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24/10/2023 | FRANCE | N°23NT00399

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 octobre 2023, 23NT00399


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, dirigé contre la décision du 2 juillet 2021 de l'autorité consulaire française à Istanbul (Turquie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié.

Par un jugement n° 2204287 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la

décision du 2 février 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, dirigé contre la décision du 2 juillet 2021 de l'autorité consulaire française à Istanbul (Turquie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié.

Par un jugement n° 2204287 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 2 février 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer de délivrer à M. A... le visa demandé.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février et 26 avril 2023 (ce dernier non communiqué), le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- alors même que le demandeur justifie d'une autorisation de travail, il peut être valablement opposé à M. A... l'inadéquation de son profil avec l'emploi proposé, traduisant un risque de détournement de l'objet du visa ;

- si l'intéressé fait valoir de multiples expériences en qualité de cuisinier, il a en réalité fait de fausses déclarations pour gonfler son expérience ;

- il a également caché ses liens familiaux avec son employeur en France, dont il est le beau-frère.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Karzazi, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 2 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à M. A... un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

2. La décision contestée de la commission de recours est fondée sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires en raison de l'inadéquation entre les compétences de M. A... et celles requises pour exercer l'emploi envisagé.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. / Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois à caractère familial, en qualité de visiteur, d'étudiant, de stagiaire ou au titre d'une activité professionnelle, et plus généralement tout type de séjour d'une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-24. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : / 1° S'agissant de l'emploi proposé : / a) Soit cet emploi relève de la liste des métiers en tension prévue à l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et établie par un arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé de l'immigration ; / b) Soit l'offre pour cet emploi a été préalablement publiée pendant un délai de trois semaines auprès des organismes concourant au service public de l'emploi et n'a pu être satisfaite par aucune candidature répondant aux caractéristiques du poste de travail proposé ; (...) ".

5. M. A..., ressortissant turc né le 22 mars 1974, a demandé la délivrance d'un visa de long séjour afin de travailler en qualité de " cuisinier en spécialités turques " dans le cadre d'un contrat de travail conclu avec la société de restauration rapide Atalay Kebab. Il a bénéficié, dans ce cadre d'une autorisation de travail délivrée par l'unité départementale de l'Orne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le 16 décembre 2020. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu un certificat en " cuisine de base " en 1 020 heures obtenu au titre de l'année scolaire 2017-2018, un certificat d'" aide-cuisinier " en 1 136 heures au titre de l'année scolaire 2018-2019 et un certificat en " gastronomie et cuisine " en 2 224 heures obtenu au titre des deux années scolaires 2019-2021. La circonstance que l'intéressé n'a pas produit ces certificats devant les autorités consulaires ne suffit pas à elle seule à démontrer leur caractère inauthentique. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le relevé de l'organisme de sécurité sociale dont relève M. A... en Turquie mentionne que l'intéressé exerçait une activité dans le domaine textile de 2018 à 2020, puis une activité de cuisinier de février à avril 2021. De telles mentions ne correspondent pas aux déclarations faites par le demandeur quant à ses expériences professionnelles dans son curriculum vitae et M. A... ne s'en explique que très partiellement dans ses écritures en soutenant que son employeur en Turquie ne l'aurait pas déclaré d'août à décembre 2021. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A... a déclaré dans sa fiche de liaison OFII qu'il n'avait pas de lien familial avec son employeur en France, alors qu'il ressort des pièces produites par le ministre de l'intérieur et des outre-mer que les gérants du restaurant et employeurs de M. A... sont ses belle-sœur et neveu. L'intéressé a dès lors volontairement dissimulé ses liens familiaux avec son employeur dans sa demande de visa. Dans ces conditions, en refusant le visa sollicité, la commission n'a pas porté une inexacte appréciation sur l'absence d'adéquation de l'expérience professionnelle de l'intéressé à l'emploi proposé et cette absence d'adéquation ainsi que la circonstance que M. A... ait dissimulé ses liens familiaux avec son employeur sont de nature à révéler que l'intéressé sollicite le visa à d'autres fins que son projet de travail et à justifier le rejet de cette demande de visa.

6. M. A... n'a pas invoqué d'autres moyens devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour qu'il appartiendrait de ce fait à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision du 2 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2204287 du 14 décembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00399


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00399
Date de la décision : 24/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : KARZAZI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-24;23nt00399 ?
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