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30/03/2006 | FRANCE | N°05PA04048

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites a la frontiere, 30 mars 2006, 05PA04048


Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2005, présentée pour le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0513270/8 et 0513271/8 du 30 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 1er août 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Moussa X... et de Mme Souad X... et les décisions du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme X... devant le Tribunal administratif de

Paris ;

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Vu les autres pièces du dossie...

Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2005, présentée pour le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0513270/8 et 0513271/8 du 30 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 1er août 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Moussa X... et de Mme Souad X... et les décisions du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme X... devant le Tribunal administratif de Paris ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur des droits de l'enfant, signée à New- York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir au cours de l'audience publique du 17 mars 2006, présenté son rapport et entendu :

- les observations orales de Me Z..., représentant M. et Mme X...,

- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X..., de nationalité algérienne, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification à M. X..., le 29 septembre 2003 et à Mme X... le 21 janvier 2004, des décisions du préfet de police des 23 septembre 2003 et 16 janvier 2004 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ils entraient ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que, pour annuler les arrêtés décidant la reconduite à la frontière de M. et Mme X..., le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que ces décisions avaient été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » et qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant susvisée : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les époux X... sont entrés en France en mai 2001 avec leurs deux filles ; que M. X... a déposé une demande d'asile territorial le 22 mars 2002 et Mme X... le 26 mai 2003 ; que ces demandes ont été rejetées respectivement les 16 juillet et 2 octobre 2003 ; que le couple est en situation irrégulière sur le territoire français, que rien ne les empêche de reconstituer la cellule familiale dans leur pays d'origine où ils conservent des attaches familiales proches, notamment le père de Mme A qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. et Mme X... en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, les arrêtés du 1er août 2005 n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ont été pris lesdits arrêtés ; qu'ils n'ont, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la circonstance que les enfants des époux X... sont scolarisés en France ne suffit pas à établir que l'intérêt supérieur des enfants n'ait pas été pris en compte dans la décision attaquée ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant susvisée doit être écarté ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondé, pour annuler son arrêté décidant la reconduite à la frontière des époux X..., sur la méconnaissance des articles précités ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X... devant le Tribunal administratif de Paris et devant la cour ;

Sur l'exception d'illégalité du refus d'asile territorial du 16 juillet 2003 et du refus de séjour du 29 septembre 2003 de M. X... :

Considérant que si M. X..., à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, invoque par voie d'exception l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur du 16 juillet 2003 lui refusant le bénéfice de l'asile territorial, il doit être regardé comme excipant également de l'illégalité de la décision du 23 septembre 2003 du préfet de police lui refusant un titre de séjour, fondée notamment sur le refus d'asile territorial ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la décision de refus de titre de séjour, notifiée à M. X... le 29 septembre 2003, mentionnait les voies et délais de recours et n'a pas été attaquée dans le délai de deux mois à compter de cette notification ; qu'elle était ainsi devenue définitive à la date du 10 août 2005 à laquelle M. X... a invoqué par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions présentées devant le Tribunal administratif de Paris et dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière du 1er août 2005, l'illégalité de cette décision de refus de séjour par un moyen lui-même tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus d'asile territorial ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de la décision du préfet de police du 23 septembre 2003 lui refusant un titre de séjour, non plus que de la décision du ministre de l'intérieur du 16 juillet 2003 lui refusant le bénéfice de l'asile territorial, alors même que cette dernière décision n'était pas devenue définitive à la date du recours de M. X... contre l'arrêté de reconduite à la frontière, en raison de l'exercice d'un recours à l'encontre de la décision de refus d'asile territorial déposé le 25 novembre 2003 devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur l'exception d'illégalité du refus de séjour du 16 janvier 2004 de Mme X... :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du PREFET DE POLICE du 16 janvier 2004, rejetant la demande de titre de séjour de Mme X..., lui a été notifiée le 21 janvier 2004 par voie postale et comportait l'indication des délais et voie de recours ; que, dans ces conditions, faute d'avoir fait l'objet d'un recours administratif ou contentieux dans le délai de deux mois suivant sa notification, la décision du 16 janvier 2004 était devenue définitive, depuis le 22 mars 2004, lorsque Mme X... a, le 10 août 2005, excipé de son illégalité à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté du PREFET DE POLICE du 1er août 2005 ayant ordonné sa reconduite à la frontière ; qu'ainsi, cette exception d'illégalité était irrecevable ;

Sur la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière du 1er août 2005 :

Considérant que les arrêtés attaqués en date du 1er août 2005 ont été signés par Mme Christine Y..., chargée de mission auprès du sous-directeur des étrangers qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet, en date du 6 décembre 2004 régulièrement publiée au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 7 décembre 2004, à l'effet de signer les arrêtés attaqués ;

Considérant que ces mêmes arrêtés, qui mentionnent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivés ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment retenus par la cour, le PREFET DE POLICE n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas méconnu les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que si M. X... fait valoir qu'il occupait un poste, dans le cadre de ses fonctions au service financier des postes et télécommunications, de payeur et devait ainsi se déplacer personnellement dans les casernes de gendarmerie afin d'assurer le règlement des traitements et salaires des forces de sécurité dans la région de Kouba, qu'il était exposé à des enlèvements ou des assassinats lors de ses tournées, qu'il a fait l'objet d'un braquage et de menaces de mort en septembre 1994, qu'en 1995 il a été abordé par deux hommes prétendant appartenir au GIA qui l'ont sommé de détourner l'argent à leur profit, qu'il s'est alors réfugié chez ses parents jusqu'en 2001, que suite à de nouvelles menaces de mort il a décidé de fuir vers la France avec sa famille, M. X..., dont la demande d'asile territorial a été rejetée par le ministre de l'intérieur le 16 juillet 2003, n'apporte aucune pièce probante à l'appui de ses allégations, qu' il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait personnellement menacé en cas de retour en Algérie ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant l'Algérie comme pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 1er août 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. et Mme X... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme X... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du 30 août 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme X... devant le Tribunal administratif de Paris sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme X... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées..

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N° 05PA04048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05PA04048
Date de la décision : 30/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marie PIOT
Rapporteur public ?: M. COIFFET
Avocat(s) : PIQUOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-03-30;05pa04048 ?
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