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05/03/2015 | FRANCE | N°14PA03284

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 05 mars 2015, 14PA03284


Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Righi, avocat ; Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308148 du 25 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 août 2013, par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces d

cisions ;

3°) d'ordonner la production de son entier dossier administratif ;

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Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Righi, avocat ; Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308148 du 25 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 août 2013, par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'ordonner la production de son entier dossier administratif ;

4°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- n'ayant été interrogée ni par le préfet, ni par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police de Paris, sur ses capacités à assumer matériellement et financièrement le traitement de sa pathologie, elle n'a pu porter ces éléments d'information à la connaissance du préfet ;

- elle justifie se trouver dans l'impossibilité d'avoir accès aux soins nécessaires au Cameroun et être dans une situation humanitaire exceptionnelle ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont illégales par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elles portent atteinte à son droit de mener une vie familiale normale en France ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu la décision du 21 novembre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2015 :

- le rapport de Mme Versol, premier conseiller,

- et les observations de Me Righi, avocat de Mme B... ;

1. Considérant que Mme B..., ressortissante camerounaise, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour délivré en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 30 août 2013, le préfet du Val-de-Marne a refusé ce renouvellement et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination ; que Mme B... relève appel du jugement du 25 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique. " ; qu'aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution. Il transmet ce rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin de l'agence régionale de santé dont relève la résidence de l'intéressé, désigné à cet effet par le directeur général de cette agence (...) " ; que l'article 4 du même arrêté prévoit que : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B..., née le 13 mai 1955, est suivie dans le service de cardiologie de l'hôpital Bichat à Paris à la suite d'une cardiopathie valvulaire opérée le 16 juin 2008 ; que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 3 avril 2013 indiquant que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, toutefois, Mme B... produit un certificat médical établi le 18 décembre 2012 par le professeur Iung, cardiologue exerçant à l'hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris, qui mentionne que son état de santé nécessite une surveillance médicale qui ne peut être assurée dans son pays d'origine ; que l'intéressée produit également une note établie le 18 septembre 2013 par le Docteur Enyegue André-Marie, chef de district de santé à Mbalmayo, qui précise que ce district ne dispose pas d'un centre de cardiologie et que l'intéressée, qui a sa résidence dans la ville de Mbalmayo, ne peut y bénéficier d'un suivi approprié à la pathologie dont elle souffre ; que Mme B... qui soutient, sans être contredite par le préfet du Val-de-Marne, être dans l'impossibilité d'avoir accès au Cameroun aux soins qui lui sont nécessaires, à raison de l'éloignement du centre de soins approprié, du caractère onéreux des médicaments nécessaires et de son absence de ressources, est fondée à soutenir qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que l'arrêté contesté est, en conséquence, entaché d'illégalité ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, et sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme B... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 43 de la loi du 10 juillet 1991 que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ; que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

8. Considérant que Mme B..., pour le compte de laquelle les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ont été explicitement présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mme B... n'a pas demandé que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamés à sa cliente si cette dernière n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1308148 du 25 juin 2014 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 30 août 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination son annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié Mme A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 12 février 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Monchambert, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Versol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 mars 2015.

Le rapporteur,

F. VERSOL Le président,

S. MONCHAMBERT

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03284
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : RIGHI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-05;14pa03284 ?
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