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13/10/2023 | FRANCE | N°23NT01447

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 13 octobre 2023, 23NT01447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, et lui a interdit le retour pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2300717 du 9 mai 2023, le président du tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté en toutes ses disposition

s, enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. C... une attestation de demande d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, et lui a interdit le retour pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2300717 du 9 mai 2023, le président du tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté en toutes ses dispositions, enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile dans un délai de huit jours, et mis la somme de 1000 euros à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mai et 16 août 2023, le préfet du Calvados demande à la cour d'annuler ce jugement du 9 mai 2023.

Il soutient que :

- c'est à tort que, pour annuler l'obligation de quitter le territoire soumise à son examen, le président du tribunal administratif de Caen a retenu que M. C... lui présentait un élément nouveau susceptible de justifier les craintes à l'origine de son départ d'Afghanistan et le faisant rentrer dans les prévisions de l'article 33 de la Convention de Genève et donc du dernier alinéa de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est également à tort que, pour le même motif ou par voie de conséquence, les autres décisions figurant dans l'arrêté du 3 mars 2023 ont été annulées ;

- les moyens soulevés par le requérant en premier instance ne sont pas fondés ;

- la requête d'appel, signée par une personne dûment habilitée ayant reçu délégation de signature du préfet du Calvados, est recevable.

Par des mémoires enregistrés les 31 juillet et 20 septembre 2023, M. C..., représenté par Me Bernard, demande son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et conclut au rejet de la requête d'appel du préfet du Calvados et à ce qu'une somme de 1000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel du préfet du Calvados n'est pas recevable, faute d'être signée par une personne justifiant d'une délégation de signature publiée ;

- le jugement du tribunal administratif de Caen doit être confirmé dès lors que la présentation, à l'appui de sa demande de réexamen de sa demande d'asile, d'un élément nouveau, non encore examiné par la Cour nationale du droit d'aile, et établissant ses craintes en cas de retour en Afghanistan, faisait obstacle à l'édiction de toute une mesure d'éloignement et obligeait le préfet à lui remettre une attestation de demande d'asile ;

- les autres moyens de sa requête de première instance justifient l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2023 dans toutes ses dispositions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1952 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

M. A... C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 4 septembre 2023.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant afghan né en 1998 et entré en France irrégulièrement le 17 janvier 2021 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 mars 2022, et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 26 août 2022. Le réexamen de sa demande d'asile, qu'il a sollicité le 20 octobre 2022, lui a été refusé le 28 octobre 2022 par l'OFPRA, qui a considéré cette demande comme irrecevable, puis, le 17 février 2023, par la CNDA. Ultérieurement, toutefois, le 3 mars 2023, M. C... a sollicité un second réexamen de sa demande d'asile. Le préfet du Calvados, estimant que le droit de l'intéressé à se maintenir sur le territoire avait pris fin par l'effet du rejet définitif de sa première demande de réexamen, a refusé à M. C... la délivrance d'une attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, et lui a interdit le retour pour une durée d'un an. Ces décisions prises par l'arrêté préfectoral en litige du 3 mars 2023 ont été annulées par un jugement n° 2300717 du 9 mai 2023 du président du tribunal administratif de Caen dont le préfet du Calvados relève appel.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Par un arrêté du 30 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 14-2022-183 du même jour et consultable sur le site internet de la préfecture, le préfet du Calvados a donné délégation à Mme F... B..., cheffe du bureau du conseil juridique des services de l'Etat, à l'effet notamment de représenter ce préfet et de formuler toutes observations en son nom devant les juridictions administratives et judiciaires dans les instances dont son service a la charge. Les attributions de ce service comprennent, en application de l'article 3-5 de l'arrêté préfectoral du 30 août 2021 portant organisation des services de la préfecture du Calvados, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 14-2021-158 du 31 août 2021 et consultable sur le site internet de la préfecture, la rédaction des mémoires en contentieux des étrangers et des requêtes en appel dans ce même contentieux. La fin de non-recevoir opposée en défense, tirée de l'incompétence du signataire la requête d'appel et, par suite, de l'irrecevabilité de celle-ci, doit être écartée.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : (..) 2° Lorsque le demandeur : (..) c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". L'article R. 521-10 du même code dispose que " Lorsque l'étranger se trouve dans le cas prévu aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2, le préfet peut prendre à son encontre une décision de refus de délivrance de l'attestation de demande d'asile ". Aux termes de l'article L. 611-1 de ce code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".

4. En l'espèce il est constant que M. C..., dont une première demande de réexamen de sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 février 2023, se trouvait dans la situation où, bien qu'il ait présenté une seconde demande de réexamen, son droit au maintien sur le territoire avait pris fin et où le préfet pouvait, par application des dispositions de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obliger à quitter le territoire, et, par application des dispositions de l'article R. 521-10 du même code, lui refuser la délivrance d'une attestation de demande d'asile. S'il appartenait à l'autorité administrative, avant de prendre ces décisions, de tenir compte des éléments nouveaux éventuellement produits par M. C... et susceptibles de justifier l'octroi d'une protection internationale et de faire obstacle à son éloignement, il n'est pas établi, d'une part, que le document qualifié par le requérant de " lettre d'arrestation ", qu'il produit à l'appui de sa requête, serait différent de celui déjà examiné successivement par l'OFPRA et la CNDA et qualifié par ces instances, dans leurs décisions respectives en date des 28 octobre 2022 et 17 février 2023, de " lettre de menaces des taliban ". D'autre part, si

M. C..., pour établir le caractère nouveau du document qu'il a produit à l'appui de sa seconde demande de réexamen, fait valoir que le document antérieurement produit était mal traduit, l'existence d'erreurs de traduction de ce document par l'interprète assermenté, qui en a certifié fidèle la traduction, n'est pas démontrée par la seule production d'une traduction informatique, du pachto en français, par le logiciel en ligne Google Lens, de l'en-tête de ce document, qui révèlerait que celui-ci, assimilable à un mandat de recherche, aurait été considéré à tort comme émanant de la commission militaire de la province de Nangarhar au lieu de celle de Bâghlan dont est originaire le requérant. En tout état de cause, saisis à plusieurs reprises de ce même document, l'OFPRA et la CNDA ont estimé, pour le premier, qu'eu égard à sa production sous forme d'une simple copie, à l'absence d'explications étayées sur ses conditions d'obtention, à la " prévalence de faux documents en Afghanistan ", ce document était dépourvu de garantie suffisante d'authenticité, et, pour la seconde, qui a pris en considération cette pièce, que les menaces et recherches dont ferait toujours l'objet M. C... de la part des taliban ne pouvaient être tenues pour établies. Il suit de là que c'est à tort que, pour annuler les décisions litigieuses, le président du tribunal administratif de Caen s'est fondé sur le motif tiré de ce que M. C... faisait valoir un élément nouveau, susceptible de justifier les craintes à l'origine de son départ d'Afghanistan, et faisant obstacle, eu égard à la réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales inscrite au c) du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à ce que la délivrance de l'attestation de demande d'asile soit refusée à l'intéressé et à ce que celui-ci puisse être obligé de quitter le territoire.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens invoqués par M. C... :

6. Par un arrêté du 19 janvier 2023, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 14-2023-12 du même jour et consultable sur le site internet de la préfecture, le préfet du Calvados a donné délégation à M. E... D..., chef du bureau de l'asile et de l'éloignement, à l'effet de signer tous les arrêtés et décisions relevant des attributions de ce bureau prévus par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces attributions comprennent, en application de l'article 3-4-3 de l'arrêté préfectoral du 30 août 2021 portant organisation des services de la préfecture du Calvados, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 14-2021-158 du 31 août 2021 et consultable sur le site internet de la préfecture, les décisions faisant l'objet du présent litige. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance de l'attestation de demande d'asile :

7. En premier lieu, la décision litigieuse rappelle le rejet à deux reprises, par l'OFPRA et la CNDA, de la demande d'asile de M. C.... Elle mentionne que l'intéressé a sollicité le 3 mars 2023 un second réexamen de sa demande. Elle cite précisément les dispositions des articles L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers prévoyant que le droit du demandeur d'asile de se maintenir sur le territoire prend fin lorsque le demandeur présente une nouvelle demande de réexamen après qu'une première ait été définitivement rejetée, et celles de l'article R. 521-10 du même code prévoyant que, dans une telle situation, le préfet peut prendre une décision de refus de l'attestation de demande d'asile qu'il est en principe tenu de délivrer. Elle énonce qu'après étude de son dossier, M. C... n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées en Afghanistan ou qu'il y est exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Alors même que le préfet n'y explique pas pourquoi la seconde demande de réexamen de la demande d'asile de M. C..., qu'il mentionne toutefois, ne justifiait pas la délivrance à l'intéressé de l'attestation de demande d'asile, elle est suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit donc être écarté.

8. En second lieu, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus au point 4, et en l'absence de production d'éléments nouveaux ou suffisamment probants de nature à établir que la situation de M. C..., déjà examinée à deux reprises successivement par l'OFPRA et la CNDA, pourrait justifier l'octroi d'une protection internationale, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, la décision attaquée, qui rappelle les démarches infructueuses de

M. C... devant les instances en charge de l'asile, se réfère aux dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce, d'une part, que l'intéressé n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 611-3 du même code faisant obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement, et, d'autre part, qu'il n'est pas porté atteinte aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est suffisamment motivée. Cette motivation, qui fait également référence à la seconde demande de réexamen de la demande d'asile de M. C... déposée le 3 mars 2023, révèle également que le préfet a procédé à un examen complet de la situation de l'intéressé à partir des éléments dont il est établi qu'il avait connaissance. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen particulier de la situation du requérant doivent donc être écartés.

10. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus aux points 7 et 8, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de délivrance de l'attestation de demande d'asile ne peut, en tout état de cause, être accueilli.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la directive n° 2013/32/UE : " 1. Les États membres peuvent déroger au droit de rester sur le territoire lorsqu'une personne: / a) n'a introduit une première demande ultérieure, dont l'examen n'est pas poursuivi en vertu de l'article 40, paragraphe 5, qu'afin de retarder ou d'empêcher l'exécution d'une décision qui entraînerait son éloignement imminent de l'État membre concerné ; ou / b) présente une autre demande ultérieure de protection internationale dans le même État membre à la suite de l'adoption d'une décision finale déclarant une première demande ultérieure irrecevable en vertu de l'article 40, paragraphe 5, ou à la suite d'une décision finale rejetant cette demande comme infondée. / Les États membres ne peuvent faire usage de cette dérogation que si l'autorité responsable de la détermination estime qu'une décision de retour n'entraînera pas de refoulement direct ou indirect en violation des obligations internationales et à l'égard de l'Union incombant à cet État membre (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : / a) La peine de mort ou une exécution ; / b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; / c) S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou

international ".

12. Par une décision n° 450285 du 24 février 2022 le Conseil d'Etat a écarté l'exception d'inconstitutionnalité des articles L. 521-7 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard de la directive 2013/32/UE dans la mesure où " une décision de retour qui serait prise immédiatement après le dépôt de la deuxième demande de réexamen ne pourrait être exécutée avant que l'OFPRA n'ait examiné cette demande ". Par suite, si le caractère exécutoire de la mesure d'éloignement est suspendu jusqu'à la décision de l'OFPRA, cela ne fait pas obstacle à l'édiction d'une telle mesure consécutivement à un refus de délivrance d'une attestation de demande d'asile après le dépôt d'une deuxième demande de réexamen. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du 2ème alinéa du paragraphe 1 de l'article 41 de la directive 2013/32/UE doit être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes du 1 de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. ". La méconnaissance des stipulations de cet article ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'a ni pour objet ni pour effet de fixer un pays de renvoi.

14. En cinquième lieu, si le requérant invoque, à l'encontre de la mesure d'éloignement qu'il conteste, la méconnaissance de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoyant le bénéfice de la protection subsidiaire pour toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un certains risques graves, cette protection lui a été refusée à deux reprises par les autorités en charge de l'asile, et, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le requérant ne démontre pas que, comme il le soutient, la production par lui d'éléments nouveaux justifiant sa seconde demande de réexamen de sa demande d'asile faisait obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement à son encontre. Par ailleurs, en première instance comme en appel, M. C... n'apporte pas d'éléments probants de nature à établir l'existence, à la date de la décision litigieuse, de risques encourus par lui personnellement et actuellement en Afghanistan justifiant l'octroi de la protection subsidiaire. Le moyen sus-analysé ne peut, par suite, qu'être écarté, de même que celui de l'erreur manifeste d'appréciation commise par l'autorité préfectorale en décidant d'obliger l'intéressé à quitter le territoire. Sur ce point, le requérant ne peut utilement faire valoir, que ce soit à l'encontre du principe même de l'éloignement qui lui est imposé, ou à l'encontre du délai de trente jours qui lui est donné pour déférer spontanément à cette mesure, l'absence de vols commerciaux et de relations diplomatiques actuellement entre la France et l'Afghanistan, et l'impossibilité concrète de retourner effectivement dans ce délai dans son pays d'origine.

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire de 30 jours :

15. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ".

16. En premier lieu, le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français correspond au délai de droit commun susceptible d'être accordé en application de l'article L. 612-1 du code précité, visé par l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la fixation à trente jours du délai de départ volontaire accordé à

M. C..., dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que celui-ci aurait expressément demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation de ce délai, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de cette obligation. Alors que, ainsi qu'il a été exposé au point 9, l'obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée le moyen tiré par le requérant de ce que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de 30 jours serait insuffisamment motivée doit être écarté.

17. En second lieu, le requérant ne fait pas état d'éléments particuliers et spécifiques sur sa situation personnelle en France, tels que la durée longue de son séjour, la présence d'enfants scolarisés, d'autres liens familiaux et sociaux sur le territoire français ou encore les exigences ou contraintes du traitement de problèmes de santé, susceptibles de rendre nécessaire une prolongation du délai de trente jours. Il ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre du délai de départ volontaire qui lui est assigné, de l'absence de vols commerciaux et de relations diplomatiques actuellement entre la France et l'Afghanistan. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet du Calvados doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

18. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence ne peut qu'être écarté.

19. En deuxième lieu, la décision susmentionnée, qui mentionne notamment la nationalité afghane de l'intéressé, se réfère aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et relève que, " après étude de son dossier ", M. C... n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées en Afghanistan ou qu'il est exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine, comporte avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté.

20. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse aurait été prise sans examen particulier des circonstances de l'espèce.

21. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article L. 721-4, anciennement L. 513-2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

22. Si M. C... soutient qu'il est recherché par les talibans qui lui reprochent d'avoir secouru et soigné à son domicile, en 2020, un soldat de l'armée nationale qu'il avait découvert blessé dans son champ, et qui a été retrouvé et assassiné en même temps que son propre père, ce récit n'est assorti d'aucun élément suffisamment probant. La traduction du document " lettre d'arrestation " daté du 30 septembre 2022, émanant des autorités militaires afghanes, et déjà pris en compte par l'OFPRA et la CNDA sous la désignation de " lettre de menaces des talibans " n'est à cet égard pas suffisante. Le requérant, présent en Europe depuis 2021, n'établit pas non plus présenter désormais un profil " occidentalisé " qui l'exposerait, en cas de retour en Afghanistan, à des risques de mauvais traitements ou de discriminations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

23. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, le requérant n'est pas fondé à demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision susvisée.

24. En second lieu, aux termes de L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

25. Les seules circonstances avancées par M. C..., tirées de ce qu'il s'est maintenu sur le territoire français le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile, n'a fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement antérieurement et ne constitue pas une menace pour l'ordre public ne suffisent pas pour considérer, eu égard à la faiblesse de ses liens avec la France où il est entré récemment, et de la présence en Afghanistan de sa femme et de ses deux enfants, que le préfet du Calvados aurait commis une erreur d'appréciation en lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2023 du préfet du Calvados.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

27. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. C... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Calvados, de lui délivrer une attestation de demande d'asile et de l'effacer du fichier des personnes recherchées et du Système d'information Schengen doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de

M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 9 mai 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à

M. A... C....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23NT01447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01447
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-13;23nt01447 ?
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