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17/03/2015 | FRANCE | N°14PA02894

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 17 mars 2015, 14PA02894


Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Gueguen ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401988/1-1 du 4 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 avril 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté

;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temp...

Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Gueguen ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401988/1-1 du 4 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 avril 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Gueguen, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé, dès lors que le préfet de police n'a pas cité tous les motifs justifiant sa décision ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen complet de sa demande de titre de séjour ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors, d'une part, qu'il justifie résider en France habituellement depuis plus de dix ans et que le préfet de police devait ainsi soumettre sa demande à la commission du titre de séjour et, d'autre part, qu'il justifie de motifs exceptionnels ;

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les articles L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il vit en France depuis 2003, que sa mère, ses deux demi-soeurs et son enfant né en 2007 vivent en France, qu'il présente des garanties d'insertion professionnelle et est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ;

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'une séparation avec sa fille entraînerait des conséquences préjudiciables pour cette dernière ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il pouvait bénéficier de plein d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que sa demande devait ainsi être soumise à la commission du titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français fait suite à un refus de titre de séjour illégal ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire méconnaissent le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre ;

- le préfet de police s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M.A... ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire n'est pas motivée et méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire fait suite à une obligation de quitter le territoire français illégale ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 février 2015, présenté par le préfet de police qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 février 2015, présenté pour M. A...qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que sa requête et demande en outre à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 25 septembre 2014, admettant M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2015 :

- le rapport de Mme Amat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me Gueguen pour M.A... ;

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant camerounais né le 19 octobre 1975, entré en France le 15 décembre 2001, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès du préfet de police qui a examiné sa demande au regard des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de la rejeter par un arrêté du

24 avril 2013 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ; que par un jugement du 4 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande du requérant tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par une requête enregistrée à la Cour le 2 juillet 2014, M. A...interjette régulièrement appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

3. Considérant que M. A...s'est marié le 14 février 2007 avec une compatriote titulaire d'un titre de séjour ; que de cette union est né un enfant le 17 mai 2009 ; que son épouse ayant quitté le domicile conjugal avec leur enfant sans laisser d'adresse, M. A...a du saisir le juge aux affaires familiales près le Tribunal de grande instance de Créteil qui, par ordonnance de non conciliation du 13 avril 2012, lui a accordé un droit de visite de son enfant dans un centre de médiation spécialisé ; que M. A...a mis en oeuvre ce droit de visite à compter du mois d'octobre 2012 : que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la mère et les deux demi soeurs du requérant résident régulièrement en France où M.A..., compagnon d'Emmaüs, est bien intégré ; qu'ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressé, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ont porté au droit au respect de sa vie privée et familiale de M. A...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'au surplus, une décision d'éloignement, au regard des circonstances particulières susanalysées où s'exercent ses droits à l'autorité parentale, porterait à la réalité de ses relations avec son enfant une atteinte irrémédiable, atteinte contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant au sens des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté litigieux ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gueguen, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de 1 500 euros à Me Gueguen ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1401988/1-1 du 4 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 24 avril 2013 par lequel le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A...et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Gueguen, avocat de M.A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gueguen renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2015 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président,

M. Luben, président assesseur,

Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique le 17 mars 2015.

Le rapporteur,

N. AMAT

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02894
Date de la décision : 17/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : GUEGUEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-17;14pa02894 ?
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