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13/12/2007 | FRANCE | N°05PA03469

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre - formation a, 13 décembre 2007, 05PA03469


Vu la requête, enregistrée le 19 août 2005, présentée pour la SARL LES AILES, dont le siège est 34 rue Richer à Paris (75009), représentée par son gérant en exercice, par Me Krief ; la SARL LES AILES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 9913694/1-2 et 9913697/1-2 du 21 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1993 à 1995, de la contribution supplémentaire exceptionnelle à cet impôt à laq

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Vu la requête, enregistrée le 19 août 2005, présentée pour la SARL LES AILES, dont le siège est 34 rue Richer à Paris (75009), représentée par son gérant en exercice, par Me Krief ; la SARL LES AILES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 9913694/1-2 et 9913697/1-2 du 21 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1993 à 1995, de la contribution supplémentaire exceptionnelle à cet impôt à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 1995, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de désigner un expert aux fins de reconstituer son chiffre d'affaires au vu des éléments comptables et extra-comptables apportés ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2007 :

- le rapport de Mme Ghaleh-Marzban, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jardin, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 1993 à 1995, le chiffre d'affaires de la SARL LES AILES, qui exerce une activité de restaurant et de vente à emporter, a été reconstitué ; qu'il en est résulté l'établissement, au titre de ces mêmes années, de suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, qui ont été assortis des pénalités prévues en cas de mauvaise foi ; que le contribuable relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes en décharge de ces impositions et pénalités ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que si la SARL LES AILES soutient que le tribunal n'a pas visé le mémoire complémentaire, enregistré le 9 mai 2005, qu'elle a produit, il ressort de l'analyse de la minute du jugement versée au dossier d'appel que le tribunal a bien visé ledit mémoire ; qu'ainsi, le moyen manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que la requérante fait valoir qu'elle a été privée du droit à un débat contradictoire dès lors que l'administration n'a pas été mise en mesure de répondre aux moyens nouveaux présentés dans le mémoire complémentaire précité ; que ce moyen doit également être écarté comme manquant en fait, l'administration établissant avoir reçu le 10 mai 2005 ledit mémoire ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué, contrairement à ce que soutient la requérante, que le tribunal a répondu à chacun des moyens présentés par l'intéressée dans le mémoire sus évoqué ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ledit jugement serait entaché d'une omission à statuer doit être écarté ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable ou tout autre local auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL LES AILES a demandé que la vérification de comptabilité se déroule en dehors de ses locaux ; qu'au cours des opérations de contrôle, qui se sont déroulées du 17 octobre au 26 juin 1997, deux entretiens sont intervenus avec le vérificateur les 14 novembre et 2 décembre 1996 ; que deux réunions, en présence du gérant, du conseil et de l'expert comptable de la requérante, ont également eu lieu les 16 décembre 1996 et 26 juin 1997 dans les locaux de l'entreprise ; que la société n'établit pas que le vérificateur se serait refusé, lors de ces rencontres, à tout échange de vues sur les redressements envisagés ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour justifier ses recettes réalisées en 1993 au titre de son activité de vente à emporter, la société requérante s'est bornée à présenter des tickets ne comportant pas la désignation des articles vendus ; que s'agissant de celles réalisées dans le cadre de son activité restaurant au cours des exercices 1993 à 1995, l'intéressée n'a pas été en mesure de produire la bande de contrôle de sa caisse enregistreuse et n'a apporté, pour en justifier le détail, que des notes-clients non numérotées ne permettant pas de s'assurer que toutes les notes émises avaient été conservées ; que de nombreuses recettes journalières n'ont par ailleurs pas été enregistrées dans les journaux de caisse présentés et que de graves irrégularités ont entaché les inventaires des stocks ; que dans ces conditions, le service était fondé à écarter la comptabilité des exercices en cause comme irrégulière et non probante et à reconstituer les recettes desdits exercices selon une méthode extra-comptable ;

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires et les recettes afférentes à l'activité restaurant de la SARL LES AILES au titre des années litigieuses, le vérificateur a mis en oeuvre la méthode dite « des vins » à partir des factures d'achats et des notes dépouillées ; qu'il a ainsi obtenu les coefficients de marge brute pratiqués sur le vin, la bière et le boukha ; qu'à partir de l'examen des notes de restaurant correspondant à 9 semaines d'activité pour chacune des années 1993 et 1994 et à 12 semaines pour l'année 1995, le service a déterminé que le rapport existant en 1993 entre les ventes des vins et bières et les ventes totales s'élevait à 7,28 % et que celui existant en 1994 et 1995 entre les ventes de vins et boukha et les ventes totales s'élevait respectivement à 8,94 % et 9,25 % ; que pour reconstituer les recettes, le service a appliqué, aux montants des achats de vins et bières effectués en 1993 et de vins et boukha réalisés en 1994 et 1995, les coefficients de marge brute et rapports sus évoqués ; que, par ailleurs, la SARL LES AILES ayant exercé jusqu'en septembre 1993 une activité de vente à emporter parallèlement à son activité de restaurant, le vérificateur a préalablement déterminé la part des achats de vins et bières consacrés à cette dernière ; qu'à cette fin, il a appliqué au chiffre d'affaires généré par la vente de boissons sur place, au cours des neuf semaines précitées, le coefficient moyen de marge brute de 4,56 dégagé au vu des documents comptables fournis par l'intéressée ; que, s'agissant des ventes de boissons à emporter, le vérificateur a appliqué au chiffre d'affaires correspondant réalisé sur la même période, ce même coefficient minoré de 25 % constatée entre les prix des plats vendus à emporter et de ceux consommés sur place ;

Considérant, en premier lieu, que pour critiquer la méthode de reconstitution de ses recettes au titre de l'exercice 1993, la requérante soutient que l'administration ne pouvait se borner à appliquer la décote de 25 % sus évoquée sur le prix de vente des boissons emportées, une telle méthode conduisant à retenir une marge sur ces boissons nettement supérieure à celle pratiquée par la concurrence ; que, toutefois, en opérant cette appréciation, portée au vu des pièces qui lui ont été présentées, le vérificateur n'a pas méconnu les conditions effectives d'exploitation de l'intéressée ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant, comme elle en a la charge, le bien-fondé de la décote appliquée ; que dès lors, le moyen ne peut être qu'écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour soutenir que la reconstitution opérée par le vérificateur serait viciée, la SARL LES AILES excipe de ce que la reconstitution qu'elle a elle-même effectuée à partir des chiffres d'affaires « solides » corrobore les chiffres d'affaires déclarés au titre des années litigieuses ; que la requérante n'apporte toutefois, à l'appui de sa méthode de reconstitution, aucune pièce permettant de justifier le prix d'achat des produits entrant dans la composition des plats vendus ; que ladite méthode conduit, par ailleurs, pour l'exercice clos en 1994, à un chiffre d'affaires inférieur à celui déclaré par la requérante ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant justifié du bien fondé de la méthode qu'elle a appliqué ;

Considérant, en troisième lieu, que la SARL LES AILES fait valoir que le service aurait dû tenir compte de l'incidence des commandes et du chiffre d'affaires réalisés par la SNC Les Ailes Boutique, société à laquelle elle a confié son activité traiteur en septembre 1993 ; qu'il est constant toutefois que les factures présentées par la requérante ne mentionnaient pas le détail des marchandises livrées par cette société ; que l'intéressée n'a, d'autre part, produit aucune pièce tendant à justifier de la nature et de la quantité de plats préparés fournis par la SNC Les Ailes ; que, dès lors, le moyen ne peut être qu'écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que la requérante ne saurait utilement se prévaloir, pour contester la minoration de ses recettes au cours des exercices litigieux, des coefficients de marge appliqués au cours d'exercices postérieurs ;

Considérant, en cinquième lieu, que ni la réponse ministérielle du 1er juin 1960 à M. Fanton, préconisant une méthode de reconstitution prenant en compte les données propres à l'entreprise, ni l'instruction administrative reprise à la documentation de base 4 G-3343 n° 4, précisant que les bases imposables du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution, ne comportent une interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que par suite, la requérante ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement de ces dispositions ;

Considérant, en dernier lieu, que la reconstitution a été opérée par le vérificateur à partir de l'ensemble des achats de vins, de bières et de boukha, sans prise en compte d'aucune défalcation au titre des offerts et des pertes ; que la méthode utilisée, si elle n'était pas radicalement viciée dans son principe, présentait ainsi, compte tenu de l'activité de la requérante, un caractère trop sommaire pour permettre au vérificateur d'apprécier le montant réel des recettes ; que par suite, et à défaut de données précises fournies par la SARL LES AILES, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant pour l'ensemble de la période vérifiée lesdits offerts et pertes à 3 % des achats réalisés ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : « Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions ... Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois » ;

Considérant que ce taux ayant été réduit, par l'article 29 de la loi de finances pour 2006, à 0,40 % par mois aux intérêts de retard courant à compter du 1er janvier 2006, la requérante ne peut utilement invoquer une violation du principe d'égalité devant l'impôt au motif que la taux d'intérêt de retard a été réduit par ladite loi ;

Sur les pénalités :

Considérant que la requérante conteste l'application des pénalités pour mauvaise foi, motif pris de ce que les notifications de redressement seraient insuffisamment motivées ; qu'elle soutient également que le service n'a pas établi sa mauvaise foi ; qu'il y a lieu de confirmer sur ces points le jugement attaqué, par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée, que la SARL LES AILES est seulement fondée à demander, au titre de chacun des exercices litigieux, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés à concurrence d'une réduction de 3 % des achats de boissons retenus aux fins de reconstitution de son chiffre d'affaires réalisé dans le cadre de son activité de restaurant ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le montant des achats de boissons retenus aux fins de reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par la SARL LES AILES dans le cadre de son activité de restaurant est réduit, au titre des exercices clos de 1993 à 1995, à hauteur de 3 %.

Article 2 : La SARL LES AILES est déchargée des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement nos 9913694/1-2 et 9913697/1-2 en date du 21 juin 2005 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 05PA03469


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 05PA03469
Date de la décision : 13/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Stéphanie GHALEH-MARZBAN
Rapporteur public ?: M. JARDIN
Avocat(s) : KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-12-13;05pa03469 ?
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