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26/09/2023 | FRANCE | N°22NT02795

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 septembre 2023, 22NT02795


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 14 août 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2103794 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2022 M. B..., représenté par Me Cab...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 14 août 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2103794 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2022 M. B..., représenté par Me Cabioch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 août 2020 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour temporaire ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Cabioch renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- sa demande de titre de séjour n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il est présent sur le territoire depuis plus de dix ans ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en ajoutant une condition aux dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français la prive de base légale.

Par un mémoire en défense produit le 27 octobre 2022 le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville, rapporteur ;

- et les observations de Me Power représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République du Congo né en 1983, est entré, selon ses déclarations, sur le territoire français en 2003. Sa demande d'asile a été rejetée le 2 février 2003 par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par une décision du 14 février 2005 de la Cour nationale du droit d'asile. Le préfet de la Loire-Atlantique a, par un premier arrêté du 5 mai 2005, fait obligation à M. B... de quitter le territoire français et le recours gracieux présenté contre cette décision a été rejeté le 27 mars 2006. La demande de réexamen de la demande d'asile formée par M. B... a été rejetée le 24 avril 2009 par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision confirmée par une décision du 18 janvier 2010 de la Cour nationale du droit d'asile. M. B... a demandé en 2012 la régularisation de sa situation au regard du séjour. Par un arrêté du 21 mars 2013, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande de régularisation présentée par M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le recours dirigé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 novembre 2013. Enfin, par un arrêté du 14 août 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. B..., a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne le moyen commun tenant à l'insuffisante motivation des décisions contestées :

2. M. B... reprend en appel son moyen de première instance tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées. Toutefois et ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, ces décisions comportent l'exposé des considérations de droit et de fait qui les fondent.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour :

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., il ne ressort pas des termes de la décision contestée que le préfet de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale avant de prendre à son encontre la décision portant refus de titre de séjour.

4. En deuxième lieu, l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". En vertu de l'article R. 312-2 du code précité : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. La commission est également saisie dans les cas prévus aux articles L. 313-14 et L. 431-3 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " (...) L'autorité administrative est tenue soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

5. M. B... soutient qu'il réside en France depuis 2003 et en tout état de cause qu'il résidait depuis plus de dix ans en France à la date de l'arrêté en litige. Toutefois, les pièces produites ne sont pas suffisamment probantes et diversifiées pour apporter la preuve de sa présence habituelle en France durant les dix années précédant la date de l'arrêté en litige. Ainsi, les nouvelles pièces produites en appel, constituées de trois ordonnances médicales, datées des 12 avril 2013, 10 mai et 4 juin 2015, d'une synthèse de séjour aux urgences du 10 mai 2015, d'un courrier adressé à l'intéressé par M. C... A... le 2 février 2016, de deux relevés de compte pour l'année 2016 espacés d'une année et d'un avis d'imposition sur les revenus de 2020 postérieur à l'édiction de l'arrêté contesté, permettent d'attester d'une présence ponctuelle de l'intéressé sur le territoire français mais ne suffisent pas établir son séjour habituel et continu en France notamment au titre de la période comprise entre les mois de juin 2015 et décembre 2016. Il en est de même de l'attestation de domiciliation datée du 13 novembre 2018 émanant d'une compatriote, selon laquelle M. B... résidait à son domicile à Nantes à compter du mois de mars 2016. Par suite, le préfet de la Loire-Atlantique n'était pas tenu de soumettre pour avis sa demande de titre de séjour à la commission du titre de séjour. Ainsi, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure dont la décision de refus de titre de séjour serait entachée ne peut être accueilli.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était célibataire et sans charge de famille en France à la date de la décision contestée. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans au moins. S'il fait valoir la présence en France d'un oncle et d'une cousine, cette circonstance n'est en tout état de cause pas de nature à démontrer la réalité des relations qu'il entretiendrait avec eux et leur ancienneté. De même, les attestations de connaissances dont il a pu faire état présentent un caractère stéréotypé et ne sont pas suffisamment précises et circonstanciées pour établir la réalité des relations qu'il entretiendrait sur le territoire. Enfin, s'il a entretenu une relation sentimentale sur le territoire français, il est constant que l'appelant était célibataire à la date de la décision contestée. Par ailleurs, et contrairement à ce que l'appelant soutient, en mentionnant que M. B... n'établissait pas qu'il serait à la charge de son oncle ou de sa cousine présente sur le territoire ou qu'il résiderait de manière habituelle au domicile de l'un ou de l'autre, le préfet n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de la réalité et de l'intensité des liens allégués de M. B... sur le territoire. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Loire Atlantique aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, alors en vigueur, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

9. Tout d'abord, au regard des éléments mentionnés au point 6 et 7, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation du requérant ne répondait pas à des considérations humanitaires ou ne relevait pas de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ensuite, les circonstances que le requérant bénéficie de l'aide médicale d'Etat depuis plusieurs années, qu'il justifie déclarer ses revenus auprès de l'administration fiscale et qu'il ait exercé une activité professionnelle de préparateur de commande, ce dont il ne justifie d'ailleurs pas, ne constituent pas des motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité ci-dessus doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de l'admettre au séjour.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation l'obligation de quitter le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées dans cette requête aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais liés au litige doivent être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2023.

Le rapporteur

S. ViévilleLa présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°22NT02795 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02795
Date de la décision : 26/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL DESMARS BELONCLE BARZ CABIOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-26;22nt02795 ?
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