 2002 par l'officier d'état-civil du centre secondaire de Troula, l'inversion sur ce dernier document des dates de naissance et de reconnaissance relevant d'une simple erreur matérielle. Enfin, les circonstances que le visa n'a été sollicité que tardivement, au regard de la date d'acquisition, en 2005, par M. F... A... de la nationalité française et que ce dernier n'a pas fait mention de l'existence de son fils lors de sa demande de naturalisation, ne sont pas de nature, par elles-mêmes, à priver l'acte de naissance de sa valeur probante. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que l'identité de M. B... A... et, partant, la réalité du lien familial l'unissant à M. D... A... n'étaient pas établies et en refusant, pour ce motif, de lui délivrer le visa sollicité.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer à M. B... A... le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, président de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. C..., M. Le Brun, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.

La rapporteure,

I. E...La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02139
Date de la décision : 14/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : HAGEGE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-14;21nt02139 ?
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