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19/06/2012 | FRANCE | N°11PA02187

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 19 juin 2012, 11PA02187


Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1019772/5-2 du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 12 octobre 2010 par lequel il avait refusé à M. Karim A la délivrance d'un titre de séjour, lui avait fait obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1019772/5-2 du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 12 octobre 2010 par lequel il avait refusé à M. Karim A la délivrance d'un titre de séjour, lui avait fait obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, modifié ;

Vu l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2012 :

- le rapport de M. Piot, rapporteur,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;

Considérant que par un arrêté en date du 12 octobre 2010, le PREFET DE POLICE a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A, ressortissant tunisien, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite ; que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement en date du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé ledit arrêté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' " ; qu'aux termes de l'article 2.3.3 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 : " Le titre de séjour portant la mention ''salarié '', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " La carte de séjour temporaire mentionnée à l' article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ;

Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code précité n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; qu'il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord ; que, pour annuler l'arrêté litigieux, les premiers juges ont estimé que ledit arrêté était entaché d'illégalité en ce que la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé avait été regardée comme intégralement régie par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avait été, en conséquence, regardé comme inapplicable ; qu'il ressort toutefois des termes mêmes de l'arrêté attaqué que seules les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ont été regardées comme inapplicables à la demande de M. A, qui ne pouvait effectivement prétendre à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement de ces dispositions ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 12 octobre 2010 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux expose les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; que, dès lors, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté et du défaut d'examen particulier de la situation de M. A ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l' article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ;

Considérant que M. A soutient que la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 précité, alors qu'il établit, au moyen de documents suffisamment nombreux et probants sa résidence habituelle et continue sur le territoire français depuis plus de dix ans et que, alors qu'il justifiait ainsi résider en France depuis plus de dix ans, le PREFET DE POLICE aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre une décision portant refus de titre ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les documents produits par M. A pour les années 2000 et 2003, composés uniquement d'un bulletin de salaire pour l'une et de trois factures EDF et d'un commandement de payer pour l'autre, ne suffisent pas à justifier sa résidence habituelle et continue en France depuis dix ans à la date de l'arrêté contesté ; que la circonstance, au demeurant non établie comme il vient de l'être précisé, que l'intéressé réside habituellement sur le territoire national depuis plus de dix ans ne justifie pas en elle-même une admission au séjour en raison d'un motif exceptionnel ou de considérations humanitaires au sens des dispositions susmentionnées ; que le PREFET DE POLICE n'était donc pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le PREFET DE POLICE a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de la circulaire du 24 novembre 2009 sont dépourvues de tout caractère réglementaire ; qu'il suit de là que M. A ne peut utilement s'en prévaloir ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que si M. A fait valoir qu'entré en France en 2000, il y réside habituellement depuis cette date, qu'il y est très intégré, qu'il y travaille et y a développé de nombreux liens d'amitié, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, n'établit ni sa particulière insertion, ni son absence de liens familiaux dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans au moins ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté du PREFET DE POLICE refusant d'admettre au séjour M. A et l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DE POLICE n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative n'est tenue de consulter la commission du titre de séjour que lorsqu'elle envisage de refuser un titre de séjour à un étranger qui remplit effectivement les conditions pour obtenir un titre de séjour temporaire ou une carte de séjour de plein droit ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que le PREFET DE POLICE était tenu de consulter la commission du titre de séjour préalablement à l'intervention de l'arrêté en litige ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 12 octobre 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance d'appel ; que les conclusions présentées par M. A à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 31 mars 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 11PA02187


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02187
Date de la décision : 19/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: M. Jean-Marie PIOT
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : GASSOCH-DUJONCQUOY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-19;11pa02187 ?
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