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16/10/2014 | FRANCE | N°14PA01523

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 16 octobre 2014, 14PA01523


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et

14 mai 2014, présentés par le préfet de police ; Le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1316371/6-3 du 6 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 7 mars 2013 portant retrait du titre de séjour de MmeB..., faisant obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination de la reconduite, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la demande d

e l'intéressée dans un délai de trois mois à compter de la notification du juge...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et

14 mai 2014, présentés par le préfet de police ; Le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1316371/6-3 du 6 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 7 mars 2013 portant retrait du titre de séjour de MmeB..., faisant obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination de la reconduite, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la demande de l'intéressée dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'État le versement d'une somme de

1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

....................................................................................................................

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté car il ressort des éléments versés au dossier que M. B...n'est pas le père de la fille de MmeB..., que c'est grâce à une reconnaissance de complaisance que l'enfant a obtenu la nationalité française et que Mme B...a bénéficié d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que ce motif doit être substitué à celui initialement retenu dans la décision contestée ;

Vu le mémoire en défense présenté pour MmeB..., par MeA..., enregistré le 13 juillet 2014 qui conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué, à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2013 du préfet de police, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui restituer sa carte de séjour temporaire, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi qu'à la mise à la charge de l'État d'une somme de 1 500 euros à verser à MeA..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé la décision contestée pour erreur de droit ; le préfet de police n'apporte pas la preuve qu'elle aurait eu connaissance de la volonté du père de son enfant d'usurper la nationalité française ;

- la demande de substitution de motifs du préfet de police doit être rejetée ;

- le préfet n'établit pas le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité ;

S'agissant du retrait de titre de séjour :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- sa situation n'a pas été examinée de manière complète ;

- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité du retrait de titre de séjour ;

- son droit d'être entendue a été méconnu ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre sa décision ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1° de la convention des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas motivée ;

- son droit d'être entendue a été méconnu ;

- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision contestée méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la décision n° 2014/032762 du 25 septembre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2014 le rapport de Mme Renaudin, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme B..., ressortissante ivoirienne, est entrée en France le

6 mars 2009 selon ses déclarations ; que le 22 mars 2012, elle a sollicité auprès du préfet de police la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant de nationalité française sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a en effet une fille née en France le 18 février 2011, laquelle a été reconnue par M. B...le 2 mars 2011 ; qu'une carte de séjour temporaire lui a été délivrée sur ce fondement, valable du 22 mars 2012 au 21 mars 2013 ; que par arrêté du 7 mars 2013, le préfet de police a retiré le titre de séjour délivré à MmeB..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée, au motif que la filiation de sa fille ne serait pas établie ; que Mme B...a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Paris ; que le préfet de police relève appel du jugement du 6 mars 2014 par lequel ce tribunal a fait droit à la demande de Mme B...en annulant ledit arrêté ;

Sur le jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

3. Considérant que si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

4. Considérant que la décision contestée du préfet de police repose sur le motif que la nationalité française de la fille de Mme B...n'était pas démontrée en raison de ce que son père avait produit pour lui-même un faux acte de naissance lui permettant de bénéficier de titres d'identité français, alors qu'il n'est pas français ; que, pour annuler la décision du préfet, les premiers juges ont considéré que si l'acte de naissance produit par le père de l'enfant était bien frauduleux, le préfet de police n'apportait pas la preuve que Mme B... en avait connaissance lors de sa demande de titre de séjour et qu'il ne pouvait donc procéder au retrait de sa carte de séjour au seul motif que sa délivrance n'avait été rendue possible que du fait de la fraude commise par un tiers, sans démontrer que Mme B... avait eu l'intention de tromper l'administration ;

5. Considérant que le préfet de police fait valoir devant la Cour qu'il ressort de ses propres déclarations que M. B...n'est pas le père de l'enfant de MmeB..., et qu'en outre il a procédé à des reconnaissances de complaisance au cours des années 2010 à 2011 pour cinq enfants de mères différentes ; qu'il ressort des pièces du dossier que lors d'une audition du 10 juin 2011 par les services de police, M. B...a déclaré, être célibataire et avoir un seul enfant âgé d'un an qu'il n'avait pas reconnu et qui était ivoirien comme sa mère ; que dans sa demande de titre de séjour, Mme B...a par ailleurs déclaré qu'elle était célibataire et séparée du père de son enfant depuis la naissance de ce dernier ; que le préfet de police justifie au dossier que M. B...a procédé à plusieurs reconnaissances de complaisance d'enfants au cours de l'année de naissance de la fille de MmeB... ; qu'ainsi, en l'absence de toute communauté de vie démontrée entre la requérante et M. B...et de filiation établie de l'enfant de la requérante avec ce dernier, il ressort suffisamment des pièces du dossier que la reconnaissance de l'enfant de la requérante a été faite de façon à ce qu'il obtienne la nationalité française et Mme B...un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et présente un caractère frauduleux ; qu'il appartenait donc au préfet de police, nonobstant l'absence d'action en contestation de la nationalité de la fille de Mme B...et quand bien même cette dernière assure l'entretien et l'éducation de l'enfant, de faire échec à cette fraude et de retirer la carte de séjour temporaire qui lui avait été délivrée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision ;

7. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant devant elle que devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée :

En ce qui concerne le retrait de titre de séjour :

8. Considérant que l'arrêté contesté comporte dans ses visas et ses motifs les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de

Mme B...au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu'il n'avait pas à mentionner les éléments relatifs à l'état de santé de

MmeB..., qui sont en outre sans rapport avec le retrait d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée ou entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...ne peut se prévaloir d'une ancienneté de séjour en France ; qu'elle ne démontre pas avoir d'attaches familiales ou personnelles en France en dehors de son enfant ; qu'elle a vécu dans son pays d'origine au moins jusqu'à l'âge de 33 ans ; qu'elle ne démontre pas une insertion particulière en France ; que, par suite, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

12. Considérant que compte tenu du bas âge de son enfant et du fait que rien ne fait obstacle à ce Mme B...l'emmène avec elle dans son pays d'origine, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt supérieur de son enfant n'aurait pas été pris en compte dans la décision lui refusant le titre de séjour sollicité ; que les stipulations précitées de l'article 3-1° de la convention des droits de l'enfant n'ont, dans les circonstances de l'espèce, pas été méconnues ;

13. Considérant que si Mme B...fait valoir qu'elle souffre d'une grave pathologie, aucun document au dossier n'atteste de manière probante qu'elle ne pourrait être soignée qu'en France ; que le préfet n'a donc pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte portant obligation de quitter le territoire et tiré de l'illégalité du retrait de titre de séjour, doit être écarté ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

16. Considérant que, pour contester l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifiée en application des dispositions précitées, Mme B...soutient que celle-ci aurait été décidée en méconnaissance du principe général énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui dispose que toute personne a le droit d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;

17. Considérant que l'article 52 de ladite Charte précise que : " Les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mises en oeuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les institutions, organes et organismes de l'Union, et par des actes des États membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, dans l'exercice de leurs compétences respectives " ;

18. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, préalablement à la décision de retrait contestée, Mme B...a été avisée par courrier du 5 décembre 2012 qu'elle était invitée à faire part de ses observations sur la mesure de retrait envisagée par le préfet ; que ne pouvant ignorer qu'elle ne pourrait légalement se maintenir sur le territoire français et serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement si la mesure de retrait était mise en oeuvre, elle a été mise à même de présenter, si elle l'estimait utile, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi son possible éloignement du territoire français ; qu'au surplus, il résulte des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne pouvait procéder d'office à l'exécution de cette mesure d'éloignement avant l'expiration du délai prévu par ces dispositions, ni avant que le tribunal administratif éventuellement saisi n'ait statué, ce qui mettait l'intéressée en mesure de faire valoir son point de vue avant que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'ait été susceptible de l'affecter défavorablement par une telle exécution ; qu'ainsi, la procédure suivie par le préfet de police ne portait pas atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

19. Considérant qu'il ne ressort pas de la décision contestée, qui fait état notamment de la situation familiale de l'intéressée et des autres circonstances de sa situation, que le préfet de police se soit cru en situation de compétence liée, du fait du retrait de titre de séjour opéré, pour prendre à l'égard de Mme B...une obligation de quitter le territoire français ;

20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;

21. Considérant que les certificats médicaux produits au dossier par MmeB..., qui se bornent à faire état de la nécessité d'un suivi thérapeutique et ne sont pas circonstanciés, ne sont pas de nature à démontrer que sa prise en charge ne pourrait avoir lieu qu'en France et que son défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...ait formulé une demande de titre de séjour au titre de son état de santé ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues par l'arrêté litigieux ;

22. Considérant que pour les motifs exposés précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1° de la convention des droits de l'enfant, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la fixation du délai de départ volontaire :

23. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte portant fixation du délai de départ volontaire et tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté ;

24. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) " ; que ces dispositions ont été transposées en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel, en particulier : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;

25. Considérant que, dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de départ volontaire de droit commun prévu par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation ; qu'un délai de 30 jours a été accordé à Mme B...et qu'elle ne justifie pas avoir demandé une prolongation ; qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté, qui vise les textes appliqués et rappelle la situation personnelle et familiale de Mme B...sur le territoire français et dans son pays d'origine en précisant sa situation administrative, que le préfet a procédé à un examen de son dossier au regard des dispositions régissant l'octroi d'un délai de départ volontaire et ne s'est pas cru lié par le délai de principe de trente jours mentionné au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dès lors Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait insuffisamment motivée ;

26. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu invoqué pour contester le délai de départ volontaire accordé doit être écarté ;

27. Considérant que les moyens tirés de ce que le délai de départ volontaire méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1° de la convention des droits de l'enfant, sont inopérants ;

28. Considérant que, comme il a déjà été exposé, la circonstance que Mme B...fasse l'objet d'un suivi médical en France, alors qu'elle ne justifie pas de la gravité de son état de santé, n'est pas de nature à établir qu'un délai supérieur à trente jours aurait dû lui être accordé pour quitter volontairement la France ; que, dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en lui accordant un délai de trente jours, qui est le délai normalement accordé pour quitter volontairement le territoire, sauf circonstances exceptionnelles ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte portant fixation du pays de destination et tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté ;

30. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. (...) " et qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

31. Considérant que si la requérante soutient qu'en cas de retour en Côte d'Ivoire, son pays d'origine, elle ne pourrait pas bénéficier d'un suivi médical, elle n'établit nullement ses allégations ni le caractère de gravité de son état de santé ; que cet élément n'est pas de nature à établir qu'elle serait personnellement menacée en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi les moyens qu'elle invoque, tirés de ce que l'arrêté contesté, en tant qu'il fixe la Côte d'Ivoire comme pays de destination de la reconduite, méconnaîtrait les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés ;

32. considérant que la décision contestée n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'état de santé de MmeB... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

33. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par

Mme B...tendant à l'annulation de l'arrêté contesté n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions ci-dessus analysées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

34. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1316371/6-3 du 6 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

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N° 11PA00434

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N° 14PA01523


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01523
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : GUEGUEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-10-16;14pa01523 ?
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