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14/01/2010 | FRANCE | N°08PA04104

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 14 janvier 2010, 08PA04104


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2008, présentée pour la COMMUNE DE CHELLES, représentée par son maire, par Me Rochmann-Sacksick ; la COMMUNE DE CHELLES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406883 du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de Mmes A et B en annulant la délibération du conseil municipal de Chelles du 22 octobre 2004 déléguant le droit de préemption à la SEML Chelles Avenir dans les périmètres de la zone d'aménagement concerté Centre Gare, approuvant la convention publique d'aménagement

avec la SEML Chelles Avenir et autorisant le premier adjoint au maire à si...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2008, présentée pour la COMMUNE DE CHELLES, représentée par son maire, par Me Rochmann-Sacksick ; la COMMUNE DE CHELLES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406883 du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de Mmes A et B en annulant la délibération du conseil municipal de Chelles du 22 octobre 2004 déléguant le droit de préemption à la SEML Chelles Avenir dans les périmètres de la zone d'aménagement concerté Centre Gare, approuvant la convention publique d'aménagement avec la SEML Chelles Avenir et autorisant le premier adjoint au maire à signer ladite convention ;

2°) de rejeter la demande de Mmes A et B ;

3°) de mettre à la charge de Mmes A et B la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 93/37/CEE du Conseil du 14 juin 1993 modifiée, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteur,

- les conclusions de M. Bachini, rapporteur public,

- et les observations de Me Tirard, pour la COMMUNE DE CHELLES et de Me Bailleux de Marisy, pour Mmes A et B ;

Considérant que la COMMUNE DE CHELLES relève appel du jugement en date du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la délibération du 22 octobre 2004 par laquelle le conseil municipal de la commune de Chelles (77500) a approuvé le projet de convention publique d'aménagement avec la société d'économie mixte locale (SEML) Chelles Avenir ;

Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération du 22 octobre 2004 : L'Etat, les collectivités locales ou leurs établissements publics peuvent confier l'étude et la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent livre à toute personne publique ou privée y ayant vocation. - Lorsque la convention est passée avec (...) une société d'économie mixte (...) elle peut prendre la forme d'une convention publique d'aménagement (...). - Les dispositions du chapitre IV du titre II de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux conventions publiques d'aménagement établies en application du présent article (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article premier de la directive 93/37/CEE du Conseil du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, alors en vigueur : Aux fins de la présente directive : - a) les marchés publics de travaux sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d'une part, un entrepreneur et, d'autre part, un pouvoir adjudicateur défini au point b) et ayant pour objet soit l'exécution, soit conjointement l'exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l'annexe II ou d'un ouvrage défini au point c), soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur ; - b) sont considérés comme pouvoirs adjudicateurs (...) les collectivités territoriales (...) ; - c) on entend par ouvrage le résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment et de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique (...) ; - e) les procédures ouvertes sont les procédures nationales dans lesquelles tout entrepreneur intéressé peut présenter une offre ; - f) les procédures restreintes sont les procédures nationales dans lesquelles seuls les entrepreneurs invités par les pouvoirs adjudicateurs peuvent présenter une offre ; - g) les procédures négociées sont les procédures nationales dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs consultent les entrepreneurs de leur choix et négocient les conditions du marché avec un ou plusieurs d'entre eux (...) ; qu'aux termes de l'article 6 de la même directive : 1. La présente directive s'applique : - a) aux marchés publics de travaux dont la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) égale ou dépasse l'équivalent en écus de 5 millions de droits de tirage spéciaux (DTS) (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 de la directive : 1. Pour passer leurs marchés publics de travaux, les pouvoirs adjudicateurs appliquent les procédures définies à l'article 1er points e), f) et g) (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de la convention publique d'aménagement à conclure entre la commune et la Société d'Economie Mixte d'Aménagement et d'Equipement Chelles Avenir, approuvé par la délibération du 22 octobre 2008 du conseil municipal de Chelles, prévoit l'aménagement, sur le territoire de la zone d'aménagement concerté du secteur du Centre Gare, de 22 500 à 25 000 m2 de logements, correspondant à 350-400 logements, et de 10 000 à 11 000 m2 de commerces, activités, bureaux et services, de divers espaces publics et l'exécution de l'ensemble des travaux de voirie et réseaux divers, la commune devenant propriétaire de ces biens au fur et à mesure de leur réalisation ; que la rémunération de la société d'économie mixte consiste, notamment, dans le versement par la commune de sommes représentant un pourcentage déterminé des dépenses supportées par l'aménageur ; que, dès lors, la convention à conclure entre la COMMUNE DE CHELLES, qui a la qualité de pouvoir adjudicateur au sens de l'article premier, point b), de la directive 93/37/CEE et la Société d'Economie Mixte d'Aménagement et d'Equipement Chelles Avenir, qui a la qualité d'entrepreneur au sens du point a) du même article, en vue de la réalisation notamment à titre onéreux, de l'ouvrage constitué par les équipements d'infrastructure de la zone d'aménagement concerté, présente le caractère d'un marché public de travaux au sens des dispositions précitées de l'article premier de la directive précitée ; que la valeur totale de ce marché, qui s'élève à la somme de 12 405 000 euros, dépasse le seuil fixé au paragraphe 1 de l'article 6 de la dite directive ; que, dès lors, la passation de la convention publique d'aménagement était, en application des dispositions de l'article 7 de ce texte, soumise aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu'il impose ; qu'il est constant que la conclusion de ladite convention n'a pas été précédée d'une procédure assurant le respect de ces obligations ; que, par suite, la délibération contestée, qui approuve un projet de convention établi en méconnaissance des objectifs fixés par la directive 93/37/CEE, est, elle-même, entachée d'illégalité ;

Considérant, il est vrai, qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement : Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées, en tant que leur légalité serait contestée au motif que la désignation de l'aménageur n'a pas été précédée d'une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes : - 1° (...) les conventions publiques d'aménagement (...) signées avant la publication de la présente loi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la convention publique d'aménagement relative à la zone d'aménagement concerté du Centre Gare a été signée le 6 janvier 2005, avant la publication de la loi du 20 juillet 2005 ; que les dispositions précitées de l'article 11 de la loi, qui font obstacle à ce que puisse être invoquée l'illégalité d'une telle convention en tant qu'elle désigne un aménageur, sans que cette désignation ait été précédée de mesures de publicité et de mise en concurrence, emportent nécessairement le même effet à l'égard de la délibération du conseil municipal approuvant ladite convention ;

Mais considérant que les dispositions de l'article 11 de la loi du 20 juillet 2005, qui ont pour objet de soustraire la passation des conventions publiques d'aménagement à toute procédure de publicité et de mise en concurrence, ne sont pas compatibles avec les objectifs de la directive 93/37/CEE ; qu'ainsi, la COMMUNE DE CHELLES ne saurait utilement se prévaloir des dispositions en cause qui, en raison de cette incompatibilité, ne peuvent avoir d'incidence sur l'illégalité dont est entachée la délibération contestée ;

Considérant, en second lieu, que, si la commune fait valoir, par ailleurs, qu'à la date de la délibération contestée, aucune disposition légale ou réglementaire ne faisait obligation aux communes de faire précéder une convention publique d'aménagement de mesures de publicité, l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme en vigueur avant le 20 juillet 2005 précisant que les dispositions de la loi du 29 janvier 1993 n'étaient pas applicables aux conventions publiques d'aménagement, et qu'en conséquence l'obligation faite à la collectivité publique de recourir à cette procédure, méconnaîtrait le principe de sécurité juridique, une telle obligation ne saurait être regardée comme remettant en cause des situations contractuelles légalement nouées, dès lors que les dispositions sus analysées de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme n'étaient pas, elles-mêmes, compatibles avec les objectifs de la directive 93/37/CEE ;

Considérant, enfin, que la commune soutient qu'à supposer qu'elle ait la qualité de pouvoir adjudicateur au sens de l'article premier de la directive 93/37/CEE précitée, la SEML Chelles Avenir doit être regardée comme son mandataire sur lequel elle exerce un contrôle qui la dispense, conformément à la décision du 12 juillet 2001 de la Cour de justice des Communautés européennes ordre des architectes de la province de Milan , d'avoir recours à la procédure de mise en concurrence dès lors que la SEML Chelles Avenir est elle-même tenue d'appliquer cette procédure pour la passation de ses propres marchés ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la commune ne détient qu'une moitié du capital de la SEML Chelles Avenir, l'autre moitié du capital étant détenu par des sociétés de droit privé ; que, conformément à la décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 11 janvier 2005 Stadt Halle, ces prises de participations excluent que la commune puisse exercer un contrôle sur la SEML analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services et font ainsi obstacle à ce que la SEML Chelles Avenir soit regardée comme son mandataire lui permettant d'être dispensée de la procédure de mise en concurrence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CHELLES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de Mmes A et B et a annulé la délibération de son conseil municipal du 22 octobre 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la COMMUNE DE CHELLES doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE DE CHELLES une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE CHELLES est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE CHELLES versera à Mme Gabrielle A et à Mme Michelle B, une somme de 750 euros à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 08PA04104


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08PA04104
Date de la décision : 14/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANCON
Rapporteur public ?: M. BACHINI
Avocat(s) : ROCHMANN-SACKSICK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-01-14;08pa04104 ?
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