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05/03/2009 | FRANCE | N°08PA02885

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 05 mars 2009, 08PA02885


Vu la requête, enregistrée le 3 juin 2008 par télécopie et régularisée le 5 juin 2008, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800719/7-1 du 17 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mlle Christine Marlise X, d'une part, en annulant la décision du 12 décembre 2007 refusant son renouvellement de titre de séjour temporaire d'autre part, en lui enjoignant de délivrer à celle-ci une carte de séjour temporaire dans le délai de trois mois à compter de la notific

ation du jugement, et enfin en condamnant l'Etat à verser à l'intéressée ...

Vu la requête, enregistrée le 3 juin 2008 par télécopie et régularisée le 5 juin 2008, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800719/7-1 du 17 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mlle Christine Marlise X, d'une part, en annulant la décision du 12 décembre 2007 refusant son renouvellement de titre de séjour temporaire d'autre part, en lui enjoignant de délivrer à celle-ci une carte de séjour temporaire dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et enfin en condamnant l'Etat à verser à l'intéressée la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

2°) de rejeter la requête présentée par Mlle X devant ledit tribunal ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2009 :

- le rapport de Mme Appèche-Otani, rapporteur,

- les conclusions de Mme Samson, rapporteur public,

- et les observations de Me Eboki, pour Mlle X ;

Considérant que Mlle X, de nationalité camerounaise, âgée de vingt-huit ans, a sollicité le 25 septembre 2007 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette demande a été rejetée par arrêté du 12 décembre 2007 du PREFET DE POLICE aux motifs que, par deux avis du 31 août 2007 et le 19 novembre 2007, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a estimé que si l'état de Mlle X nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, qu'elle ne remplit pas les conditions prévues par l'article précité et que célibataire et sans charge de famille en France, elle ne justifie pas être démunie d'attaches familiales à l'étranger où résident sa mère et la majeure partie de sa fratrie ; que le PREFET DE POLICE a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 11°/ A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire » ;

Considérant que pour estimer que le refus de titre de séjour contesté par Mlle X contrevenait aux dispositions susénoncées, le Tribunal administratif de Paris s'est appuyé, d'une part, sur le fait que l'intéressée produisait des certificats médicaux indiquant qu'en raison de la drépanocytose homozygote dont elle est atteinte, Mlle X a besoin de soins et d'un suivi dans un service spécialisé dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'aucun traitement approprié ne peut lui être dispensé au Cameroun et, d'autre part, sur la circonstance que le préfet n'établissait pas en quoi les structures sanitaires du Cameroun auraient évolué entre le 21 mai 2006, date de la délivrance d'un second titre de séjour sur avis favorable du médecin-chef et le 12 décembre 2007, date de la décision attaquée ;

Mais considérant que, comme le soutient le PREFET DE POLICE dans sa requête d'appel, il appartenait au tribunal d'apprécier si à la date du refus de titre de séjour contesté, l'état de santé de Mlle X nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si oui, d'apprécier si cette dernière pouvait, à la date de cette décision, être prise en charge médicalement de manière appropriée dans son pays, compte tenu de la situation et de l'offre sanitaires existant à cette date au Cameroun ; que si le PREFET DE POLICE avait en 2006, sur un avis du médecin-chef alors favorable au maintien en France pour raison de santé de l'intéressée, accordé à celle-ci un titre de séjour, cette circonstance ne faisait pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges dans le jugement attaqué, obligation au préfet de démontrer qu'une amélioration des structures sanitaires camerounaises était intervenue entre la précédente délivrance de titre de séjour et le 12 décembre 2007 date du refus de renouvellement litigieux ; que par suite le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit ;

Considérant que si les certificats médicaux produits par Mlle X indiquent que celle-ci est atteinte d'une maladie génétique nécessitant des soins et un suivi qui ne pourraient lui être dispensés dans son pays, ils ne donnent cependant pas de précisions sur la nature et la fréquence desdits traitements, et ne précisent pas en quoi les structures médicales du Cameroun ne seraient pas aptes à prendre en charge cette pathologie ; qu'ils n'indiquent pas davantage la probabilité des risques de complications encourus par l'intéressée, ou les conséquences éventuelles de la réalisation de ceux-ci ; que les documents versés au dossier montrent que Mlle X a bénéficié pendant les crises douloureuses liées à sa maladie, de traitements médicamenteux sous forme d'antalgiques courants et qu'elle a bénéficié en 2003 d'une transfusion sanguine ; que les documents versés au dossier par le PREFET DE POLICE montrent que la pathologie dont souffre Mlle X est bien connue au Cameroun où notamment l'hôpital central de Yaoundé prend en charge les malades souffrant de cette pathologie ; que cet hôpital est doté d'un service d'hématologie ; que le certificat médical établi par un médecin biologiste de ce service et produit par Mlle X ne démontre ni que cet hôpital ne pourrait la prendre en charge pour le suivi médical requis ou le cas échéant pour les transfusions sanguines que requerrait son état, ni d'ailleurs que cette prise en charge ne pourrait être également assurée par d'autres structures médicales ; que dès lors, l'avis rendu par le médecin-chef selon lequel Mlle X peut bénéficier dans son pays du suivi et du traitement appropriés n'est pas démenti par les pièces du dossier ; qu'il suit de là que Mlle X ne rentrait pas, dans le cas visé à l'article L. 313-11-11° susrappelé où un étranger peut en raison de son état de santé, prétendre à la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il y a donc lieu pour la cour d'annuler le jugement attaqué et saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mlle X à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2007 ;

Sur le refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que le PREFET DE POLICE indique dans l'arrêté attaqué, les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde pour refuser d'accorder à Mlle X un nouveau titre de séjour ; que par suite cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le refus litigieux serait insuffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, que les avis du médecin-chef de la préfecture des 31 août et 19 novembre 2007 portaient l'indication selon laquelle l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale mais le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine : la surveillance et le traitement sont disponibles au Cameroun ; qu'eu égard au secret médical qui interdisait au médecin de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressée et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine, lesdits avis sont contrairement à ce que soutient Mlle X suffisamment motivés ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11-7° du code susvisé : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République » ;

Considérant que si Mlle X soutient que sa demande de titre de séjour était fondée non seulement sur les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais également sur celles de l'article susmentionné et celles de l'article L. 313-7 relatif aux étudiants étrangers, elle ne l'établit pas ; qu'en tout état de cause, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le PREFET DE POLICE a procédé, avant de prendre l'arrêté contesté, à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de Mlle X ;

Considérant que Mlle X, qui est célibataire, sans charge de famille, soutient sans l'établir être entrée en France en décembre 2003 et s'est présentée auprès des services préfectoraux en novembre 2004 pour solliciter un titre de séjour ; qu'elle a au Cameroun sa mère et l'essentiel de sa famille ; que si elle soutient qu'elle vivrait en concubinage avec un français, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation ; qu'eu égard à la brève durée de séjour en France dont Mlle X justifiait à la date du refus de titre contesté, et aux conditions de ce séjour, ce refus n'a pas, nonobstant les circonstances que Mlle X a suivi des études universitaires en France, qu'elle a occupé des emplois pour subvenir à ses besoins et qu'elle a en France certains membres de sa famille, méconnu les dispositions l'article L. 313-11-7° du code susvisé ;

Considérant que Mlle X ne remplissant pas les conditions pour prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code susvisé, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu, avant de prendre la décision litigieuse, de saisir la commission du titre de séjour ;

Considérant enfin que Mlle X ne justifie en tout état de cause pas qu'elle remplissait, à la date de la décision contestée, les conditions requises par l'article L. 313-7 du code susvisé ainsi que par les dispositions réglementaires y afférentes, pour pouvoir prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que si pour contester l'obligation qui lui a été faite, Mlle X relève que l'avis du médecin-chef de la préfecture de police ne précisait pas la durée prévisible du traitement dont elle avait besoin, une telle indication n'est requise que dans le cas où l'intéressé ne peut suivre un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant, en deuxième lieu, que la motivation de l'obligation de quitter le territoire faite à Mlle X se confond avec celle du refus de titre de séjour lequel était suffisamment motivé en fait ; que par ailleurs l'arrêté contesté précise qu'il a été pris sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment sur celui des dispositions de l'article L. 511-1-I de ce code relatif aux obligations de quitter le territoire ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation faite à Mlle X de quitter le territoire français manque en fait ;

Considérant que comme il a été dit ci-dessus, Mlle X pouvant bénéficier dans son pays d'une prise en charge médicale appropriée à son état de santé, elle ne rentre pas dans le cas visé à l'article L. 511-4-10° des étrangers malades où l'autorité préfectorale ne peut faire obligation de quitter le territoire français ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que Mlle X n'est pas fondée à soutenir qu'en raison de son état de santé, en la renvoyant au Cameroun, l'autorité préfectorale contreviendrait à l'interdiction de traitements inhumains et dégradants faite par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout de qui précède que Mlle X n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2007 du PREFET DE POLICE portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi au Cameroun ;

Considérant que la cour rejetant par le présent arrêt les conclusions à fin d'annulation de Mlle X, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées, ledit arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 avril 2008 est annulé.

Article 2 : La demande de Mlle X présentée devant le Tribunal administratif de Paris et les conclusions présentées par elle devant la cour sont rejetées.

6

N° 06PA02638

Mme Anne SEFRIOUI

2

N° 08PA02885

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA02885
Date de la décision : 05/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Stortz
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE-OTANI
Rapporteur public ?: Mme Samson
Avocat(s) : EBOKI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-03-05;08pa02885 ?
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