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15/09/2023 | FRANCE | N°22NT02507

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT02507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 février 2022 par lequel le préfet de la Manche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2200609 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 11 février 2022 en tant que le préfet a obligé M. A... à quitter le territoire français e

t a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné (article 1er), a enjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 février 2022 par lequel le préfet de la Manche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2200609 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 11 février 2022 en tant que le préfet a obligé M. A... à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné (article 1er), a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente (article 2), a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré le 31 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Bernard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 février 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Manche du 11 février 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative à l'issue de la procédure de demande d'asile actuellement en cours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les informations, bases de données et sources, sur lesquelles s'est fondé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne lui ont pas été communiquées en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII ne comporte pas la signature manuscrite des médecins ayant rendu cette décision et l'apposition de signatures sous la forme d'un fac-similé numérisé ne permet pas d'identifier les auteurs de l'avis et de garantir l'authenticité du document ; il méconnaît ainsi les articles L. 212-1 et L. 121-3 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et l'article 1367 du code civil ;

- le préfet de la Manche était tenu d'attendre le sort réservé à sa demande d'asile pour examiner sa demande de titre de séjour conformément aux articles L. 431-2 et R. 311-39 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de la Manche s'est cru en situation de compétence liée au regard de l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Manche qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sierra-léonais né le 1er juin 1986 à Freetown Matotaka Tonkolili (Sierra Léone) est entré irrégulièrement en France le 14 mars 2019 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 1er juillet 2022 en tant que le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 février 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, que le requérant reprend en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables avant le 1er mai 2021 : " (...) / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. D'une part, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), produit par le préfet, comporte la mention " après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", le nom des trois médecins ayant siégé en son sein, le 11 février 2021, sur la situation de M. A..., ainsi que leur signature. A cet égard, aucun élément ne permet de mettre en doute l'authenticité de ces signatures, à supposer qu'elles soient électroniques, et d'en conclure que ces médecins, dont l'identité est précisée tant sur l'avis que sur le bordereau de transmission de cet avis, n'auraient pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII.

5. D'autre part, si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les informations, bases de données et sources, sur lesquelles s'est fondé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne lui ont pas été communiquées en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. / (...) ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois. ". Aux termes des dispositions de l'article R. 425-12 du même code : " (...) Le demandeur dispose d'un délai d'un mois à compter de l'enregistrement de sa demande en préfecture pour transmettre à l'office français de l'immigration et de l'intégration le certificat médical mentionné au premier alinéa. Lorsque la demande est fondée sur l'article L. 431-2, le certificat médical est transmis dans le délai mentionné à ce même article. ". L'information prévue par l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour seul objet de limiter, à compter de l'information ainsi délivrée, le délai dans lequel il est loisible au demandeur d'asile de déposer une demande de titre de séjour sur un autre fondement. Le requérant n'est ainsi pas fondé à soutenir que ces dispositions faisaient obstacle à ce que le préfet lui refuse la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant qu'il n'ait été statué sur sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.

7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, s'il a repris à son compte les termes de l'avis émis le 11 février 2021 par le collège de médecins de l'OFII, se soit estimé lié par cet avis. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en se croyant en situation de compétence liée doit être écarté.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

9. En sixième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour. Il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

10. Pour refuser la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet de la Manche s'est fondé notamment sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 11 février 2021 indiquant que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

11. M. A... soutient qu'il a été opéré en Italie pour une hernie inguinale droite, qu'il présente depuis une douleur invalidante en regard de la cicatrice de la hernie inguinale droite, qu'une intervention chirurgicale consistant en une résection de la masse a eu lieu et que malgré cette opération, la douleur est persistante et nécessite un suivi médical constant, dont un suivi psychiatrique. Les documents qu'il produit, à savoir un rapport d'Amnesty International et un rapport, intitulé " Mental Health Atlas 2020 ", tous deux rédigés en anglais et relatifs au manque de psychiatres en Sierra Leone, les documents médicaux relatifs à un intervention chirurgicale en 2019, deux certificats médicaux du 5 mai 2021 et du 10 février 2022, deux ordonnances du 7 octobre 2021, du 13 janvier 2022 et des fiches " Vidal " des médicaments composant son traitement, ne permettent cependant pas de remettre en cause le bien-fondé de l'avis du collège de médecins de l'OFII qui précise que l'absence de prise en charge médicale de sa pathologie n'aurait pas pour le requérant des conséquence d'une exceptionnelle gravité. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner si le traitement dont il se prévaut est disponible dans son pays d'origine, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. En dernier lieu, M. A... est célibataire et sans enfant à charge en France où il résidait depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée. Il ne justifie d'aucun obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale dans son pays d'origine où résident son épouse, ses deux enfants, cinq de ses frères et sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans. Dans ces conditions, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

13. Il résulte de tout ce qui précède M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 février 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Bernard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02507
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt02507 ?
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