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27/05/2014 | FRANCE | N°13PA03301

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 mai 2014, 13PA03301


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 19 août et 1er octobre 2013, présentés par le préfet de police de Paris, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304785/5-3 du 17 juillet 2013 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 9 novembre 2012 en ce qu'il oblige Mme B...A...à quitter le territoire français et fixe son pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement attaqué et a mis à l

a charge de l'État le versement à l'avocat de Mme A...de la somme de 1 000 ...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 19 août et 1er octobre 2013, présentés par le préfet de police de Paris, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304785/5-3 du 17 juillet 2013 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 9 novembre 2012 en ce qu'il oblige Mme B...A...à quitter le territoire français et fixe son pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement attaqué et a mis à la charge de l'État le versement à l'avocat de Mme A...de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir la part contributive de l'État ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2014 le rapport de

Mme Tandonnet-Turot, président ;

1. Considérant que, par la présente requête, le préfet de police de Paris relève régulièrement appel du jugement n° 1304785/5-3 du 17 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 novembre 2012 en ce qu'il oblige Mme A...à quitter le territoire français et fixe le pays de sa destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'État, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le versement à l'avocat de l'intéressée de la somme de 1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

Sur la régularité du jugement du Tribunal administratif de Paris :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative :

" La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. " ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un demandeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité ;

3. Considérant que le préfet de police de Paris soutient que la demande de

Mme A...enregistrée le 5 avril 2013 au greffe du Tribunal administratif de Paris ne lui a pas été communiquée, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ; que, l'accusé de réception de la communication au préfet de la demande de Mme A...ne figurant pas au dossier de première instance, le jugement attaqué doit être regardé comme ayant été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire ; que le préfet est dès lors fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 9 novembre 2012 en ce qu'il oblige Mme A...à quitter le territoire français et fixe son pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'État, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le versement à l'avocat de Mme A...de la somme de 1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris en tant qu'elle concerne les décisions dont l'annulation par ce tribunal fait l'objet de l'appel du préfet ;

Sur la légalité de l'arrêté du 9 novembre 2012 :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que l'arrêté en litige comporte clairement dans ses visas et ses motifs l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de l'intéressée au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables ; que cet arrêté précise que la demande d'asile de Mme A...a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 31 janvier 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 septembre 2012 ; qu'il précise d'ailleurs que Mme A...n'établit pas être exposée à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, l'arrêté du

9 novembre 2012 portant à l'encontre de Mme A...refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi esr suffisamment motivé ; qu'il ressort des termes de cet arrêté qu'il a bien été pris après qu'un examen particulier et complet de la situation personnelle de Mme A...a été effectué ;

6. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que MmeA..., pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire français, soutient que le préfet de police a entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, en raison de ses problèmes de santé et de son intégration au sein de la société française ; que, toutefois, et sans qu'il ne soit contesté par l'intéressée, il ressort des pièces du dossier que Mme A...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile sur l'unique fondement du 8° de l'article

L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le préfet de police n'avait pas à prendre en considération la situation médicale de Mme A...ou son éventuelle intégration au sein de la société française afin de statuer sur sa demande de titre de séjour ; qu'au demeurant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, seuls compétents pour reconnaître à un étranger qui en fait la demande la qualité de réfugié ou lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, ont refusé de reconnaître à Mme A...cette qualité ou ce bénéfice ; que l'autorité préfectorale qui, tirant les conséquences de la décision rendue par l'Office susmentionné, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, ne pouvait que refuser d'accorder à Mme A...un titre de séjour en qualité de réfugié, n'a pu, ce faisant, commettre d'erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant, d'autre part, que le préfet de police n'était pas tenu d'examiner si

Mme A...pouvait, sur un autre fondement que celui du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile sur lequel elle avait présenté sa demande, être autorisée à séjourner en France ; que, si Mme A...a entendu soutenir qu'en n'usant pas à son profit du pouvoir qu'il a de régulariser le séjour d'un étranger qui ne remplit pas toutes les conditions législatives ou réglementaires pour prétendre à un titre de séjour, le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé, ce moyen ne pourra qu'être écarté, eu égard au caractère peu probant des documents médicaux dont se prévaut

MmeA..., qui ne sauraient attester d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

8. Considérant qu'il suit de là que l'exception d'illégalité doit être rejetée comme non fondée ;

9. Considérant, en troisième lieu, que Mme A...soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'elle souffre de séquelles d'une poliomyélite et d'une paralysie du bras gauche dont le traitement ne peut être assuré dans son pays et qui nécessite son maintien sur le territoire français ;

10. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme A...a saisi le préfet de police d'une demande de titre de séjour en qualité de réfugié, sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, notamment, elle ne s'est pas prévalue de son état de santé et n'a pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" sur le fondement du 11° de l'article

L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 dudit code ;

11. Considérant, d'autre part, que, si Mme A...se prévaut de plusieurs documents médicaux attestant de ses problèmes de santé, ces documents, dont certains sont au demeurant rédigés en des termes convenus et non circonstanciés, ne sauraient attester d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

12. Considérant, enfin, et contrairement à ce que soutient MmeA..., qu'il ressort des pièces versées par le préfet de police que l'intéressée peut bénéficier d'un traitement médical dans son pays, la République démocratique du Congo ; qu'au demeurant, il ressort du certificat médical établi le 11 juin 2012 par le docteur Revault, et versé par Mme A...à son dossier, que cette dernière bénéficiait déjà d'un suivi médical dans son pays, à l'hôpital Saint Luc de Kisantu ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeA... ;

14. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

15. Considérant que Mme A...soutient n'être entrée en France que récemment, le 10 janvier 2011 ; que, célibataire et sans charges de famille en France, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays, où résident ses cinq enfants et où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 44 ans ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

16. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

17. Considérant que, si Mme A...fait valoir que sa vie et son intégrité physique sont menacées en raison de ses activités politiques en cas de retour en République démocratique du Congo, elle n'apporte pas d'éléments suffisamment probants à l'appui de ses allégations ; qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 30 janvier 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 septembre 2012 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

18. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de qui précède que les conclusions de la demande de Mme A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2012 du préfet de police en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe son pays de renvoi doivent être rejetées ; qu'il en est de même, l'État n'étant pas dans la présente instance la partie perdante, de ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304785/5-3 du 17 juillet 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant que, par ce jugement, le tribunal a annulé l'arrêté du 9 novembre 2012 du préfet de police de Paris en ce qu'il oblige Mme A...à quitter le territoire français et fixe son pays de renvoi, a enjoint au préfet de réexaminer la situation administrative de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'État le versement à l'avocat de Mme A...de la somme de 1 000 euros au titre des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir la part contributive de l'État.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2012 du préfet de police de Paris en ce qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe son pays de renvoi et au versement d'une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 11PA00434

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N° 13PA03301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03301
Date de la décision : 27/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Suzanne TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SOUVANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-27;13pa03301 ?
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