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15/09/2023 | FRANCE | N°22NT02877

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT02877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2201277 du 5 août 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

e le 2 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Bernard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2201277 du 5 août 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Bernard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 5 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 du préfet de la Manche ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent ;

sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée, ce qui révèle qu'elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

sur la décision portant interdiction de retour :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation et disproportionnée eu égard à sa situation personnelle.

Par une décision du 2 novembre 2022, le président de la section cour administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien, né le 13 juillet 1995 à Tunis, est entré sur le territoire français le 11 août 2013. Par un arrêté du 31 mai 2022, dont il a demandé l'annulation au tribunal administratif de Caen, le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 5 août 2022, le tribunal a rejeté sa demande. M. B... fait appel de ce jugement.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :

2. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent, que M. B... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, la décision contestée mentionne les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait état des éléments de fait propres à la situation de M. B..., en indiquant que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille, que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas anciens, intenses et stables et qu'il a été destinataire d'une obligation de quitter le territoire français le 4 juin 2018. Elle est, ainsi, suffisamment motivée, le préfet n'étant pas tenu de faire état de l'ensemble des circonstances relatives à la situation de l'intéressé mais uniquement de celles qui fonde la décision contestée. Par conséquent, au vu de cette motivation suffisante, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. B... doit également être écarté.

4. En second lieu, M. B... est entré sur le territoire français le 11 août 2013, soit depuis huit ans à la date de l'arrêté contesté. Il est célibataire et sans enfant. Il a obtenu un baccalauréat technologique en France, en juin 2017, puis a suivi des études universitaires en économie, droit et gestion. Il a également été employé dans le cadre de contrats de travail temporaire ou saisonnier. Toutefois, ces circonstances ne suffisent pas à établir qu'il aurait noué en France des liens d'une particulière intensité, alors d'ailleurs qu'il est retourné à Tunis en juillet 2014 puis en juillet et août 2015. Il en est de même de sa prise en charge par son oncle, de nationalité française, en l'absence d'élément sur leurs liens effectifs. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

5. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée, que M. B... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

6. En deuxième lieu, il résulte des points 3 et 4 que le moyen tiré de ce que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire du 4 juin 2018 prise par le préfet de la Haute-Vienne a été notifiée à l'intéressé le 5 juin 2018, M. B... n'apportant aucun élément de nature à établir qu'un tiers aurait signé l'accusé de réception à sa place. En outre, la situation personnelle de M. B..., telle qu'elle a été évoquée au point 4, ne justifiait pas qu'un délai lui soit accordé afin d'organiser son départ de France, alors même qu'il ne constituerait pas une menace à l'ordre public, de sorte que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et de ce qu'elle méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. B... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

9. En second lieu, il résulte des points 3 et 4 que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour pendant deux ans :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été énoncé aux points 3 et 4 que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour pendant deux ans doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que, comme il a été dit au point 4, le requérant, entré en France en 2013, n'a que son oncle en France et pas de liens personnels ou familiaux d'une particulière intensité. Si M. B... a été scolarisé en France, où il a obtenu son baccalauréat et a poursuivi des études universitaires, et s'il a également travaillé dans le cadre de contrats temporaires ou saisonniers, ces éléments ne peuvent être regardés, en l'espèce, comme des circonstances humanitaires justifiant que le préfet ne prononce pas d'interdiction de retour. Il n'est pas établi qu'il serait isolé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Eu égard au fait qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français du 4 juin 2018 et d'une précédente interdiction de retour sur le territoire français du 9 mai 2019, en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de son retour sur le territoire français, le préfet de la Manche n'a pas méconnu les dispositions citées au point 11, ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de la situation de l'intéressé.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

La rapporteure

P. Picquet

Le président

L. LainéLe greffier

C. Wolf

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02877
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt02877 ?
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