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20/09/2012 | FRANCE | N°12PA01298

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 20 septembre 2012, 12PA01298


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mars 2012 et 12 avril 2012, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1112987/5-3 du 8 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 27 juin 2011 du préfet de police refusant le renouvellement du titre de séjour de M. Vitaliy A, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, d'autre part, lui a enjoint de délivre

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mars 2012 et 12 avril 2012, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1112987/5-3 du 8 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 27 juin 2011 du préfet de police refusant le renouvellement du titre de séjour de M. Vitaliy A, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. A ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Macaud, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de Me Tchambaz, pour M. A ;

1. Considérant que M. A, né le 28 janvier 1964, de nationalité ukrainienne, entré en France, selon ses déclarations, le 15 juillet 2003 en compagnie de son épouse et de ses deux filles, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des articles

L. 313-11 11° et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 27 juin 2011, et après un nouvel avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police du 27 avril 2011 estimant que le séjour de l'intéressé n'était plus médicalement justifié, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté susmentionné par un jugement du 8 février 2012 et a enjoint au préfet de police de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement ; que le préfet de police relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 775-10 du code de justice administrative, relatif au contentieux des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français et applicable en l'espèce : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification du jugement lui a été faite " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 février 2012 a été notifié au préfet de police le 15 février 2012 ; que le délai d'appel d'un mois prévu par les dispositions précitées, qui est un délai franc, expirait donc le 16 mars 2012, et non le 15 mars comme le soutient l'intimé ; que, par suite, la requête du préfet de police, reçue par télécopie le 16 mars 2012 et dont l'original a été enregistré au greffe de la Cour le 21 mars suivant, n'était pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par M. A et tirée de la tardiveté de cette requête ne peut dès lors qu'être écartée ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant que pour annuler l'arrêté en litige du 27 juin 2011, les premiers juges ont considéré qu'eu égard à la durée du séjour en France de M. A, des motifs pour lesquels il a pu s'y maintenir régulièrement et qui le conduisent à demander le renouvellement du titre de séjour dont il bénéficiait jusqu'au mois de février 2011, de la réalité et de l'intensité des liens qu'il y a noués, la décision du préfet de police refusant de lui renouveler son titre de séjour portait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle avait été prise ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A, qui soutient être entré en France en 2003, a séjourné irrégulièrement sur le territoire français jusqu'en 2007 ; que si l'intéressé a noué des relations en France, il n'établit pas la réalité des liens qu'il entretiendrait avec son cousin qui bénéficie du statut de réfugié en France ni l'existence de son frère jumeau qui résiderait également en France ; qu'il est en outre constant que la mère de son épouse réside en Ukraine, pays où M. A et son épouse ont eux-mêmes vécu jusqu'à l'âge, respectivement, de 39 et 34 ans ; que si sa fille cadette est scolarisée en France en classe de terminale au titre de l'année 2011-2012, il n'est pas établi qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre des études dans son pays d'origine, où elle a par ailleurs vécu jusqu'à l'âge de 8 ans ; qu'enfin, si M. A démontre qu'il a suivi des formations et qu'il a travaillé en France comme agent de sécurité sous couvert d'une carte professionnelle délivrée par le préfet, il n'est, en tout état de cause, pas établi qu'il serait dans l'impossibilité de se réinsérer socialement en Ukraine, où il a travaillé avant son entrée en France ; que dès lors, aucune circonstance ne fait obstacle à ce qu'il reconstitue sa cellule familiale avec son épouse et sa fille cadette en Ukraine, tout en conservant des liens privilégiés avec sa fille aînée qui, mariée à un Français, réside régulièrement en France ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce moyen pour annuler l'arrêté du préfet de police du 27 juin 2011 ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur la légalité de l'arrêté du 27 juin 2011 :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

8. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise l'ensemble des stipulations et des dispositions législatives applicables et énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que si l'arrêté mentionne une demande de titre de séjour sans préciser que la demande portait sur le renouvellement d'un titre de séjour, cette circonstance ne saurait suffire pour regarder l'arrêté comme étant insuffisamment motivé ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative n'est tenue de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui réunissent effectivement les conditions prévues aux articles cités dans l'article L. 312-2 susmentionné, ou aux articles correspondants des stipulations conventionnelles, auxquels elle envisage de refuser le titre de séjour sollicité ; que M. A ne figure pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour ; qu'il n'est par suite pas fondé à soutenir que le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour ; que le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision attaquée doit dès lors être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a produit aux débats l'avis du médecin-chef du 27 avril 2011 ; que cet avis comporte le nom et la signature de son auteur, et est parfaitement motivé par l'indication selon laquelle l'état de santé de l'intéressé ne nécessite pas de prise en charge médicale dès lors qu'il est guéri, et que par conséquent, son séjour en France n'est plus médicalement justifié ; que par suite, les moyens tirés du non respect du contradictoire faute de production de l'avis du médecin chef de la préfecture et de l'irrégularité de cet avis doivent être écartés ;

11. Considérant, en dernier lieu, que si M. A fait valoir qu'il souffre d'une hépatite C, qui peut rapidement évoluer et entraîner une cirrhose nécessitant un traitement d'urgence indisponible en Ukraine, il ressort des pièces du dossier que le médecin inspecteur a estimé, dans son avis du 27 avril 2011, que l'intéressé était " guéri " et que son état de santé ne nécessitait plus de prise en charge médicale ; que les deux documents médicaux produits par l'intéressé, établis par le Docteur B le 9 mars 2011, ne sont pas suffisants pour établir une activité particulière de son hépatite ni qu'il ne pourrait effectivement pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, M. C n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet de police a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, il n'est pas fondé, par la voie de l'exception, à en soulever l'illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que M. A soutient qu'il a été contraint de quitter son pays avec sa famille suite aux persécutions subies par son cousin, M. Mikhael A, de nationalité russe mais d'origine ukrainienne, qui a obtenu une carte de résident en qualité de réfugié par une décision de la commission de recours des réfugiés du 8 avril 2005 ; que toutefois, à l'exception de la copie de la décision susmentionnée, il n'apporte aucun document au soutien de ses allégations démontrant qu'il encourt personnellement des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, en tant qu'il fixe l'Ukraine comme pays de destination de la reconduite, méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 27 juin 2011 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 février 2012 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 12PA01298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA01298
Date de la décision : 20/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Audrey MACAUD
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : TCHAMBAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-09-20;12pa01298 ?
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