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02/03/2006 | FRANCE | N°05PA03668

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites a la frontiere, 02 mars 2006, 05PA03668


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2005, présentée pour M. Lulzim X, demeurant ... par Me Kheir Affane ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°05-03663, en date du 27 juillet 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 14 juin 2005 du préfet de Seine-et-Marne, ordonnant sa reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asil

e, et, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction au préfet de Seine-et-...

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2005, présentée pour M. Lulzim X, demeurant ... par Me Kheir Affane ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°05-03663, en date du 27 juillet 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 14 juin 2005 du préfet de Seine-et-Marne, ordonnant sa reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler cet arrêté du 14 juin 2005, pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative aux réfugiés et le protocole signé à New-York, le 31 janvier 1967 ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette convention ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le décret n°46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 2 janvier 2006 par laquelle le président de la Cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à M. Bernardin ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 9 février 2006, présenté son rapport et entendu :

- les observations de M. X,

- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 14 juin 2005 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ; qu'il est constant que M. X, de nationalité yougoslave, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 22 mars 2005, de la décision du 21 mars 2005, par laquelle le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée qui permet au préfet de reconduire à la frontière un étranger en situation irrégulière ;

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 14 juin 2005, par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé la reconduite à la frontière de M. X, dont ce dernier a reçu une ampliation signé par Mme Martine Maligne, attachée, chef de bureau, a été signé par Mme Catherine Acacio, directeur des libertés publiques et de la réglementation à la préfecture de Seine-et-Marne, à laquelle le préfet de Seine-et-Marne en fonction à la date du 14 juin 2005, avait personnellement et directement donné délégation de signature afin de signer les mesures d'éloignement, par arrêté n°05 BIA 08 du 28 février 2005 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Seine-et-Marne du même jour, actualisant les arrêtés préfectoraux antérieurs n°04 BIA 30 du 18 mai 2004 et n°04 BIA 12 du 9 février 2004, portant également délégation de signature à Mme Catherine Acacio ; que la circonstance que l'arrêté de reconduite à la frontière du 14 juin 2005 ne retrace pas l'historique des délégations de signature accordées à Mme Catherine Acacio ni ne comporte la signature de cette dernière, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;

En ce qui concerne l'absence d'un interprète lors des auditions de M X :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle… 3. Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui … e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. » ; qu'il résulte des termes mêmes de ces stipulations qu'elles n'énoncent aucune règle ou aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions, et qui gouvernerait l'élaboration ou le prononcé des décisions, quelle que soit la nature de celles-ci, par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi ; que la décision d'éloignement que prend le préfet à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière au regard du séjour, n'étant pas une sanction, M. X ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour soutenir qu'à défaut d'avoir été assisté d'un interprète lors de l'enquête de communauté de vie demandée par le préfet avant de prendre ses arrêtés des 21 mars et 14 juin 2005, ce dernier aurait été pris sur une procédure irrégulière ;

Considérant, en revanche, qu'aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Lorsqu'il est prévu au livre 2 et 5 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de la personne est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français ou s'il ne sait pas lire. » ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des mentions portées au jugement par le premier juge, et qu'il n'est pas sérieusement contesté en appel, notamment à l'audience, que M. X comprend et s'exprime en français ; que, dès lors, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'à défaut d'avoir été assisté d'un interprète lors de l'enquête de communauté de vie demandée par le préfet avant de prendre ses arrêtés des 21 mars et 14 juin 2005, ce dernier aurait été pris sur une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la qualité de conjoint d'une ressortissante française :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...). » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la déclaration de Mme Laëtitia Y, épouse X, faite le 30 mars 2005 lors de l'enquête de communauté de vie diligentée par le préfet, qu'à cette date, l'épouse de M. X ne résidait plus au domicile conjugal, à Coulommiers en Seine-et-Marne, qu'elle avait quitté deux mois après son mariage, en janvier 2004, en raison des violences de son mari qu'elle n'a plus revu depuis, mais avec un nouvel ami, dans le Loiret, et qu'elle avait engagé une procédure de divorce devant le tribunal de grande instance d'Orléans en décembre 2004 ; que, dans ces conditions, M. X, qui a confirmé l'abandon du domicile conjugal par son épouse, par le dépôt d'une main courante le 19 mars 2004, puis à l'occasion de l'enquête de communauté de vie, le 2 mars 2005, ne peut dès lors utilement se prévaloir de l'absence d'un interprète lorsqu'il a été entendu par la police tant lors du dépôt d'une main courante, qu'au moment de l'enquête de communauté de vie, comme de l'imprimé de déclaration des revenus de l'année 2004 et d'une facture d'électricité adressée à M. et Mme M. X, à Coulommiers, ou du fait qu'il est encore dans les liens du mariage, pour soutenir que la communauté de vie avec son épouse n'a pas cessé ; qu'il s'ensuit que le préfet de la Seine-et-Marne a pu légalement considérer que la communauté de vie avait cessée entre les époux X, pour refuser de renouvellement du titre de séjour de M. X demandé en tant que conjoint d'une française ;

En ce qui concerne le moyen tiré du droit au respect de la vie privée et familiale :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, devenu l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; …» ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si M. X, arrivé en France dans un passé très récent fait valoir qu'il a tissé des liens personnels et familiaux en France, tant dans sa vie de couple que dans sa vie professionnelle, il n'établit ni même n'allègue être dépourvu de toutes attaches familiales ou amicales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans ; qu'ainsi, et à supposer même que la plus grande partie des membres de sa famille résident régulièrement en France, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour de M. X sans charge de famille en France, où il est arrivé en juin 2003, à l'âge de vingt-trois ans, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté en date du 14 juin 2005, n'a pas porté au respect dû à la vie familiale et personnelle du requérant, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. X, n'implique aucune mesure d'exécution dans un sens déterminé ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

4

N° 05PA03668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05PA03668
Date de la décision : 02/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André-Guy BERNARDIN
Rapporteur public ?: M. COIFFET
Avocat(s) : SCP PINSON SEGERS DAVEAU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-03-02;05pa03668 ?
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