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21/11/2011 | FRANCE | N°11PA01768

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 21 novembre 2011, 11PA01768


Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2011, présentée pour M. Milorad A, demeurant ..., par Me Mankou ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0710296 en date du 27 décembre 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté, en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 1er décembre 2006 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial présentée en faveur de son épouse, Mme Mirjana A, ensemble la décision en

date du

24 avril 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale ...

Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2011, présentée pour M. Milorad A, demeurant ..., par Me Mankou ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0710296 en date du 27 décembre 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté, en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 1er décembre 2006 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial présentée en faveur de son épouse, Mme Mirjana A, ensemble la décision en date du

24 avril 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, confirmative du rejet précédent, prise sur recours hiérarchique ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre à cette même autorité de réexaminer sa demande de regroupement familial ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faveur de son conseil ;

................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 10 février 2011 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, accordant au requérant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 7 janvier 2011 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2011 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- et les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;

Considérant que M. A, né le 22 août 1933 et de nationalité serbe, a sollicité en dernier lieu le 15 mai 2006, le bénéfice d'une mesure de regroupement familial en faveur de son épouse, Mme Mirjana A, à la suite du mariage contracté avec celle-ci le 14 août 2002, cette demande ayant fait l'objet d'un rejet du préfet de police par décision en date du 1er décembre 2006, confirmée sur recours hiérarchique le 24 avril 2007 par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; que M. A relève régulièrement appel de l'ordonnance en date du 27 décembre 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande du 22 juin 2007 tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 2006, ensemble celle du 24 avril 2007 ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date de l'ordonnance attaquée : Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent par ordonnance : / (...) 7°) Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...), les requêtes ne comportant que (...) des moyens qui (...) ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a soulevé devant le tribunal plusieurs moyens à l'appui de sa contestation de la décision litigieuse, notamment relatifs à son ancienneté de séjour sur le territoire français, à ce qu'il est propriétaire de son logement, et à la circonstance que ses ressources sont suffisantes, compte tenu à la fois de son capital complémentaire ainsi que de l'aide de son fils ; que les termes dans lesquels ces moyens étaient exprimés, permettaient d'en saisir le sens et la portée, et étaient suffisants pour permettre au juge d'exercer son office en en appréciant le bien-fondé au regard des pièces déjà produites ou de celles qui viendraient à l'être ; que dès lors, il y a lieu d'annuler l'ordonnance querellée en raison de la composition irrégulière de la formation de jugement, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité du refus opposé à la demande de regroupement familial, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la motivation de celui-ci :

Considérant que pour refuser d'accorder à M. A, entré en France en février 1963 et y résidant régulièrement depuis 1972, le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse, le préfet de police a retenu l'insuffisance de ses ressources, inférieures au SMIC en vigueur, tandis que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement précisait le 24 avril 2007 leur montant mensuel à savoir 856, 70 euros, le fait que son capital ne saurait être pris en considération, de même que l'aide financière de son fils, qui ne présente au demeurant aucune garantie de stabilité ;

Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel .... ; qu'en outre, aux termes de l'article R. 411-4 du même code : Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, le niveau des ressources du demandeur est apprécié par référence à la moyenne du salaire minimum de croissance sur une durée de douze mois. Les ressources du conjoint sont prises en compte dans les mêmes conditions pour l'appréciation des ressources qui alimenteront de manière stable le budget de la famille. Lorsque le niveau de cette référence est atteint, les ressources sont considérées comme suffisantes. ; qu'il appartient au préfet, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier les conditions relatives notamment aux ressources posées par ces dispositions à la date à laquelle il prend sa décision et non à celle de la demande du requérant même si, en vertu de l'article R. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la demande de regroupement doit comporter les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande ;

Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, susvisée : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ;

Considérant que, pour refuser de faire droit à la seconde demande de M. A tendant à obtenir le bénéfice du regroupement familial pour son épouse, le préfet de police puis le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, se sont fondés sur la circonstance que le montant de son revenu mensuel net en moyenne sur les douze mois précédant la demande et particulièrement durant l'année 2006, était sensiblement inférieur au montant du SMIC mensuel net, le premier s'établissant à 860 euros en moyenne, alors que le second avait été porté en moyenne en 2006 à 986 euros, soit une différence de plus de 126 euros par mois ; que, même si ces ressources, provenant de retraites, présentaient ainsi un caractère stable, le préfet non plus que le ministre susmentionnés n'ont méconnu les dispositions sus-reproduites en refusant, pour le motif tiré de l'insuffisance des ressources, de lui accorder le bénéfice du regroupement familial sollicité ;

Considérant toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. A résidait en France de manière régulière depuis 35 ans à la date de la décision litigieuse, qu'il s'est marié depuis le 14 août 2002 avec la personne pour laquelle il sollicite la mesure de regroupement familial en question, et qu'il disposait sur le territoire de la présence de son fils qui y était né le 3 août 1964, issu d'une précédente union ; qu'il justifie en outre, disposer d'un logement dont il est propriétaire depuis février 2006, et d'une superficie suffisante au regard de la demande présentée ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à l'impossibilité durable pour M. A d'obtenir le regroupement familial, celui-ci est fondé à soutenir que le préfet de police a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Considérant dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision en date du

1er décembre 2006 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial présentée en faveur de son épouse, Mme Mirjana A, ensemble la décision en date du 24 avril 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, confirmative du rejet précédent, prise sur recours hiérarchique ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu, la présente décision implique nécessairement que le préfet de police délivre à M. A, l'autorisation de regroupement familial au bénéfice de son épouse qu'il a sollicitée sur le fondement des stipulations précitées ; qu'il y a lieu, en conséquence, sous réserve que la situation de droit et de fait de M. A n'ait pas changé, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ladite autorisation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que d'une part, M. A n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridique totale qui lui a été accordée ; que d'autre part, l'avocat de M. A n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée de son client si ce dernier n'avait pu bénéficier d'une aide juridique totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 0710296 en date du 27 décembre 2010 du vice-président du Tribunal administratif de Paris, la décision en date du 1er décembre 2006 du préfet de police, ensemble la décision en date du 24 avril 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A l'autorisation de regroupement familial sollicitée en faveur de son épouse, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. L'administration tiendra le greffe (service de l'exécution) immédiatement informé des mesures prises en vertu de cette injonction.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de M. A est rejeté.

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N° 11PA01768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA01768
Date de la décision : 21/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : MANKOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-11-21;11pa01768 ?
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