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18/12/2009 | FRANCE | N°07PA03924

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 18 décembre 2009, 07PA03924


Vu la requête, enregistrée le 12 octobre 2007, présentée pour la société VALUE INVESTING PARTNERS INC, dont le siège est 1853 Post Road East à West Port CT 06880 (Etats-Unis), par Me Losappio ; la société VALUE INVESTING PARTNERS INC demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0206791/1, 0206799/1, 0206820/1, 0206821/1, 0206824/1 du 2 août 2007 en tant que ce jugement a rejeté le surplus de ses demandes en décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et de taxe sur les salaires auxquelles elle a

été assujettie au titre des années 1993 et 1994 ;

2°) de prononcer à titr...

Vu la requête, enregistrée le 12 octobre 2007, présentée pour la société VALUE INVESTING PARTNERS INC, dont le siège est 1853 Post Road East à West Port CT 06880 (Etats-Unis), par Me Losappio ; la société VALUE INVESTING PARTNERS INC demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0206791/1, 0206799/1, 0206820/1, 0206821/1, 0206824/1 du 2 août 2007 en tant que ce jugement a rejeté le surplus de ses demandes en décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 ;

2°) de prononcer à titre principal les décharges demandées ou à titre subsidiaire la réduction des impositions contestées;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention franco-américaine du 28 juillet 1967 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 2009 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;

Considérant que la société VALUE INVESTING PARTNERS INC (VIP Inc), qui a son siège aux Etats-Unis et y exerce une activité de courtage et de négoce de valeurs mobilières, a ouvert en février 1993 une représentation à Paris, qu'elle a qualifiée de bureau de liaison ; que dans le cadre de la vérification de la comptabilité de ce bureau ayant porté sur les années 1993 et 1994, l'administration a estimé qu'il constituait un établissement stable de la société américaine au sens de l'article 4 de la convention du 28 juillet 1967 conclue entre la France et les Etats-Unis applicable aux années en litige; qu'elle a en conséquence assujetti la société au titre de ces années, après avoir reconstitué les recettes de l'établissement, à des cotisations d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source ainsi que de taxe sur les salaires ; que la société requérante demande l'annulation du jugement du 2 août 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes en décharge de ces impositions ;

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : I Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ; qu'aux termes de l'article 6 de la convention franco-américaine du 28 juillet 1967 applicable en l'espèce : 1 Les bénéfices industriels et commerciaux d'un résident d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat à moins que le résident n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si le résident exerce son activité d'une telle façon, ses bénéfices industriels ou commerciaux sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) ; que l'article 4 de cette convention stipule que : 1 Au sens de la présente convention, l'expression établissement stable désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle un résident de l'un des Etats contractants exerce une activité industrielle ou commerciale ; 2 L'expression établissement stable comprend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau ; (...) ; 3 Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 du présent article, on ne considère pas qu'il y a un établissement stable lorsqu'une installation fixe d'affaires sert uniquement à l'exercice de l'une ou de plusieurs des activités suivantes :(...) e) utilisation d'installations fixes d'affaires pour la publicité, la fourniture de renseignements, des recherches scientifiques, ou pour des activités analogues qui présentent pour le résident un caractère préparatoire ou auxiliaire (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que durant les années concernées la société VIP Inc disposait en permanence à Paris d'un local de quatre pièces dans lequel étaient employés dix salariés dont le directeur et cinq commerciaux de haut niveau, pour partie recrutés sur place ; que ce local était équipé d'un outil informatique performant, comprenant des écrans autonomes d'un système d'informations financières en temps réel, ainsi que de dix lignes téléphoniques ; qu'il résulte par ailleurs des termes des notifications de redressements ainsi que des observations en défense du ministre, non contestés, d'une part que le bureau parisien exerçait une double activité de courtage et de négoce sur les marchés américains pour le compte de clients français, et de banque d'affaires en plaçant des titres convertibles auprès de clients américains et européens en vue de financer des petites et moyennes entreprises américaines, d'autre part que le chiffre d'affaires généré en Europe par l'activité de ce bureau, qui s'était vu assigner des objectifs statistiques, représentait pour les deux années concernées une fraction importante du chiffre d'affaires total de la société américaine ; que dans ces conditions, nonobstant la qualification figurant sur l'extrait K bis du code de commerce et le fait que les ordres d'achat et de vente de titres sur les bourses américaines sont pris exclusivement aux Etats-Unis, ce bureau, constitué d'une installation et d'un personnel permanents, qui développait une activité propre concourant pour une large part à la réalisation du chiffre d'affaires de la société américaine, constituait, non un simple bureau de liaison chargé d'effectuer des activités auxiliaires ou publicitaires, mais un établissement stable de cette dernière au sens de l'article 4 précité de la convention franco-américaine ; que le service était dès lors fondé à soumettre à l'impôt sur les sociétés en France les résultats imputables à l'activité spécifique de cet établissement ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte également de l'instruction que le chiffre d'affaires engendré par l'activité de l'établissement parisien de la société a été reconstitué à partir des états financiers saisis lors des perquisitions notamment effectuées au siège parisien de l'établissement et aux domiciles de son directeur et d'un salarié ; que contrairement aux allégations de la société requérante, l'administration a admis en déduction des résultats obtenus les dépenses qui étaient justifiées dans leur principe et leur montant; qu'ont ainsi été déduits des résultats respectifs des années 1993 et 1994, d'une part les sommes de 1 765 933 F et de 2 238 219 F au titre des frais généraux, d'autre part les frais de personnel pour des montants de 241 328 F et de 242 828 F ; que la société requérante se borne à alléguer de façon générale que les résultats obtenus seraient hors de proportion avec les capacités d'intervention de l'établissement, et à se référer aux chiffres plus raisonnables résultant du recours à trois autres méthodes dont elle avait fait état devant l'administration en vue de parvenir à un accord amiable ; que toutefois ces méthodes postulent, sans aucune justification, soit que les charges représentent nécessairement un pourcentage forfaitaire de 10% du chiffre d'affaires de l'établissement, soit que ledit chiffre d'affaires ne peut excéder 30% ou le tiers de celui réalisé par la société américaine ; qu'ainsi la société, qui d'une part ne formule aucun grief précis contre la méthode retenue par le vérificateur, et qui d'autre part ne fait pas état d'une méthode plus précise, tirée par exemple de l'utilisation des éléments de sa comptabilité pour déterminer le montant de son chiffre d'affaires exclusivement imputable à l'établissement parisien, ne conteste pas de manière pertinente le chiffre d'affaires reconstitué par l'administration ; qu'elle ne rapporte ainsi pas la preuve qui lui incombe, nonobstant l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dès lors qu'elle ne tenait pas de comptabilité, de l'exagération des impositions ;

En ce qui concerne la retenue à la source :

Considérant que si le pli contenant l'avis de mise en recouvrement du 4 mars 1999 afférent à la retenue à la source a été effectivement notifié à l'adresse de l'établissement parisien de la société, soit au 32 rue Notre Dame des Victoires à Paris (2ème), puis a été retourné à l'expéditeur, revêtu de la mention non réclamé , il ne résulte toutefois pas des pièces produites par l'administration, en particulier de l'enveloppe contenant le pli, que le destinataire ait été informé, par le dépôt d'un avis de passage, de la mise en instance dudit pli ; que le service ne produit aucune attestation émanant de l'administration postale ; que dans ces conditions, alors qu'il n'est pas allégué que l'avis aurait été adressé au représentant légal de la société, la preuve de la notification régulière au contribuable de l'avis de mise en recouvrement n'est pas apportée ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, la requérante est fondée à demander la décharge, en principal et intérêts, des cotisations de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 ;

En ce qui concerne la taxe sur les salaires :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ;

Considérant que la notification du 10 octobre 1997 expose les considérations de fait et de droit pour lesquels l'établissement parisien de la société VIP Inc est passible de la taxe sur les salaires ; que cette notification est régulièrement motivée et que sa motivation n'est pas affectée par l'erreur de fond commise par le vérificateur qui a à tort fait dépendre le bien-fondé de l'assujettissement à ladite taxe de l'existence d'un établissement stable ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts : Les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25% de leur montant, à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales et de leurs groupements (...), qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été au moins sur 90% de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations (...) ;

Considérant que la société requérante paie, par l'intermédiaire de son établissement parisien, des émoluments à un certain nombre de salariés en France; qu'elle n'est pas au nombre des exceptions prévues à l'article 231 du code général des impôts ; qu'elle n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur au moins 90% de son chiffre d'affaires ; que dès lors, et indépendamment du point de savoir si son établissement parisien constituait un centre de décision, elle était passible de la taxe sur les salaires ;

Considérant, enfin, que la taxe sur les salaires, qui est assise sur tout ou partie des rémunérations versées par ses redevables, n'est pas établie de manière générale sur la base des transactions réalisées par ceux-ci et portant sur des biens ou services, ni calculée proportionnellement au prix acquitté par le client , ni perçue à chaque stade du processus de production et de distribution, après déduction des droits acquittés lors de la transaction précédente ; que ladite taxe ne présente dès lors pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société VALUE INVESTING PARTNERS INC est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande en décharge des cotisations de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros que demande la société VIP Inc au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La société VALUE INVESTING PARTNERS INC est déchargée des cotisations de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 026791/1, 026799/1, 0206820/1, 0206821/1, 0206824/1 du 2 août 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société VALUE INVESTING PARTNERS INC est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la société VALUE INVESTING PARTNERS INC une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 07PA03924

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA03924
Date de la décision : 18/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. Goues
Avocat(s) : LOSAPPIO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-12-18;07pa03924 ?
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