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06/12/2012 | FRANCE | N°12PA00746

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 06 décembre 2012, 12PA00746


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1113755/2-1 en date du 13 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 4 juillet 2011 rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. Raouf A assortie d'une obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant la Tunisie comme pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement des d

ispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1113755/2-1 en date du 13 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 4 juillet 2011 rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. Raouf A assortie d'une obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant la Tunisie comme pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Julliard, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public ;

1. Considérant que M. Raouf A, ressortissant tunisien né le 20 août 1979, entré en France le 11 juillet 1998 sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité le 17 février 2011 son admission au séjour dans le cadre des stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord franco tunisien du 17 mars 1988 modifié ; que, par un arrêté du 4 juillet 2011, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cet éloignement ; que le préfet de police relève appel du jugement du 13 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté comme étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) d) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : (...) /- les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans " ; qu'aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation " ; qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien précité : " Sans préjudice des dispositions (...) du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

3. Considérant que pour annuler l'arrêté du 4 juillet 2011 comme étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. A au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité, les premiers juges ont relevé que, bien que M. A soit célibataire, sans charge de famille et que deux membres de sa fratrie demeurent en Tunisie, l'intéressé démontre avoir en France de fortes attaches et bénéficier d'une bonne intégration dans la société française, dès lors notamment qu'il vit dans un appartement dont il est copropriétaire avec son frère et sa soeur établis en France, qu'il travaille depuis 2008 au moins, en tant que plongeur puis magasinier dans des sociétés de restauration collective et qu'il est imposé sur les revenus issus de son activité ;

4. Considérant, toutefois, que s'il est constant que M. A justifie de la présence sur le territoire national de l'un de ses frères, de nationalité française et de l'une de ses soeurs en situation régulière, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire sans charge de famille en France et a gardé des attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 19 ans et où résident notamment sa mère et une partie de sa fratrie ; qu'il est entré en France le 11 juillet 1998, sous couvert d'un visa touristique qui ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français et ne justifie pas qu'il aurait séjourné de façon continue sur le sol français depuis cette date, notamment au titre de l'année 2003 pour laquelle il ne produit qu'une facture du 25 juillet 2003 et un avis d'impôt sur le revenu de 2002 ; que s'il a été autorisé à séjourner en France du 12 juin 2002 au 30 mars 2004 en raison de son état de santé, il s'y maintient depuis avril 2004 en situation irrégulière, ayant fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire français le 27 avril 2004 suivi d'un arrêté de reconduite à la frontière le 28 juillet 2004 ; qu'ainsi, et alors même qu'il serait copropriétaire avec ses quatre frères et soeurs d'un appartement hérité de son père, titulaire d'un certificat de résident de dix ans, qu'il aurait travaillé depuis 2008 comme plongeur puis comme magasinier, au demeurant sans autorisation, et qu'il aurait noué des liens sociaux et amicaux, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé au regard des dispositions précitées ; qu'il en résulte que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a retenu ce motif pour annuler l'arrêté du 4 juillet 2011 ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur la demande de M. Raouf A devant le Tribunal administratif de Paris :

6. Considérant que si M. A soutient que l'acte attaqué est insuffisamment motivé et erroné dès lors qu'il énonce qu'il n'a présenté aucun document pour le premier semestre 2002 alors qu'il a produit plusieurs documents dont deux officiels, le cachet du Consulat de Tunisie à Paris et le cachet de la préfecture de police, le préfet de police a exposé de façon suffisamment précise et circonstanciée les faits et les considérations de droit sur lesquels il s'est fondé pour refuser à M. A le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, alors même qu'il n'entre pas dans tous les détails de la situation personnelle de l'intéressé ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

7. Considérant que M. A fait valoir que le préfet de police n'a pas examiné sa demande sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ; qu'il ne peut utilement se prévaloir de cet article, dès lors qu'il n'établit ni même n'allègue avoir présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement ; qu'en tout état de cause, il est dépourvu d'un visa de long séjour et ne présente pas de contrat de travail visé par les autorités compétentes ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative est tenue de saisir la commission du seul cas des étrangers qui réunissent effectivement les conditions prévues aux articles visés à l'article L. 312-2 susmentionné, ou aux articles correspondants des stipulations conventionnelles, auxquels elle envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

9. Considérant, d'une part, que M. A n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le préfet de police n'était pas tenu, en application des articles L. 312-1 et L. 312-2, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que, d'autre part, la commission susmentionnée n'avait pas davantage à être saisie sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, et en tout état de cause, que les ressortissants tunisiens ne peuvent prétendre à se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les conditions de délivrance d'un titre de séjour " salarié " étant, en ce qui les concerne, intégralement régies par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

10. Considérant, enfin, que M. A ne saurait, en tout état de cause, utilement invoquer la circulaire du 24 novembre 2009 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et d'un addendum du 28 juin 2010 qui sont dépourvus de valeur réglementaire ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 4 juillet 2011 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions de M. Raouf A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1113755/2-1 du Tribunal administratif de Paris en date du 13 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

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N° 12PA00746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00746
Date de la décision : 06/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : GASSOCH-DUJONCQUOY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-06;12pa00746 ?
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