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02/04/2015 | FRANCE | N°14PA03613

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 02 avril 2015, 14PA03613


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Berthilier ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403598 du 30 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2014 par lequel le préfet de police a retiré les cartes de séjour temporaires qui lui ont été délivrées les 9 décembre 2010 et 9 décembre 2011, a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dan

s un délai de trente jours, en fixant son pays de destination ;

2°) d'annule...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Berthilier ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403598 du 30 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2014 par lequel le préfet de police a retiré les cartes de séjour temporaires qui lui ont été délivrées les 9 décembre 2010 et 9 décembre 2011, a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé, au sens de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, s'agissant des procédés frauduleux auxquels il aurait recouru pour obtenir les titres de séjour qui lui sont retirés ;

- le préfet de police ne l'a pas mis en mesure de présenter ses observations au cours de cette procédure de retrait de titres, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens tirés, d'une part, de ce que la lettre l'informant du retrait de titres de séjour lui a été adressée pendant la période de ses congés alors que les services préfectoraux avaient été informés de son absence, d'autre part, de ce que le préfet de police ne démontre pas la réalité de la fraude alléguée ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'apporte pas la preuve de la fraude alléguée ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en retenant comme un élément déterminant sa situation familiale alors qu'il démontre avoir une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République islamique de Mauritanie (ensemble un échange de lettres), signée à Nouakchott le 1er octobre 1992 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2015 :

- le rapport de Mme Versol, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Berthilier, avocat de M. A... ;

1. Considérant que, par arrêté du 17 janvier 2014, le préfet de police a prononcé le retrait pour fraude des cartes de séjour temporaires délivrées les 9 décembre 2010 et 9 décembre 2011 à M. A..., ressortissant mauritanien, et a, par voie de conséquence, refusé de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination ; que M. A... relève appel du jugement du 30 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'en relevant, au point 4 du jugement attaqué, d'une part, que, par courrier du 14 novembre 2013, le préfet de police a informé M. A... qu'il envisageait de procéder au retrait de ses titres de séjour et l'a invité à lui faire part de ses observations écrites, d'autre part, qu'il ressortait des pièces du dossier que le pli concerné avait été retourné à son expéditeur avec la mention " pli avisé et non réclamé ", sans qu'il soit contesté que l'adresse à laquelle ledit pli a été envoyé était celle communiquée en dernier lieu par M. A...à la préfecture de police, les premiers juges doivent être regardés comme ayant implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré de ce que la lettre l'informant du retrait de titres de séjour avait été valablement adressée à M. A... pendant la période de ses congés alors même qu'il aurait informé les services préfectoraux de son absence ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont estimé que les titres de séjour dont était titulaire M. A... en vertu des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avaient été obtenus sur la foi de déclarations de l'intéressé selon lesquelles il était célibataire et sans enfant à charge, alors même qu'à cette date, il était déjà marié et père d'un enfant et que le préfet de police établissait le caractère frauduleux de l'obtention des titres de séjour litigieux, au retrait desquels il pouvait dès lors légalement procéder ; que, dans ces conditions, les premiers juges doivent être regardés comme ayant suffisamment répondu au moyen tiré de ce que le préfet ne démontrait pas la réalité de la fraude alléguée ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la décision portant retrait de titres de séjour :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales(...) " ;

5. Considérant que M. A... soutient, sans être contredit par le préfet de police, qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations avant que soit prononcé, par l'arrêté contesté, le retrait des cartes de séjour temporaires qui lui ont été délivrées les 9 décembre 2010 et 9 décembre 2011 sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si l'arrêté contesté mentionne, d'une part, que, par courrier du 14 novembre 2013, M. A... a été informé de ce que le préfet de police envisageait de lui retirer les titres de séjour délivrés en 2010 et 2011 et qu'il était invité à présenter des observations écrites, d'autre part, que le pli contenant ce courrier, adressé à la dernière adresse connue de l'intéressé, a été retourné au services préfectoraux avec la mention " pli avisé et non réclamé ", ces circonstances ne sont établies par aucune des pièces versées au dossier, alors que le requérant fait valoir n'avoir jamais eu communication de la lettre l'informant du retrait des titres de séjour ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; qu'il y a lieu, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler la décision du 17 janvier 2014 portant retrait des cartes de séjour temporaires délivrées à M. A... les 9 décembre 2010 et 9 décembre 2011 ;

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision " ; que l'arrêté contesté, qui vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 511-1, précise que M. A..., qui a déclaré être célibataire et sans enfant, a bénéficié d'une admission exceptionnelle au séjour et a été mis en possession de deux titres de séjour, valables respectivement jusqu'au 8 décembre 2011 et 8 décembre 2012, qu'il ressortait toutefois de la demande de renouvellement de titre de séjour que l'intéressé était marié depuis le 19 janvier 2003 avec une compatriote et père de deux enfants, que son admission au séjour a été accordée au motif d'une résidence en France regardée comme continue entre 2000 et 2010, alors que l'un de ses enfants est né le 15 mai 2007 à Dafort (Mauritanie) et qu'il a caché sa situation familiale ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé en tant qu'il n'apporterait pas de précision sur la fraude commise pour obtenir des titres de séjour ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" ;

8. Considérant que si M. A... se prévaut de ce que le préfet de police a admis qu'il résidait en France de façon habituelle depuis plus de dix ans, en lui délivrant, les 9 décembre 2010 et 2011, deux titres de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la durée de résidence en France de l'intéressé ne revêt pas, en l'espèce, le caractère de circonstance humanitaire, ni ne constitue un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées ; qu'en tout état de cause, en se prévalant des propres déclarations de M. A... concernant sa situation familiale lors du dépôt de ses demandes de titre de séjour, le préfet de police, qui apporte ainsi la preuve de la fraude reprochée à l'intéressé, n'a pas commis d'erreur d'appréciation de sa situation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas vérifié s'il existait des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... à la date de la décision contestée, alors même que la situation familiale du demandeur ne démontrerait pas à elle seule qu'il n'a pas résidé de façon habituelle en France entre 2000 et 2010, que le mariage religieux de M. A..., célébré en 1998 en Mauritanie, avant son départ pour la France, résulterait d'un arrangement entre familles et n'a été retranscrit dans les actes d'état civil mauritaniens que le 19 février 2003, qu'il aurait accepté de reconnaître l'enfant adultérin de son épouse, né le 15 mai 2007 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ; que le moyen tiré de ce que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A... doit être écarté pour les mêmes motifs ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 janvier 2014 portant retrait des cartes de séjour temporaires délivrées les 9 décembre 2010 et 9 décembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour fait partiellement droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 17 janvier 2014 portant retrait des cartes de séjour temporaires délivrées à M. A... les 9 décembre 2010 et 9 décembre 2011 est annulée.

Article 2 : Le jugement n° 1403598 du 30 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Monchambert, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Versol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 avril 2015.

Le rapporteur,

F. VERSOL Le président,

S. MONCHAMBERT

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03613
Date de la décision : 02/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP BERTHILIER-TAVERDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-02;14pa03613 ?
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