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24/05/2012 | FRANCE | N°11PA05230

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 24 mai 2012, 11PA05230


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2011, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104901/6-1 du 9 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 février 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Mohamed Lamir A et faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement susmen

tionné et a mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. A de la so...

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2011, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104901/6-1 du 9 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 février 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Mohamed Lamir A et faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement susmentionné et a mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. A de la somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant ledit tribunal ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié en dernier lieu par l'avenant du 11 juillet 2001 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2012 :

- le rapport de Mme Tandonnet-Turot, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Kadouch, pour M. A ;

Considérant que, par un arrêté du 15 février 2011, le PREFET DE POLICE a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A, né en 1964 en Algérie, pays dont il a la nationalité, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement n° 1104901/6-1 du 9 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" et a mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. A de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Sur la recevabilité de l'appel du PREFET DE POLICE :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié par la partie intéressée. (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du

9 novembre 2011 a été notifié le 15 novembre 2011 au PREFET DE POLICE ; que celui-ci disposait donc d'un délai expirant le 16 décembre 2011 pour contester le jugement ; que sa requête, transmise par télécopie, a été enregistrée au greffe de la Cour le 16 décembre 2011 ; qu'elle a été régularisée le 21 décembre 2011 par l'envoi de l'original de cette requête ; que, par suite, ladite requête n'est pas tardive ;

Sur les conclusions du PREFET DE POLICE :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont considéré qu'il violait les stipulations précitées du 1. de l'article 6. de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, M. A étant entré en France le 25 septembre 2000 et produisant, au titre des années 2001, 2002 et 2003, des quittances de loyer manuscrites pour les mois d'août à décembre 2001, une attestation relative à l'aide médicale d'Etat pour le mois de juin 2001, une ordonnance médicale, ainsi que des avis de non-imposition pour chacune de ces années et, au titre des années suivantes, outre des quittances de loyer également manuscrites, une inscription à l'ANPE datée du 12 octobre 2004, quelques ordonnances médicales, la copie d'un contrat de travail non daté et signé uniquement par l'intéressé, ainsi que divers contrats de travail à durée déterminée d'une semaine pour janvier et février 2006, janvier et février 2007, puis d'un mois à compter d'avril 2007 jusqu'à mars 2009, et des bulletins de paie qui indiquent une adresse de l'intéressé et un salaire différents de ceux mentionnés sur les contrats de travail ; qu'eu égard à leur valeur insuffisamment probante, ces documents ne sauraient suffire à établir la réalité et la continuité du séjour en France de l'intéressé depuis 2001 ; que le PREFET DE POLICE est ainsi fondé à soutenir que M. A ne justifie pas qu'il remplit la condition de résidence habituelle et continue sur le territoire français depuis plus de dix ans exigée par les stipulations du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien susmentionné ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté au motif qu'il méconnaissait lesdites stipulations ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle ;

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2010-00694 du 20 septembre 2010, régulièrement publié au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 24 septembre 2010, le PREFET DE POLICE a donné à M. Pierre B délégation pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions respectives, à savoir les domaines de l'intérieur et de l'outre mer ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté attaqué n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière manque en fait ; que, par suite, il doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté en litige indique de manière suffisamment circonstanciée les considérations de fait et de droit sur lesquelles le PREFET DE POLICE s'est fondé pour prendre sa décision ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 doit donc être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, l'arrêté en litige n'a pas été pris sur le fondement du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en quatrième lieu, que, les recours formés contre les décisions de refus de titre de séjour n'étant relatifs ni à des droits et obligations de caractère civil, ni à des accusations en matière pénale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est, en tout état de cause, inopérant ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète et exclusive les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de la validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; que, par suite, M. A, ressortissant algérien soumis à ces stipulations, ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A, qui produit notamment, au surplus des pièces produites en première instance, une attestation manuscrite d'élection de domicile de la Caisse primaire d'assurance maladie datée du 8 juin 2001, une feuille d'honoraires médicaux datée du 8 octobre 2001, une attestation relative à l'aide médicale d'Etat pour le mois de juin 2002, une feuille d'honoraires d'actes de biologie médicale datée d'octobre 2003, ainsi que des déclarations de situation mensuelle auprès des ASSEDIC pour les années 2004 et 2005, pièces ne nécessitant pas la présence de l'intéressé, n'établit pas la réalité et la continuité de sa présence sur le territoire français depuis 2001 ; qu'il est célibataire et sans charge de famille ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 46 ans ; qu'ainsi, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté au droit de l'intimé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, la décision du PREFET DE POLICE n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation de M. A ;

Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) /

2. au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2. ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux " ; qu'il résulte des pièces du dossier que M. A, dont le mariage était dissous à la date à laquelle le préfet a pris la décision litigieuse, n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations précitées du 2. de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à la loi du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger (...) peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. " ; que, la décision portant refus d'admission au séjour n'étant entachée d'aucune illégalité, les conclusions de M. A tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité de ce refus de titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que, si M. A se prévaut de la méconnaissance par l'arrêté en cause de ces stipulations en ce qu'elles le renvoient dans son pays, il ne fournit aucun commencement de justification, ni ne produit aucun document de nature à établir qu'il risquerait d'y être soumis à la torture ou à tout autre traitement inhumain ou dégradant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 février 2011 refusant d'accorder à M. A le titre de séjour qu'il sollicitait et l'obligeant à quitter le territoire français, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" et a mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. A de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette les conclusions de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté en litige, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être écartées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1104901/6-1 du 9 novembre 2011 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 11PA05230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA05230
Date de la décision : 24/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Suzanne TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : KADOUCH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-05-24;11pa05230 ?
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