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30/12/2011 | FRANCE | N°11PA00181

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites à la frontière, 30 décembre 2011, 11PA00181


Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2011, présentée pour Mme Pinlin A, demeurant au ..., par Me Brisson ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1018995/8 en date du 9 décembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 2 novembre 2010 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation pro

visoire de séjour, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d...

Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2011, présentée pour Mme Pinlin A, demeurant au ..., par Me Brisson ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1018995/8 en date du 9 décembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 2 novembre 2010 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son avocat, Me Brisson, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir une indemnité au titre de l'aide juridictionnelle ;

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er décembre 2011 par laquelle le président de la Cour a désigné M. Couvert-Castéra, magistrat, pour se prononcer notamment sur les appels dirigés contre les décisions juridictionnelles rendues en application de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 16 décembre 2011, présenté son rapport et entendu :

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, ressortissante chinoise, est entrée irrégulièrement en France et s'y est maintenue sans titre de séjour ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu'en mentionnant les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en indiquant que Mme A est entrée irrégulièrement sur le territoire français où elle se maintient sans titre de séjour, en indiquant que l'arrêté attaqué ne porte pas aux droits de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et, enfin, en précisant que Mme A n'établit pas être exposée en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'auteur de l'arrêté attaqué a suffisamment exposé les faits et les considérations de droit sur lesquels il s'est fondé ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne la décision de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, par ailleurs, indépendamment de l'énumération donnée à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait prendre légalement une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'elle est entrée en France le

4 novembre 2002 et que ses deux enfants, qui sont nés sur le territoire français en 2005 et en 2009, y sont scolarisés, que les cours de français qu'elle a suivis démontrent sa volonté d'intégration et qu'elle maitrise à présent la langue française ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'époux de Mme A est également en situation irrégulière et que, eu égard notamment à l'âge de leurs enfants à la date de l'arrêté attaqué, rien ne s'opposait à ce que les intéressés poursuivent leur vie familiale en Chine, où la requérante, qui y a vécu au moins jusqu'à l'âge de 25 ans, n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales ; que, par ailleurs, Mme A ne justifie pas d'une réelle insertion dans la société française ; qu'en particulier, la circonstance qu'elle suit des cours de français depuis le 3 juin 2010, alors qu'elle vivait en France depuis près de huit ans à la date de l'arrêté attaqué, ne permet pas d'attester d'une réelle volonté d'insertion ; qu'elle ne démontre pas maîtriser la langue française ; que, par suite, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 2 novembre 2010 n'a pas porté au droit de

Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, la requérante n'étant pas en situation de se voir délivrer de plein droit la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas davantage été méconnues ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet de police dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de la requérante doit également être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'en l'espèce, rien ne s'oppose à ce que

Mme A et ses enfants repartent ensemble ; que la circonstance qu'un des enfants de la requérante était scolarisé en France à la date de la décision attaquée ne suffit pas à établir que l'intérêt supérieur de cet enfant n'aurait pas été pris en compte ; que, si la requérante fait valoir que les autorités chinoises refusent de délivrer un passeport aux enfants nés en France de ressortissants chinois en situation irrégulière, il n'est nullement établi qu'un enfant dans une telle situation ne pourrait pas obtenir un laissez-passer à destination de la Chine et que la cellule familiale ne pourrait, par suite, s'y reconstituer ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant susvisée doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que les stipulations de l'article 9 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que la requérante ne peut donc utilement se prévaloir de cet engagement international pour demander l'annulation de la décision ordonnant sa reconduite à la frontière ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ... ; que ce dernier texte stipule que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que si Mme A fait état des risques qu'elle encourrait en cas de retour en Chine, il ressort des pièces du dossier que les demandes déposées par la requérante en vue de bénéficier de l'asile politique ont été rejetées par décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la commission des recours des réfugiés en date respectivement des 23 septembre 2003 et 16 septembre 2004 ; que Mme A ne verse au dossier aucun élément probant permettant d'établir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle serait personnellement exposée à des traitements inhumains ou dégradants prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, en tant qu'il fixe la Chine comme pays de destination de la reconduite, méconnaîtrait ces stipulations, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions ci-dessus analysées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme de 1 500 euros que Me Brisson, avocat de Mme A, demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 au titre des frais que celle-ci aurait exposés si elle n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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N° 11PA00181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 11PA00181
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : BRISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-30;11pa00181 ?
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