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30/12/2005 | FRANCE | N°01PA00115

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation b, 30 décembre 2005, 01PA00115


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2001, présentée pour Mme Marie-Christine X demeurant ..., par Me Descoins ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 9609134/6 du 21 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 4 000 F (609,80 euros) qu'elle estime insuffisante en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 200 000 F (30 489,80 euros) en réparation de son préjud

ice majorée des intérêts de droit à compter du 7 mars 1996 les intérêts étant ...

Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2001, présentée pour Mme Marie-Christine X demeurant ..., par Me Descoins ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 9609134/6 du 21 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 4 000 F (609,80 euros) qu'elle estime insuffisante en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 200 000 F (30 489,80 euros) en réparation de son préjudice majorée des intérêts de droit à compter du 7 mars 1996 les intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris aux dépens et à lui verser une somme de 15 000 F (2 286,74 euros) de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2005 :

- le rapport de Mme Desticourt, rapporteur,

- les observations de Me Tsoudéros pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris,

- et les conclusions de Mme Helmlinger, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, que les séquelles dont Mme X reste affectée à la suite de l'atteinte du nerf récurrent lors de la cervicotomie réalisée le 6 avril 1995 se caractérisent par des troubles phonatoires en rapport avec la paralysie de la corde vocale droite qui se traduisent par une incapacité permanente partielle évaluée à 10 % ; que l'exécution de l'acte médical n'étant ainsi pas la cause de dommages présentant un caractère d'extrême gravité, il s'ensuit que la responsabilité sans faute de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris n'est, dès lors, pas engagée à l'égard de l'intéressée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte du rapport de l'expert que l'intervention chirurgicale était justifiée et que les traitements administrés à Mme X étaient adaptés à son état de santé ; que la prise en charge de la paralysie récurrentielle, mise en oeuvre après la consultation du dr Pariente le 27 avril 1995, a été correcte et n'a pu se poursuivre au-delà du 6ème mois du fait que Mme X avait cessé de consulter le professeur Redondo ou les médecins ORL de l'hôpital Beaujon alors que des thérapeutiques palliatives chirurgicales auraient pu lui être proposées ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le chirurgien aurait commis une faute technique lors de l'intervention du 6 avril 1995 alors que l'expert estime au contraire que celle-ci a été pratiquée dans les règles de l'art, rien ne permettant de conclure à une section du nerf récurrent droit per opératoire, un simple étirement pouvant expliquer le traumatisme du nerf récurrent, risque classique de l'abord du rachis cervical par voie antérieure ; que l'hypothèse d'une probable section du nerf récurrent droit émise, le 14 avril 1995, par l'interne d'ORL qui évoque également « du moins une probable inflammation locale » n'établit pas l'existence d'une faute médicale ; qu'ainsi Mme X n'est pas fondée à soutenir qu'une telle faute a été commise et engage la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

Considérant, en troisième lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris n'apporte pas la preuve qui lui incombe que Mme X a été informée du risque connu, en cas d'abord du rachis cervical par voie antérieure, d'atteinte au nerf récurrent susceptible d'entraîner la paralysie de la corde vocale ; que la circonstance que la paralysie définitive de la corde vocale résultant de l'atteinte au nerf récurrent est exceptionnelle et imprévisible, la paralysie n'étant que transitoire dans la presque totalité des cas, n'exonérait pas l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de son obligation ; que par suite, ainsi qu'en a jugé le tribunal, le défaut d'information constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ;

Sur le préjudice indemnisable :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que l'intervention chirurgicale subie par Mme X, sans être indispensable, était justifiée par la persistance et l'aggravation des douleurs d'origine cervicale présentées par Mme X ; que la circonstance que Mme X ait accepté de procéder à deux interventions chirurgicales intéressant le rachis lombaire les 9 décembre 1994 et 30 mai 1997 n'établit pas qu'elle aurait accepté l'intervention même parfaitement informée de ses risques dès lors qu'il s'agit d'interventions qui ne sont pas de même nature et ne comportent pas les mêmes risques ; que, dès lors, la faute commise par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a entraîné, dans les circonstances de l'espèce, une perte de chance pour Mme X, de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X présente une paralysie définitive de la corde vocale droite entraînant des troubles de la phonation importants se manifestant par une voix faible ou éteinte et un essoufflement ; que le taux d'incapacité permanente partielle a été fixé par l'expert à 10 % ; que le tribunal n'a pas fait une évaluation insuffisante des troubles de toute nature que l'intéressée subit dans ses conditions d'existence en les évaluant à la somme de 80 000 F ou 12 195,92 euros dont la moitié au titre du préjudice personnel soit 40 000 F ou 6 097,96 euros ; que le montant des frais médicaux, de transport et pharmaceutiques en relation avec la faute commise par l'administration s'est élevé à la somme de 7 084,32 F ou 1 080 euros ; qu'il suit de là que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a évalué son préjudice global à la somme de 87 084,32 F ou 13 275,92 euros dont 40 000 F ou 6 097,96 euros au titre du préjudice personnel ;

Considérant que la réparation du dommage résultant pour Mme X de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé doit être fixée à une fraction du préjudice subi ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques d'atteinte au nerf récurrent inhérents à l'intervention et, d'autre part, l'importance des douleurs cervicales invalidantes dont souffrait Mme X avant l'intervention dont le bénéfice attendu était l'indolence totale, cette fraction doit être fixée au dixième ainsi qu'en a jugé le tribunal ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal a fixé le montant de l'indemnité due à Mme X au titre de la réparation du préjudice physiologique à la somme de 4 708,43 F ou 717,80 euros et le montant de l'indemnité due à Mme X au titre de la réparation du préjudice personnel à la somme de 4 000 F ou 609,80 euros ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise :

Considérant qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : Si la responsabilité d'un tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge de tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le recours de la caisse s'exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte d'une chance d'éviter un préjudice corporel, la part d'indemnité de caractère personnel étant seule exclue de ce recours ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise justifie avoir versé la somme de 7 084,32 F ou 1 080 euros au titre des débours résultant des suites dommageables pour son assurée de l'opération ; que les débours ainsi exposés étant supérieurs à la somme précitée sur laquelle peuvent s'imputer les droits de la caisse, celle-ci n'a droit au remboursement de sa créance qu'à concurrence de la somme précitée de 717,80 euros ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à ladite caisse, par imputation sur le montant du préjudice indemnisable de Mme X relatif à l'atteinte à l'intégrité physique, la somme de 717,80 euros avec intérêts de droit à compter du 8 septembre 2000 ;

Sur les droits de Mme X :

Considérant que Mme X a droit au versement de la somme précitée de 4 000 F soit 6 098 euros correspondant au préjudice personnel sur lequel ne peuvent s'imputer les droits de la caisse ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à Mme X la somme de 4 000 F soit 6 098 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme X qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 1 823,29 euros qu'elle demande au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à payer à Mme X la somme de 2 286,74 euros qu'elle réclame au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hopitaux de Paris à lui rembourser la somme de 1 082 euros sont rejetées.

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NN 01PA00115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 01PA00115
Date de la décision : 30/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: Mme Odile DESTICOURT
Rapporteur public ?: Mme HELMLINGER
Avocat(s) : DESCOINS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-12-30;01pa00115 ?
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