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20/12/2007 | FRANCE | N°07PA02065

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 décembre 2007, 07PA02065


Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2007, présentée par le PREFET DE POLICE qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703662/7 du 11 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 26 février 2007 refusant de délivrer un titre de séjour à Mlle B...C..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle C...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le PREFET DE POLICE soutient qu'au regard de

l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des...

Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2007, présentée par le PREFET DE POLICE qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703662/7 du 11 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 26 février 2007 refusant de délivrer un titre de séjour à Mlle B...C..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle C...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le PREFET DE POLICE soutient qu'au regard de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rien ne s'oppose en l'espèce à ce que Mlle C...poursuive sa vie familiale hors de France accompagnée de sa fille, dont il n'est pas démontré que son état de santé nécessite une surveillance ne pouvant être effectuée qu'en France ; qu'en effet, le médecin chef a estimé, par avis du 18 janvier 2007, que l'état de santé de l'enfant de l'intéressée ne nécessite pas de prise en charge ; qu'en outre, les certificats médicaux versés par Mlle C...ne font état que des évolutions possibles de la pathologie dont est atteinte son enfant qui restent une simple éventualité, ou de soins administrés à l'enfant sans en détailler la nature, ou encore d'une nécessaire attention médicale assimilable à la surveillance préconisée par le médecin chef ; qu'ainsi, s'il est constant que l'état de santé de l'enfant de Mlle C...nécessite une surveillance régulière, il ne ressort en revanche pas des pièces du dossier que cet état de santé nécessite une prise en charge médicale et que, dès lors, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, il n'est pas établi que le suivi médical rendu nécessaire par l'état de santé de cet enfant ne puisse se poursuivre aux Philippines, pays qui n'est pas dépourvu de structures hospitalières et de médecins compétents ; que, s'agissant de l'erreur manifeste d'appréciation, Mlle C...soutient résider en France depuis 1996 mais n'a produit à l'appui de cette allégation aucune pièce suffisamment probante pour établir la réalité de son séjour en France depuis cette date ; qu'en outre, célibataire, séparée du père de son enfant, elle ne démontre pas être démunie d'attaches familiales aux Philippines où réside sa famille et notamment sa mère ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu, enregistrés les 6 août et 6 septembre 2007, le mémoire en défense et les pièces complémentaires présentés, pour MlleC..., qui conclut au rejet de la requête du PREFET DE POLICE, demande d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'ensemble des pièces du dossier, et notamment les certificats établis par des médecins et professeurs de médecine français, américain et philippin, concluent à la gravité du syndrome dont souffre sa fille, à la nécessité d'une prise en charge médicale effective, et à l'impossibilité qui serait la sienne d'en bénéficier aux Philippines ; qu'il ressort notamment de ces pièces que, contrairement à ce que soutient le PREFET DE POLICE, sa fille bénéficie d'un traitement médical effectif par hormones de croissance à raison d'une injonction par jour ; qu'au demeurant, les autres anomalies liées à sa pathologie, qui apparaissent en cours de croissance, doivent faire l'objet d'une étroite surveillance, absolument nécessaire et dont le défaut peut avoir des conséquences mortelles ; que les soins administrés à sa fille se caractérisent également par un suivi psychiatrique, sa pathologie ayant également une incidence sur son développement mental ; qu'elle fait ainsi l'objet d'un suivi socio-psychologique régulier, dont il est souligné que sa rupture entraînerait une dégradation de son état de santé mentale, qui est encore très fragile et a fait l'objet d'une reconnaissance de handicap par la CDES, avec un taux d'incapacité supérieur ou égal à 50 % ; qu'un encadrement particulier a par ailleurs été mis en place par l'école maternelle de son enfant, en relation avec le centre médico-psycho-pédagogique où elle est suivie depuis 2004 ; qu'elle fréquente son école à temps partiel et fait preuve de constants progrès ; que son maintien y est donc indispensable ; que la surveillance médicale qui est indispensable à sa fille doit être assurée par des centres médicaux sophistiquées, et que leur absence pourrait conduire à la survenance de complications mortelles, ce qui la fait bien entrer dans le champ d'application de l'article L. 313-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au sens de la jurisprudence ; que contrairement à ce que soutient le PREFET DE POLICE, elle justifie de l'impossibilité qui serait la sienne de faire bénéficier à sa fille d'une prise en charge médicale appropriée aux Philippines, en premier lieu car la quasi-totalité des médecins philippins parlent l'anglais, langue que ne maîtrise pas sa fille, et d'autre part car il n'est pas rapporté la preuve de spécialistes philippins en endocrinologie ou en pédopsychiatrie ; qu'enfin, elle ne pourrait faire effectivement bénéficier sa fille d'une prise en charge appropriée, le système de protection sociale philippin ne lui permettant pas de bénéficier d'une prise en charge gratuite ou à moindre coût, alors que les seules hormones de croissance actuellement injectées à sa fille ont un coût élevé ;

Vu, enregistrés les 12 et 25 septembre 2007, le mémoire en réplique et les observations complémentaires du PREFET DE POLICE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient par ailleurs qu'une décision du Conseil d'Etat a récemment validé tant la forme que le fond de l'avis émis par le médecin chef de la préfecture et qu'ainsi, les conclusions de cette autorité médicale rendues au sujet de l'enfant de

Mlle C...ne sauraient être regardées comme sérieusement contestées ; qu'en effet, si cette dernière fait valoir que sa fille fait l'objet d'un suivi médico-psychologique et d'un traitement à base d'hormones de croissance, elle n'établit pas que le traitement à base d'hormones de croissance concerné ne serait pas disponible dans ce pays où le laboratoire Novo Nordisk possède précisément une filiale et qu'il existe aux Philippines de nombreuses structures hospitalières et médecins compétents, dont notamment des endocrinologues et des psychiatres ainsi qu'il ressort des pièces du dossier qui ne sont pas sérieusement contestées ; que la circonstance que la fille de Mlle C...ne parlerait pas l'anglais ne saurait suffire à démontrer, au regard de son jeune âge, qu'elle ne pourrait faire l'objet d'un suivi approprié aux Philippines ; qu'en outre, la précarité de la situation financière de l'intéressée n'est pas de nature à établir qu'elle ne pourrait y faire suivre sa fille de façon appropriée, de même que l'absence alléguée de couverture sociale ; qu'en l'espèce, le système de protection sociale philippin prévoit depuis 1995 une couverture de soins universelle ; qu'ainsi la décision contestée n'est pas contraire à l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'a pas non plus méconnu l'article L. 313-11-7 du même code, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puisque Mlle C...ne justifie pas de sa résidence en France depuis 1996, qu'elle est célibataire et ne serait pas démunie d'attaches aux Philippines ; que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'a pas non plus été méconnu pour les mêmes motifs ; que l'obligation à quitter le territoire n'est entachée pour les mêmes raisons d'aucune erreur manifeste d'appréciation, ni d'une quelconque erreur de droit au regard des articles L. 313-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2007 :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteur,

- les observations de Me A...pour MelleC...,

- les conclusions de M. Bachini, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé de la requête du PREFET DE POLICE :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la fille de MlleC..., qui est née en France le 6 août 2001, est atteinte d'une pathologie génétique rare dont les évolutions peuvent être mortelles ; que s'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette enfant bénéficie actuellement d'un traitement médicamenteux qui ne serait pas disponible dans son pays d'origine, il est en revanche clairement établi qu'elle doit faire l'objet sur le territoire français d'une surveillance et d'un accompagnement pluridisciplinaires quotidiens, assurés par des services spécialisés en pédo-psychiatrie ; que par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a considéré que, compte tenu de la présence indispensable de la requérante auprès de sa fille en France, le PREFET DE POLICE, en rejetant par la décision attaquée la demande de titre de séjour formulée par Mlle C...a commis une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences d'une telle mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 février 2007 ;

Sur les conclusions de Mlle C...aux fins d'injonctions :

Considérant que Mlle C...ne peut demander à la Cour d'enjoindre au PREFET DE POLICE de lui délivrer une carte de séjour alors que le Tribunal administratif de Paris a déjà fait droit à cette demande ; que par suite, les conclusions susvisées sont sans objet ;

Sur les conclusions de Mlle C...tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que Mlle C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er: La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mlle C...aux fins d'injonction sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à Mlle C...la somme de 1.500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 07PA02065
Date de la décision : 20/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SICHLER-GHESTIN
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BACHINI
Avocat(s) : Avocat1

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-12-20;07pa02065 ?
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